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Nécrologie - Décès du plus grand Tambour-Major du Sénégal: Doudou Ndiaye Coumba Rose rejoint ‘’Bëj Géwëlu Ndakaaru’’
Publié le vendredi 21 aout 2015  |  Enquête Plus
Doudou
© Autre presse par DR
Doudou Ndiaye Rose est décédé, ce mercredi, à l`âge de 85 ans




A peine 24h après l’enterrement de son ami et frère Vieux Sing Faye, Doudou Ndiaye Coumba Rose est lui aussi rappelé à Dieu. Le grand percussionniste au talent immense est décédé hier à l’hôpital Aristide Le Dantec. Il sera inhumé aujourd’hui au cimetière musulman de Yoff.



‘’Je prie d’avoir la même foule pour m’accompagner dans ma dernière demeure’’, disait Doudou Ndiaye Coumba Rose avant-hier mardi lors de l’enterrement de Vieux Sing Faye. On espère que son vœu va se réaliser ce matin. Le grand tambour-major a rejoint son ami hier. Il a été rappelé à Dieu suite à un malaise. Mamadou Ndiaye dit Doudou a fêté ses 85 ans au mois de juillet 2015. Nous voilà déjà parlant de lui au passé. Pourtant, il y a à peine 2 jours quand il formulait ce vœu, ne sachant peut-être pas qu’un futur proche édifierait ses proches sur la réalisation de son souhait. Il sera inhumé ce jour au cimetière musulman de Yoff.

Surnommé affectueusement par certains ‘’le mathématicien des rythmes’’, il trouvait tous les ‘’calculs’’ parce qu’ayant le rythme dans le sang. Enfant, il faisait l’école buissonnière pour aller assister à des séances de ‘’sabar’’. ‘’Quand j’entendais les sabar, c’est comme si quelqu’un me disait : arrête-toi et écoute ces notes. Je marquais un temps d’arrêt, me demandant si je devais aller à l’école ou suivre le sabar’’, confiait-il à EnQuête, il y a à peine trois semaines dans un entretien qu’il nous a accordé. Il finissait toujours par aller suivre la séance de tam-tam. C’est ainsi qu’il pouvait rester 15 jours sans aller à l’école. ‘’Mon maître me dénonçait.

A chaque fois on me frappait mais je ne pouvais m’empêcher de refaire cela’’, ajoutait-il. Les tam-tams c’était son destin. Il aimait taper dessus et le faisait bien malgré l’opposition de ses parents au début. Ils finirent tous par abdiquer et le soutenir dans ce qu’il voulait. C’est ainsi qu’il rejoignit le groupe de Aladji Mada Seck, après une formation en plomberie à l’école Pinet Laprade qui se trouvait à l’époque à la Gueule Tapée. Cet ancien comptable et animateur à la chaîne nationale du Sénégal l’a initié et fait de lui son lieutenant. ‘’J’aimais beaucoup Aladji Mada Seck et lui aussi me le rendait bien. J’étais dans son groupe et, où il prestait, il tenait tout le temps à m’avoir à ses côtés’’, expliquait-il.

Ainsi commença une brillante et riche carrière. Doudou Ndiaye Rose est devenue une virtuose incontestable de la culture sénégalaise. Il a hissé le drapeau du Sénégal partout à travers le monde. De la France au Japon en passant par les USA, la Tchécoslovaquie ou encore la Hongrie, il a presté partout. Cela d’abord grâce au Président poète Léopold Sédar Senghor qu’il accompagnait lors de ses visites officielles dans le monde, et ensuite, à son talent. Doudou Ndiaye Rose avouait que si Senghor vivait encore, il irait encore beaucoup plus loin dans son art.

‘’Trésor humain vivant’’

Selon la légende, la danseuse et chanteuse Joséphine Baker, de passage à Dakar, aurait prédit à Doudou Ndiaye Rose qu'il serait un jour un ‘’grand batteur’’.

Sa carrière internationale commence à près de 60 ans, au milieu des années 1980, après une prestation au festival Nancy Jazz Pulsations. En 1989, il fait partie des artistes invités aux célébrations du Bicentenaire de la Révolution française. Ensuite, les collaborations s'enchaînent : avec Peter Gabriel, qui sort l'album Djabote sur son label Real World, ou avec le barde breton Alan Stivell. L’Unesco l’a classé ‘’trésor humain vivant’’.

Parti sans avoir réalisé son plus grand projet, sa famille a désormais le devoir de porter haut le flambeau de l’héritage. Doudou Ndiaye Rose rêvait d’ouvrir une école de danse et d’apprentissage de percussions. Le grand maître des tambours a regretté le manque de soutien voire d’intérêt des autorités dans la mise en place de cet institut. ‘’J’ai écrit à toutes les autorités et tapé à toutes les portes, mais je n’ai pas eu de réponse pour la création de mon école’’, s’est désolé l’ancien professeur à l’école nationale des arts. Avec sa mort, c'est à la fois un artiste traditionnel et universel qui s'éteint.

BIGUE BOB

REACTIONS

Viyé Diba, plasticien

‘’ C’est une grosse perte’’

En 2004, nous étions invités par le gouvernement rwandais. Nous y avons contribué à la formation des artistes dans le cadre de la relance de la politique culturelle. J’assurais la partie arts visuels et lui assurait la percussion. Les gens ne peuvent même pas imaginer la dimension de l’homme. C’est cela qui est regrettable. C’est important à partir de maintenant que l’on remette les choses en ordre. Doudou Ndiaye Rose est un monument. En 2006, j’ai fait la scénographie d’un festival de Toulouse ; il était là-bas. Il y a fait une prestation énorme. Il avait une identité esthétique, c’est-à-dire que quand on entend sa sonorité, sans le voir, on sent que c’est lui. Arriver à ce niveau, ce n’est pas évident. C’est dommage, mais l’important, c’est de voir comment davantage maintenir son héritage. C’est une grosse perte. Dans d’autres pays, les artistes de cette dimension sont des mythes. Mais ici, ils sont traités avec tant de banalité ; et ce n’est pas bon ! Même son hommage au Grand théâtre, je sais que ce sont les Américains qui l’ont organisé. C’est tout de même regrettable, une personnalité de cette dimension mérite mieux que ça.

Simon, rappeur

‘’On l’a regardé jusqu’à sa mort’’

Nous présentons nos condoléances à sa famille et à la culture sénégalaise en général et à tous les Sénégalais. La dimension de l’homme, c’est sa générosité. Ma première fois au Grand théâtre, je lui ai parlé du défi ; et que je souhaitais sa présence. Il est venu et a fait un spectacle extraordinaire avec le cœur. Ça, c’est l’homme. Je l’ai rencontré lors du ramadan passé, il était égal à lui-même.

‘‘Fils, kagn nga may seet si ?’’ (Tu passes me voir quand fils ?). Même quand il vous tenait la main, vous sentiez la bonté. A l’attention de l’Etat, je dis ceci. Voilà un grand homme qui a tenu à avoir une école, qui a écrit des papiers, a parlé à beaucoup d’hommes politiques ; on l’a regardé jusqu’à sa mort. On ne la lui a pas accordée. Il disait qu’il ne voulait pas qu’on le baptise d’une école ou d’une rue à titre posthume, qu’on le fasse de son vivant. La dernière soirée d’hommage au Grand théâtre, ce sont les Américains qui l’ont faite.

Avant ça, c’étaient les Japonais, les Chinois, les Français. Mais où est l’Etat du Sénégal ? C’est un homme qui a porté le nom du Sénégal partout dans le monde. Au lieu de cela, on va faire des choses pour les transhumants, pour des gens qui sont là à chanter leurs louanges. Pour les gens qui ont représenté le pays dignement, c’est à leur mort qu’on leur rend hommage. Ce n’est pas normal ! Ça me fait vraiment mal au cœur. Il a fait quelque chose que tous les présidents sénégalais qui passeront dans ce pays n’oublieront jamais. Sa position et sa grandeur vont traverser le temps. Il a partagé sa connaissance avec toutes les cultures de ce pays. Un grand merci à Doudou Ndiaye Rose pour tout ce qu’il a fait pour le Sénégal qui ne l’oubliera jamais.

Youssou Ndour, ministre-conseiller, artiste (sur la Tfm)

‘’Le président de la République a décidé d’arrêter ses vacances’’

Doudou Ndiaye Coumba Rose et Vieux Sing Faye, c’était un compagnonnage jusqu’à la mort. Ils avaient pris l’art et le peuple comme seules préoccupations. Je suis surpris car on vit des fois en oubliant que c’est peut-être la dernière fois qu’on voit une personne. C’est présentement le cas. Dans l’histoire de ce pays, il n’y a pas plus grand artiste. Depuis Senghor, Doudou Ndiaye Rose a marqué l’histoire de ce pays, surtout en dehors de nos frontières.

C’est lui qui nous a donné l’opportunité de nous produire à l’extérieur. C’est quelqu’un de magnanime. Il n’y a pas d’artistes que notre père Doudou Ndiaye Rose n’a assistés. Quand de telles choses arrivent, elles s’érigent en priorité. Le président de la République que je viens d’avoir au téléphone se dit affecté par la nouvelle comme je le suis. Il a décidé d'arrêter ses vacances et sera à Dakar demain (aujourd’hui). Je présente mes condoléances à sa famille. Il nous laisse seuls. Et cette solitude est une interpellation pour chacun d’entre nous ses fils artistiques. Il a marqué ce pays de son empreinte dans tous les domaines. Que le Bon Dieu l’accueille dans son Paradis. Ses actions demeureront éternelles car sa famille lui survit et j’en fais partie. Nous avons la mission de perpétuer son œuvre.

Coumba Gawlo Seck (artiste)

‘’Notre symbole est parti sur la pointe des pieds’’

Mon cœur est profondément meurtri. Je ne sais quels mots utiliser ni par quel bout commencer tellement je suis sous le choc. Je suis anéantie. Mon père, mon ami, notre symbole, le monument de la musique sénégalaise comme je l'appelle souvent vient de partir sans crier gare. Papa Doudou Ndiaye Rose s'en est allé sur la pointe des pieds. Il y a quelques jours seulement, j'assistais avec fierté à l'hommage que lui rendait l'ambassadeur du Japon. J'ai eu l'immense honneur de partager avec lui la scène à plusieurs reprises. Notre duo de la chanson ‘’Cool’’ marque et marquera à jamais les esprits.
Repose en paix papa Doudou, notre symbole. Aux côtés de notre Papa Vieux Sing Faye, reposez en paix. Que la terre vous soit légère. Amine.‘’
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