Les ‘’bonnes feuilles’’ de l’ouvrage ‘’Le Sénégal sous Macky Sall : De la Vision à l’ambition. Les réalisations à mi-mandat’’ de Abdoulatif Coulibaly donnent un avant-goût d’un livre à la tonalité différente de ceux qui ont fait de l’auteur une plume contre-hégémonique sous le régime de l’ex-président de la République, Me Abdoulaye Wade, avant de s’engager depuis 2012 aux côtés de Macky Sall.
Dans son introduction, Coulibaly dit avoir eu envie ‘’de reprendre la plume pour témoigner, en fonction de ce que j’ai pu comprendre des fondements de ces politiques, de ce que j’ai cru avoir saisi des objectifs que leur sont assignés et de ma capacité d’être à même d’adapter, d’apprécier les finalités fixées’’.
‘’Nous témoignons en examinant ces politiques à travers leur mise en œuvre dans des secteurs clés de la vie politique, économique et sociale en nous interdisant, du mieux que nous pouvons, d’ajouter la confusion entretenue sur certains sujets’’, ajoute t-il.
Comme dans une sorte d’avertissement, il poursuit : ‘’Ce livre se veut une contribution modeste au débat public (….) depuis l’avènement de la deuxième alternance. Ceux qui s’attendent (…) à lire des révélations seront naturellement déçus. Nous proposons juste (…) un texte de relations de faits quotidiennement traités (….)’’.
Sur 401 pages, le secrétaire général du gouvernement évoque, dans une première partie, ses rencontres avec Macky Sall, son expérience gouvernementale, surtout celle de ministre de la Bonne gouvernance et de porte-parole du gouvernement.
Dans la deuxième partie, il évoque les actes et les mesures posés par Macky Sall. Ainsi, il aborde, statistiques à l’appui, l’allègement des prix des denrées, des produits pétroliers, la baisse des impôts, la prise en charge des problèmes de santé des populations, d’habitat social et de sécurité au travail, entre autres.
Dans la troisième partie, Coulibaly s’intéresse à la politique du gouvernement dans les domaines de l’éducation, des mines, de l’industrie, de l’enseignement supérieur, de la santé, de l’agriculture, tout en prenant soin d’étayer son propos avec des chiffres.
C’est aussi chiffres à l’appui toujours, qu’il parle dans la quatrième partie du Plan Sénégal émergent (PSE), principal référentiel des politiques publiques.
L’auteur, qui fut d’abord ministre de la Bonne gouvernance dans le gouvernement du Premier ministre Abdoul Mbaye, aborde dans la cinquième partie du livre la question de la gouvernance, condition sine qua non de tout développement, selon lui.
Abdoulatif Coulibaly évoque aussi la question de la famille présidentielle et le pouvoir, depuis 1960.
Le président Senghor, connu pour sa rigueur et sa rationalité occidentale, n’a pas manqué de placer, relève l’auteur, des membres de sa famille à de hauts postes de responsabilités dans l’appareil d’Etat. Il l’a fait parfois avec la manière, dit-il, en citant à cet égard l’exemple d’Adrien Senghor.
Sous Adou Diouf, la présence de la famille présidentielle dans l’appareil d’Etat est réduite. Son frère Maguette Diouf fut ministre de l’Energie.
A l’opposé, son successeur Abdoulaye Wade fait intervenir sa famille, de façon remarquable, à partir de 2004. C’est ainsi que son fils Karim Wade est nommé ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, de l’Energie, des Infrastructures et des Transports.
Elu en 2012, Macky Sall nomme son beau-frère ministre. Dans la foulée, son frère cadet est élu maire de Guédiawaye (Dakar). Un de ses oncles occupe les mêmes fonctions de maire par la grâce du suffrage universel. L’époux de la mère de Marème Sall, l’épouse du chef de l’Etat, dirige le conseil de surveillance d’une structure parapublique.
Avec ‘’Le Sénégal sous Macky Sall : De la Vision à l’ambition. Les réalisations à mi-mandat’’, Abdoulatif Coulibaly est loin de la posture à laquelle il a habitué l’opinion et qui a fait de lui le journaliste d’investigation dont la plume faisait trembler un pouvoir.
En 2000, l’arrivée d’Abdoulaye Wade à la magistrature suprême contribue à revigorer l’exception démocratique sénégalaise. Mais, trois ans après, l’enthousiasme retombe, le dépit est à la hauteur des espoirs suscités par l’alternance.
Abdou Latif Coulibaly sort alors en 2003 un ouvrage emblématique de cette déception, sous le titre : ‘’Me Abdoulaye Wade. Un opposant au pouvoir : l’alternance piégée ?’’.
Momar Coumba Diop, dans ‘’Essai sur l’art de gouverner le Sénégal’’, décrit l’ouvrage comme ‘’la plus importe production contre-hégémonique au Sénégal depuis 2000’’.
Dans cet ouvrage dont la parution provoque un remaniement ministériel, Coulibaly explique le hiatus entre les attentes de la population et les promesses non tenues de l’alternance historique de mars 2000.
Il y relève la centralisation excessive du pouvoir entre les mains du président Abdoulaye Wade qualifié de ‘’ monarque républicain’’, de son parti et de ses proches, l’amateurisme dans la gestion des affaires, les erreurs dans la formulation précipitée de priorités économiques, le bradage des entreprises publiques à des investisseurs étrangers, la libéralisation de la filière arachide.
Abdou Latif Coulibaly est présenté depuis comme un ‘’éditorialiste réputé, journaliste d’investigation reconnu (dont les) enquêtes, reportages et autres articles font autorité dans le paysage médiatique de son pays’’.
Il est l’auteur de ‘’Le Sénégal à l’épreuve de la démocratie : enquête sur 50 ans de lutte et de complots au sein de l’élite socialiste’’ (1999), ‘’Affaire Me Sèye : un meurtre sur commande’’ (2005), ‘’Une démocratie prise en otage par ses élites : essai politique sur la pratique de la démocratie au Sénégal’’ (2006).
Coulibaly a aussi publié ‘’Loterie nationale sénégalaise : chronique d’un pillage organisé’’, (2007), ‘’La Ressuscitée (2007, roman), ‘’Contes et mécomptes de l’ANOCI’’, (2009), ‘’La République abîmée’’ (2011).
L’auteur referme son dernier ouvrage sur une postface consacrée à son engagement en politique en parlant en homme libre : ‘’Je suis libre de faire des choix dans ma vie. Je l’ai toujours fait sans demander la permission de personne. Pourquoi changer à soixante ans révolus ?’’.
Il ajoute : ‘’J’ai été journaliste pendant plus de vingt-cinq ans. J’ai quitté ce beau métier que j’ai sincèrement adoré du fond de mon cœur. Je n’ai jamais pensé que je l’aurai abandonné avant la retraite, mais le Bon Dieu en a décidé autrement…’’.
