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Djiby Diakhaté, sociologue: "L’habillement osé des jeunes filles va au-delà des limites"
Publié le lundi 17 aout 2015  |  Sud Quotidien
Première
© aDakar.com par DF
Première édition des "mercredis de la Police"
Dakar, le 05 août 2015 - La Police nationale a initié une série de conférence dénommé "Les mercredis de la Police" dont la première édition s`est tenue, ce mercredi. Cette manifestation a réuni de hauts cadres de la Police, des représentants du corps diplomatique, des membres d’autres corps habillés, des universitaires, entre autres.




Le port vestimentaire des jeunes filles cet été, n’est pas toujours accepté de la même manière dans la société. Le Sociologue Djiby Diakhaté, dans cet entretien, explique le phénomène par des écarts qui existent entre l’habillement des jeunes filles et les règles en vigueur dans la société. C’est pourquoi, il interpelle le ministère de la Culture appelé à revaloriser notre identité culturelle. D’ailleurs, l’été ne doit pas être un prétexte pour s’habiller n’importe comment. Au contraire, relève le sociologue, il est possible de lutter contre la chaleur tout en respectant les normes élémentaires de décence.

Durant cet été, les filles s’habillent à la mode européenne qui ne respecte pas forcément les canaux d’esthétique et des standards de correction dans l’habillement. Cela peut-il entraîner la dépravation des mœurs sociales de notre pays?

Il est clair que lorsque le comportement adopté par l’acteur n’est pas orienté par les valeurs locales, mais plutôt par des préoccupations qui viennent de l’extérieur, cela crée une disjonction entre l’acteur lui-même et le cadre réglementaire en vigueur dans le milieu concerné. Ce qui signifie que lorsqu’une fille s’habille à l’occidental, quelle que soit la raison invoquée (chaleur, esthétique…), ce type d’habillement sort des canaux qui sont édictés par les règles locales. Ce qui veut dire qu’un tel type d’habillement sort de l’ordinaire et attire l’attention des gens. C’est ce à quoi nous assistons de plus en plus, dans les ruelles, les places publiques. C’est ce que les Sénégalais appellent «un habillement osé», parce que ça va au-delà des limites, de ce qui était connu naguère.

Les commerçants rapportent des habits de la Turquie, de Paris. Mais c’est selon le goût des femmes. Dans ce cas, qui sont les acteurs réels derrière cette mode vestimentaire et quels mécanismes entrent en jeu dans le lancement des modes vestimentaires ?

Il y a une tendance à l’uniformisation des pratiques au niveau universel. Tout se passe comme s’il y a un noyau central à partir duquel des pratiques se forgent et se diffusent dans le reste du monde. Ça génère des affaires et certaines structures et entreprises utilisent ces canaux et les exploitent à fond pour se tirer d’affaire. Le plus souvent les promoteurs de ce type d’habillement s’adressent à une catégorie bien donnée de la population: les jeunes sont la cible la plus exposée. Ils passent par leurs idoles. Pour avoir ces jeunes, des appâts sont les idoles qui s’habillent de cette façon. Et, à travers des spots publicitaires, ils finissent par attirer l’attention des autres. La mode n’est jamais gratuite, ni innocente. Elle est toujours au service d’un système et code de valeur.

Au Sénégal un nombre important d’individus adhèrent à cette mode. Parfois même des femmes d’un âge mûr qui s’habillent selon la mode. Cela ne justifierait-il pas la mise en place de mécanismes de régulation ?

Le mécanisme de régulation dans une société démocratique et une société ouverte au reste du monde, c’est d’abord la famille. Elle doit jouer le rôle de cellule sociale de base à l’intérieur de laquelle on inculque des valeurs à l’individu qui imprime une orientation à sa conduite. La micro communauté, c’est-à-dire le quartier ou le village, doit accompagner les jeunes en leur offrant des modèles vivants, non disparus, aux conduites acceptables. Un autre aspect de la régulation est l’école en termes d’éducation. Il faut stabiliser davantage l’espace scolaire et renforcer son rôle d’éducation et pas seulement d’instruction. Faire revenir des cours de morale et d’instruction civique et leur donner un coefficient important.

Ne faudrait-il pas que le jeune Sénégalais idéalise sa culture comme le jeune américain le fait avec sa propre culture?

Le ministère de la Culture ne retient de la culture que sa dimension folklorique. Au niveau de l’institution, il faut promouvoir des programmes et activités de nature à valoriser notre identité culturelle.

Les stylistes et grands couturiers pourraient-ils apporter une contribution dans ce sens?

Absolument ! La politique culturelle du ministère pourrait impliquer ces acteurs dans le sens du renforcement de notre identité. Or, cette institution est au cœur du dispositif en termes de formation du Sénégalais que nous voulons avoir.

Est-ce qu’il y a certaines valeurs que la femme sénégalaise doit incarner en tant que tel?

Qui parle de valeur, parle de femme. En réalité, les valeurs sont incarnées par les femmes, gardiennes les plus farouches des valeurs. Lorsque les femmes cherchent à s’attacher à des valeurs, c’est que cette société n’a plus de valeurs, plus de normes, plus de représentations, ni de symboliques.

Le Mouvement féministe s’insurge beaucoup contre le viol. Mais est-ce qu’à travers le port vestimentaire indécent on ne peut pas incriminer la femme d’être à l’origine de certains crimes dont elle est victime?

Dans certains cas, le port vestimentaire peut être le déclic de l’acte de viol, sans pour autant que l’on dédouane le violeur qui est coupable sur toute la ligne. Mais le plus souvent, le violeur a tendance à choisir ses victimes. Parce qu’il y a des femmes que l’on respecte dès le départ rien qu’à les voir. Le port vestimentaire trop sexy qui expose les parties intimes, pourrait stimuler des comportements comme le viol.

N’a-t-on pas besoins de l’apport de la religion pour la mise en place de garde-fous dans cet environnement moral ?

Il faut en appeler davantage à la pratique religieuse. Au Sénégal, nous avons une population essentiellement croyante, même s’il y a une grande différence entre croyance et pratique religieuse. Il faut développer, de plus en plus, la pratique religieuse. Si nous nous réclamons d’une religion, il faut que cela se manifeste à travers notre langage, notre travail, notre comportement de tous les jours et notre port vestimentaire.
Alors, l’appel que je lance aux jeunes filles c’est que pendant l’été, il est possible de s’habiller, pas très lourd, mais décemment. L’été ne doit pas être un prétexte pour s’habiller n’importe comment. Il y a possibilité de lutter contre la chaleur tout en respectant les normes élémentaires de la décence.
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