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Bousculade à La Mecque: Impossible d’évaluer le nombre de victimes Sénégalaises
Publié le mardi 29 septembre 2015  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Au moins trois sénégalais ont péri dans la bousculade qui y a eu aujourd`hui à Mouna




Après les 109 pèlerins décédés suite à la chute d’une grue au niveau de la grande mosquée de La Mecque, la mort d’au moins 717 autres pèlerins, lors d’une bousculade à Mouna, a fait naître une colère noire chez des fidèles musulmans. Côté sénégalais, il est difficile voire impossible de faire le décompte des victimes pour le moment.



Au moins 717 pèlerins ont perdu la vie, lors d’une bousculade meurtrière survenue, jeudi 24 septembre, à Mina. Plus de 800 blessés graves ont été dénombrés. Des images choquantes qui ont été aggravées par une décision incompréhensible des autorités saoudiennes. En effet, l’ire est montée d’un cran quand des bulldozers ont été réquisitionnés pour ramasser les corps des victimes. La scène a traumatisé plus d’un, alors que le chaos règne toujours sur place. Car, si le Sénégal compte, pour l’heure, 7 morts. D’autres parlent de 5 morts. Mais, l’essentiel est que la liste est loin d’être exhaustive, selon des voyagistes privés contactés depuis La Mecque.

‘’C’est déplorable, mais on ne pourra évaluer le nombre de pèlerins décédés ou disparus qu’au moment du retour, dans une semaine. On a du mal à identifier des pèlerins, dans la mesure où certains ne portaient pas leur badge au moment du drame. Plus d’une vingtaine de Sénégalais sont portés disparus. On ignore s’ils sont en vie ou dans les hôpitaux. Des voyagistes privés sont à la recherche de leurs pèlerins’’, fait savoir la présidente du consortium des organisations privées pour le Hadj et la Oumra (Cophom), Mme Safiétou Seck, jointe au téléphone. Selon ses précisions, un privé a perdu une quinzaine de pèlerins, au moment où d’autres en cherchent deux ou trois. Elle regrette, comme d’autres, le décès de la célèbre femme d’affaires, Aïda Ndiaye Bada Lô.

‘’Nous réclamons plus d’humanité de la part des autorités saoudiennes’’

Hormis le Sénégal, d’autres pays de l’Afrique subsaharienne paient aussi un lourd tribut. Le Niger comptabilise plus d’une dizaine de victimes, de même que le Mali qui n’a pas été en mesure d’établir un bilan officiel. La Côte d’ivoire aussi pleure ses morts. Idem, pour des pays du Maghreb dont la Tunisie et le Maroc. Tous reprochent aux autorités saoudiennes un certain mépris vis-à-vis des pèlerins issus de divers horizons. ‘’Nous réclamons plus d’humanité de la part des autorités saoudiennes’’, clament des voyagistes privés sénégalais présents à La Mecque.

Si pour certains esprits, ces pèlerins sont morts en martyrs et vont bénéficier d’une bénédiction divine, ils sont nombreux à s’attaquer aux autorités saoudiennes, de même qu’aux leaders du monde musulman pour ces défaillances récurrentes qui ont fini par s’associer au ‘’hadj’’. En fait, la chute de la grue, qui a occasionné la mort d’une centaine de pèlerins, le 11 septembre dernier, aurait dû, pour certains, inciter les autorités saoudiennes à adopter des approches assez intelligentes pour éviter la catastrophe survenue à Mina, à quelques kilomètres de La Mecque, le jour de la lapidation de Satan. ‘’Les travaux d’agrandissement de la Grande mosquée ont rendu pénible le Hadj. La grue était juste suspendue. On voyait ce jour-là, des carreaux se détacher. Il y a certes la main divine - nous implorons Sa Clémence -, mais il faut plus de professionnalisme, de responsabilité, tant du côté des Saoudiens que du côté des Sénégalais’’, ajoute la présidente du Cophom.

Le convoi du prince Salman pointé du doigt

Pour situer les responsabilités, des autorités saoudiennes ont vite fait de se décharger sur les Africains, avant que d’autres ne pointent du doigt des pèlerins ‘’indisciplinés’’ qui ne respectent pas les consignes. Le ministre de la Santé saoudien, Khaled al Faleh, s’est signalé dans ce registre. ‘’S’ils avaient suivi les instructions, on aurait pu éviter cela. De nombreux pèlerins se mettent en mouvement, sans respecter les horaires. C’est la raison principale de ce genre d’accidents’’. Ces arguments servis à la chaîne de télévision ‘’Al Ekhbariya’’, repris par la presse, ne tiennent pas, selon des pèlerins qui ont échappé à la tragédie.

D’ailleurs, selon plusieurs sites d’information, le convoi du prince héritier Ben Salmane, fils du roi Salmane et ministre de la Défense, n’est pas étranger au drame. ‘’Alors que le prince se rendait sur les lieux de la "lapidation de satan", avec plus de 350 hommes armés à ses côtés, l'un des 4 chemins que devaient emprunter les pèlerins a été fermé pour sa sécurité. Des centaines de milliers de pèlerins qui devaient emprunter cette voie se sont vus faire demi-tour et ont ainsi croisé sur leur passage une autre vague de centaines de milliers d'autres pèlerins qui venaient dans leur direction. Le choc mortel a eu lieu lors de la rencontre entre les deux groupes, faisant près de 1 000 morts et presque autant de blessés’’.

Une information soutenue par Cheikh Bamba Dioum, un voyagiste privé actuellement à La Mecque, joint également au téléphone par EnQuête. ‘’Il nous est difficile de vous livrer les véritables causes de cette bousculade mortelle, mais je puis vous assurer que la thèse du non-respect des consignes n’est pas valable. Ce jour-là, il s’est trouvé qu’une porte a été fermée pour des raisons que nous ignorons. Il y a eu un mouvement de foule, cet accident était prévisible, en raison d’une collision entre des milliers de pèlerins qui se retrouvaient sur le même espace’’, nous confie notre interlocuteur. Non sans ajouter : ‘’D’ailleurs, le jour de la Tabaski, au moment de rejoindre le quartier des Sénégalais, nous avions remarqué que de grandes avenues étaient fermées. Cela avait créé des embouteillages monstres. Heureusement qu’il n’y avait pas bain de foule. Mais, ce sont des situations à éviter, car cela crée toujours des dérapages.’’

La présidente de la Cophom de déplorer le fait que ‘’la sécurité saoudienne ait tendance à fermer ses portes à tout bout de champ, sans avancer de raisons. Il faut que les chefs d’Etat réagissent. L’Arabie Saoudite doit avoir plus d’humanisme pour les pèlerins. Des centaines qui tombent raids morts, c’est révoltant. Le président de l’Organisation de la conférence islamique doit parler et revoir l’organisation du hadj. C’est un drame’’.

Impliquer tout le monde musulman

Cette ‘’tragédie’’, qui dévoile une absence du sens de la prospective des autorités saoudiennes, remet au premier plan la nécessité d’impliquer toute la Oumma dans l’organisation du hadj. ‘’Il est vrai que l’Arabie Saoudite est le noyau dur, mais le hadj est une affaire de tous les musulmans. Chaque pays doit jouer sa partition. C’est une exigence. En guise d’exemple, les agents en charge de la sécurité ne s’expriment qu’en arabe, une langue qui n’est parlée que par 25% des milliers de pèlerins. Ils ont du mal à assurer leur encadrement, à cause des barrières linguistiques. Or, si des Etats s’évertuaient à envoyer des agents pour communiquer avec des fidèles, cela permettrait de franchir un palier. Car, sur le plan des infrastructures, l’Arabie Saoudite a fait de grands efforts, mais, c’est au niveau des ressources humaines qu’elle pèche. Elles ne font pas preuve d’ouverture d’esprit’’, fait savoir pour sa part l’islamologue Cheikh Bamba Dioum.

Une injonction qui cadre avec la proposition faite par le chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, de procéder à une réévaluation du Hadj. ‘’Cela nous interpelle, interpelle notre conscience sur la façon dont nous devons organiser le pèlerinage. Certainement après les enquêtes qui seront menées et qui ont déjà débuté à Mouna, chaque pays doit réévaluer son organisation et sa méthode’’, selon le président. L’idée émise pour une nouvelle stratégie organisationnelle, basée sur une synergie d’actions, est dès lors partagée par différents acteurs. Car la ‘’grande chaleur et la fatigue des pèlerins’’ ne peuvent plus justifier de telles dérives.

Au-delà de sa dimension spirituelle et universelle, le pèlerinage à La Mecque passe pour un chemin périlleux. Les musulmans se heurtent encore à des contraintes pour effectuer le cinquième pilier de l’islam. Le décès, en deux séquences, de plus de 900 pèlerins, en cette édition 2015, laisse un goût amer. Pour Mme Safiétou Seck, comme pour d’autres, ‘’il faut un ‘ndëpp’ national pour voir les maux qui gangrènent le pèlerinage à La Mecque. Que les chefs d’Etat se bagarrent pour plus de considération à l’égard des fidèles musulmans’’.
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