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Pr Malick Ndiate, président du Ciis: ‘’Au nom de la Tabaski, je demande à Macky de libérer Karim Wade’’
Publié le mercredi 23 septembre 2015  |  Enquête Plus




Malgré la forte pluie qui s’est abattue hier sur Dakar, le Comité d’initiative des intellectuels du Sénégal a quand même tenu son rassemblement citoyen pour le dialogue et l’écoute. En marge de cette rencontre, le président dudit Mouvement, le Pr Malick Ndiaye, a fait un véritable plaidoyer pour la libération de Karim Wade pour qu’il aille fêter la Tabaski avec les siens. Aux yeux de l’ex-ministre conseiller du président de la République, la jurisprudence Henry Grégoire Diop sur la traque des biens mal acquis devait s’appliquer à Macky Sall qui, selon lui, est aussi coupable que Karim Wade. Entretien.



Le Comité d’initiative des intellectuels du Sénégal (Ciis) que vous dirigez a organisé cet après-midi (hier) un rassemblement à la place de l’Obélisque. Pouvez-vous revenir sur les décisions issues de cette manifestation ?

Il y a deux décisions majeures qui ont été tirées par les organisateurs. Constatant le nombre élevé d’intellectuels et de cadres, le comité d’organisation décide de convoquer le deuxième congrès des intellectuels sénégalais les 28 et 29 décembre 2015. Le premier congrès s’était tenu les 28 et 29 décembre 2004 à Dakar. C’est ce premier congrès qui a, en fait, donné au comité d’initiative son identité comme un lieu d’anticipation pour la société sénégalaise, mais dans une indépendance totale vis-à-vis des différents appareils politiques et vis-à-vis des lobbies. Le thème retenu est : ‘’Les lois non écrites de nos traditions par opposition aux lois héritées des toubabs (blancs)’’.

Les lois de la République actuelle sont des lois un peu ‘’copier-coller’’ par rapport aux constitutions françaises. Mais ce qui leur manque, c’est une âme qui ne peut provenir que de nos traditions, de nos cultures, de nos croyances. Or toutes ces choses sont exclues. Il faut réaliser l’ancrage sociologique et historique des institutions sénégalaises. Il nous faut un réarmement stratégique de ces sociétés colonisées qui n’ont pas rompu les liens avec les institutions du colonisateur. Nous voulons passer de cette situation à celle du cogito africain où nous-mêmes, nous allons à partir de nos valeurs fondatrices, élaborer nos propres institutions sans renoncer à tout ce qui est universel même si le chemin de l’universel, c’est le particulier. Parce que si nous adoptons la méthode des français, nous allons faire du juridisme comme les droits de l’Homme, comme M. Sidiki Kaba, par exemple, et nous allons prétendument moderniser les daara et donc en réalité désislamiser ou déchristianiser la société.

Cela a-t-il une incidence directe sur la gouvernance du pays ?

Oui bien sûr ! La gouvernance, lorsqu’elle est tirée de nos traditions et de nos valeurs, elle est une gouvernance légitime. Les valeurs d’ici insistent beaucoup plus sur l’équité que sur l’égalité. L’équité veut dire qu’on doit appliquer une mesure juste et l’égalité est niveleuse en ce sens qu’elle applique la même mesure à des choses différentes. Or, dans la problématique de l’équité, on applique une mesure en tenant compte des différences entre les sujets auxquels on les applique.

Et quelle est la deuxième décision que vous avez prise ?

La deuxième décision importante, c’est la tenue au mois d’avril 2016, d’une conférence nationale sur le dialogue social qui va regrouper, au-delà des intellectuels, tous les segments de la société. C’est pour refonder les règles essentielles de notre société. Les règles traditionnelles du pays disent que celui qui dirige ne doit pas toucher aux biens publics comme par exemple le domaine maritime ou les réserves foncières. S’il touche au domaine public, il doit être destitué. Cette vieille règle, c’est elle qui avait cours depuis le royaume du Tekrour jusqu’aux empires du Ghana, du Djolof et la révolution Torodo avec Souleymane Baal qui l’a rétabli. Dans tous nos anciens empires, les rois et leurs familles n’étaient pas riches parce qu’il y a des règles qui organisent l’appropriation du bien public. Ces règles interdisaient à ceux qui gouvernaient de devenir riches par accaparement.

Est-ce que tel est le cas aujourd’hui dans nos systèmes de gouvernance ?

Dans le système de gouvernance actuel hérité des Toubabs, ceux qui gouvernent s’approprient le bien public comme par exemple le domaine maritime ou la réserve foncière. Ceux qui gouvernent se servent d’abord au lieu de servir leurs fonctions publiques.

Le président Macky Sall échappe-t-il à la règle ?

Pour être plus juste, la première alternance avec Abdoulaye Wade avait pour but de passer d’une gouvernance qui pouvait entretenir la corruption légale à une gouvernance légitime qui rétablit le bien public. Mais quand Me Wade a essayé, il n’a pas réussi sous ce rapport parce que visiblement, les phénomènes de l’accaparement se sont développés de façon parfois inconsidérée. Ce phénomène concerne tous les dignitaires de l’ancien régime qui avaient pour mission de corriger les pratiques sous le régime socialiste. Ils n’y sont pas arrivés et ont amené les citoyens à se poser l’équation d’une deuxième alternance.

Et qu’en est-il de la situation sous le règne de la deuxième alternance ?

Lorsque la deuxième alternance est arrivée avec un mandat précis, non pas rayer de la carte la première, mais corriger ses défauts. Mais quand Macky Sall est arrivé au pouvoir, sa famille, ses proches, ses amis ont utilisé la proximité avec son aval ou malgré lui, pour se positionner selon une logique qui, finalement, a gêné tout le monde par une intervention intempestive de cette même famille mais aussi des amis, des griots, etc. Alors que le président Sall portait tous les espoirs pour corriger les défauts de la première alternance. Quand on voit le bilan, il est même en train de faire pire que ceux qu’il avait en charge de corriger. Le régime est aujourd’hui dans une espèce de répétition décevante du régime socialiste et du régime du Sopi.

Donc selon vous, Macky Sall a déçu les attentes ?

Malgré sa bonne volonté que je connais, il n’a pas réussi. Si je prends le cas de l’impunité, entre 2001 et 2009, Macky Sall avait les mêmes prérogatives, les mêmes facilités que tous les membres de l’équipe de Wade. Visiblement, la fortune qu’il a déclarée comme patrimoine ne peut pas être accumulée par un fonctionnaire durant la même période d’autant qu’il est connu comme étant un locataire à Castor.

Insinuez-vous que le président s’est enrichi illicitement ?

Mon problème, sans aller jusque-là, c’est que Karim Wade qui est tout seul en prison n’a pas été accusé de détournement de fonds pour les ministères qu’il a eu à gérer mais d’enrichissement illicite. Etant donné que Karim Wade et son père ont fait la promotion de Macky Sall, il ne peut pas le nier, lorsque la jurisprudence de Henry Grégoire Diop dit que l’argent de Karim Wade, c’est de l’enrichissement illicite, quoique Karim Wade lui ait dit que ce sont des dons, la même jurisprudence doit s’appliquer à Macky Sall. Sous cet angle, Macky Sall est tout aussi coupable que Karim Wade.

La deuxième alternance fait un règlement de comptes et non une reddition des comptes dans le cas précis. Le problème, il est sérieux. C’est le modèle de gouvernance des français dont nous avons hérité qui ne permet pas le recours aux lois non écrites. C’est pourquoi nous demandons à Macky Sall de laisser Karim Wade rejoindre les siens pendant la fête de la Tabaski. Nous lui demandons également d’œuvrer à la réconciliation nationale du peuple tchadien au lieu de s’offrir ici à Dakar en spectacle, dans le cadre d’un procès qui divise davantage le peuple tchadien.
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