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Gambie - Enlèvement, exécutions, tortures, disparitions...: Human Rights Watch accable Yahya Jammeh
Publié le mercredi 23 septembre 2015  |  Enquête Plus
Ouverture
© Abidjan.net par Atapointe
Ouverture du 44è sommet de la CEDEAO à Yamoussoukro en présence de 14 chefs d`Etat
Le 44è sommet ordinaire de la Communauté économique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) s`est ouvert, vendredi, dans la capitale politique et administrative de la Côte d`Ivoire, Yamoussoukro en présence de 14 Chefs d`Etat de la sous-région ouest-africaine. Photo: Yaya Djammeh, président de la République du Gambie




Paru il y a seulement quatre jours, le dernier rapport de Human Rights Watch intitulé "State of Fear Arbitrary Arrests, Torture, and Killings" sur la situation des droits humains en Gambie est accablant pour le Président gambien Yahya Jammeh et son régime. Il fait de terribles révélations sur le meurtre du journaliste Deyda Hydara en 2004, la disparition forcée de son confrère Chief Ebrima Manneh en 2006, le massacre de quelque 50 ressortissants ouest-africains soupçonnés d'avoir fomenté un coup d'Etat en 2005, la disparition de deux citoyens américains d'origine gambienne en 2013. Et les multiples disparitions de personnes accusées de participer à des tentatives de coups d'Etat entre 2006 et 2014. Les techniques de torture employées par l’appareil sécuritaire du leader gambien y sont détaillées d’une façon qui fait froid au dos.



Créée par Yahya Jammeh quelques mois après son coup d'Etat de juillet 1994, la police secrète du régime appelée National intelligence agency (NIA) est responsable, selon le rapport de Human Right Watch, de la majorité des enlèvements, des arrestations arbitraires et des détentions illégales de nombreuses personnes dont des journalistes, des fonctionnaires, des étudiants etc. Et pourtant, aussi bien la Serious Crime Unit de la Police, la NIA que les Jungullers reçoivent directement leurs ordres de l’homme fort de Banjul, selon le rapport de Human Rights Watch. L’organisation souligne que ces structures de répression fonctionnent en hors-la-loi, en dehors de tout cadre réglementaire des forces de sécurité républicaines gambiennes.

La NIA, les "Jungullers" et le piment dans le rectum des opposants

Les personnes détenues pour raisons politiques, surtout celles perçues par le régime de Banjul comme des souteneurs de l'opposition ou ceux qui critiquent le président gambien et mettent en évidence les échecs de la politique de son administration ainsi que les personnes arrêtés après des tentatives de coup d'Etat, sont souvent soumises à la torture systématique ou à d'autres mauvais traitements dont les séquences ultimes sont l'œuvre d'une très redoutable machine secrète de tortionnaires. Il s'agit d'un groupe paramilitaire non officiel créé par Yahya Jammeh et dont les membres s'appellent les "Jungullers". Toujours habillés en noir et en cagoule, les hommes qui composent cette unité sont craints, même par les hautes autorités du gouvernement et les hauts gradés des forces de sécurité dont l'armée et la police gambiennes.

D'ailleurs, Human Rights Watch révèle que les actes de torture commis par la NIA et les "Jungullers" sur les victimes sont des sévices corporels graves par exemple avec des matraques en bois, des tuyaux métalliques, des câbles, des fils électriques, des courroies de transmission (courroies en caoutchouc épais utilisées dans les moteurs automobiles). Des pratiques de torture utilisées aussi par la Serious Crime Unit de la police que le président gambien a transformée en appareil de surveillance et de répression pour son compte personnel.

Mais les tortionnaires de Jammeh ont d'autres méthodes atroces pour extraire des aveux à ceux qui tombent sous leurs griffes. Human Rights Watch cite la suffocation par sac en plastique où la tête de la victime est emballée et la technique de la quasi-noyade avec un sac en plastique à moitié rempli d'eau. Il y a aussi le piétinement avec des bottes, les électrochocs de parties sensibles du corps comme les organes génitaux et la fonte de sacs en plastique sur la peau des détenus. "Et lorsque l’extraction d’aveux est une tâche compliquée, à la NIA tout comme chez les"jungullers", nous mettions du piment pilé dans l’anus de la personne arrêtée", raconte un ex-agent de la NIA aujourd’hui en fuite hors de la Gambie. Beaucoup de victimes ont également décrit l'usage fréquent par la NIA et les "jungullers" de la violence psychologique comme le placement en isolement prolongé, le simulacre d'exécution, et les menaces répétées de torture et de mort.

Comment les "jungullers" ont assassiné le journaliste Deyda Hydara

Un ancien "Junguller" qui, en tant que chauffeur du groupe, a pris part à l'opération dans laquelle Deyda Hydara a été tué, a déclaré à Human Rights Watch que le journaliste a été abattu par des membres des "Jungullers". "Avec mes collègues "Jungullers", nous devions exécuter des personnes au nombre de 22 sur une liste. C'étaient des hommes politiques, des journalistes, des gens dont Jammeh croient qu'ils sont une menace pour lui. Deyda Hydara était sur cette liste. Son assassinat a eu lieu dans la nuit du 16 décembre 2004 sur la route Sankung Sillah à Kanifing. Nous avons bloqué le véhicule de Hydara entre les deux taxis que nous avions utilisés pour nous fondre dans la masse. Nos hommes lui ont tiré dessus. Puis un "Jungullers" est descendu de notre véhicule et lui a tiré dessus à bout portant une nouvelle fois", explique le tueur pro Jammeh qui a parlé à Human Rights Watch.

Massacre de 44 ressortissants ghanéens 15 autres africains en 2005

En juillet 2005, les paramilitaires "Jungullers" ont sommairement exécuté plus de 50 ressortissants africains candidats à l'émigration en Europe, arrêtés après leur arrivée en Gambie. Le rapport de Human Rights Watch indique que le Commonwealth Human Rights Initiative s'est rendu au Ghana en 2007 pour enquêter sur le massacre et a découvert que les personnes tuées étaient membres d'un groupe de 44 Ghanéens et 15 autres ressortissants africains arrêtés sur une plage en Gambie où des passeurs de clandestins avaient promis de les convoyer en Europe moyennant de l'argent.

Mais ces candidats à l'émigration ont été arrêtés, car soupçonnés de vouloir renverser le gouvernement gambien. Ils ont été détenus au secret pendant plusieurs jours au quartier général de la NIA à Banjul d'où ils ont été extraits pour être divisés en groupes et exécutés.

Un ancien "Jungullers" ayant participé au massacre a déclaré à Human Rights Watch qu'ordre leur a été donné "de conduire les migrants en petits groupes dans un champ près de Kanilai, le village natal du président Yahya Jammeh où "deux "Jungullers" ouvraient le feu à bout portant sur chaque petit groupe. Huit autres personnes ont été tuées à coups de machette à Brufut. Certains d'entre eux avaient peur après chaque rafale de nos armes, parce qu'ils savaient qu'ils allaient mourir. Nous avons jeté les corps dans un grand puits situé à Yunor, un village abandonné du côté sénégalais de la frontière, non loin de Kanilai", raconte le témoin à Human Rights Watch.

Une mission d'enquête conjointe ONU-CEDEAO a conclu en 2009 que le gouvernement gambien n'est pas à blâmer, mais que des "éléments incontrôlés" des services de sécurité de Gambie étaient responsables de cette tuerie.

Exécution sommaire du demi-frère et de la demi-sœur du Président Jammeh

Un ancien "Jungullers" a déclaré à Human Rights Watch qu'en juillet 2005, il a vu ses collègues exécuter, de sang-froid, Haruna Jammeh, demi-frère du Président Jammeh, Jasaja Kujabi l'ancien directeur de la NIA et Masireh Jammeh la demi-sœur de Yahya Jammeh qui travaillait au palais présidentiel. Jammeh accusait tous les trois de n’avoir pas été ses yeux et ses oreilles. Le rapport de Human Rights Watch insiste pour dire que le "régime gambien a été impliqué, de façon irréfutable, dans plus d'une douzaine de ces exécutions extrajudiciaires à la suite de tentatives de coup d'Etat entre 2006 et 2014. La plupart des victimes étaient des membres en service ou d’anciens éléments des forces de sécurité". Ce fut le cas après le coup d'Etat manqué du 30 décembre 2015.

Human Rights Watch souligne que pendant plus d'une décennie, des gambiens de la diaspora ainsi que des groupes de défense des droits humains ont documenté les cas des disparitions forcées. Ils ont fourni à Human Rights Watch une liste de 43 personnes qui auraient "disparu" entre 1994 et 2015 après avoir été enlevés par les forces de sécurité gambienne. C'est le cas du journaliste Chief Ebrima Manneh et d’Alhagie Mamut Ceesay et Ebou Jobe, deux citoyens américains d'origine gambienne, portés disparus en 2013 après leur arrestation en Gambie.

Il faut souligner que la majorité des faits illustratifs cités dans le rapport de Human Rights Watch (HRW) se sont déroulés entre 2013-2015. Bien évidemment d'autres faits antérieurs ont été mentionnés. Et pour compiler son rapport, l'organisation de défense des droits de l'Homme américaine a mené ses enquêtes en Gambie, au Sénégal, et aux Etats-Unis entre octobre 2014 et août 2015. Pour cela, Human Rights Watch a interrogé 38 victimes de tortures, des témoins et d'autres personnes ayant une connaissance directe des abus en Gambie, dont de nombreux anciens membres des forces de sécurité et des groupes paramilitaires.
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