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Usage de filets à monofilament : Les pêcheurs bravent le code
Publié le mardi 11 aout 2015  |  Le Quotidien
Les
© Autre presse par DR
Les pêcheurs débarquent le poisson




Le nouveau Code de la pêche a entériné l’interdiction des filets de pêche type monofilament. Très destructeur, ce matériel est pourtant utilisé par près de 80% des pêcheurs du pays. La mesure est d’ailleurs loin de complaire à ces derniers. A l’occasion d’une visite de presse organisée par le projet Usaid Comfish «Pencco Guedj» dans les Conseils locaux de pêche artisanale (Clpa) de Ziguinchor et Kafountine, la question a fait débat.

En cette période d’hivernage, le ciel peine a déverser son trop plein d’eau. Sur la plage, les vaguelettes du fleuve semblent embrasser l’horizon. Les bords du port de pêche de Ziguinchor sont calmes. Seuls quelques va-et-vient rompent la monotonie. Non loin du service régional des pêches, un groupe de pêcheurs s’active à étendre un filet. Les mailles serrées et la matière montrent qu’il s’agit d’un filet à monofilament. Pourtant, le tout nouveau Code de la pêche en a interdit l’utilisation sur l’ensemble du territoire. Une mesure qui suscite colère et protestations chez les pêcheurs qui ont adopté ce filet à près de 80%. Et comme de nombreuses localités de pêcheurs dans le pays, Ziguinchor est aussi agité par le débat autour de l’interdiction de ces filets de pêche, monofilament. Le débat a été posé à l’occasion d’une visite de presse organisée par Usaid Comfish dans les Conseils locaux de pêche artisanale (Clpa) de Ziguinchor et Kafoun­tine. «La mesure n’est pas respectée», convient Daouda Guèye, inspecteur départemental de la pêche à Bignona. Même si les pêcheurs du Clpa de la capitale du Sud rencontrés à la Chambre de commerce et d’agriculture de la ville reconnaissent les méfaits de ces filets sur la durabilité de la ressource, ils estiment que des mesures devaient être prises en amont. «L’Etat a choisi la solution la plus facile en interdisant le monofilament», estime Pape Samba Siby, vice coordonateur du Clpa de Ziguinchor. Selon M. Siby, il y a 10 ans, il suffisait de 250 à 300 mille francs Cfa pour s’assurer les conditions d’une bonne pêche. Aujourd’hui, les coûts de l’essence, de la glace et des filets ont fait grimper cette somme au delà du million. «C’est parce que la pêche ne marche plus que les acteurs ont commencé à utiliser ces filets prohibés», se dédouane le vieux pécheur et fabriquant de glace. Il faut dire que l’efficacité redoutable de ces filets explique en partie le danger qu’ils constituent. Selon l’inspecteur départemental des pêches de Bignona, Daouda Guèye, ces filets tiennent leur efficacité du fait de leur légèreté qui permet aux pêcheurs d’en transporter de grandes longueurs. De plus, leurs mailles serrés ne laissent pas de chance aux poissons sans distinction et les filets qui sont invisibles pour les poissons ne se déchirent que difficilement. D’ailleurs selon les études, une fois perdu en mer, un monofilament peut encore pêcher pendant au moins 150 ans dans les eaux sans se dégrader. Malgré cela, la majorité des pêcheurs l’a adopté.

Ces filets à monofilament caractérisés par un maillage très serré causent des dégâts considérables dans les zones de pêche du pays. Comptabilisés dans les formes de pêches illégales, illicites et non réglementaires (pêche inn) qui font perdre chaque année 145 milliards de francs Cfa au pays, ces filets font des ravages dans les zones de pêche de tout le pays, hormis à Kayar où la décision a été prise par les pêcheurs d’arrêter l’usage de monofilament. Dans les autres régions du Sénégal, la bataille promet d’être rude pour faire entendre raison aux pêcheurs. Aïda Ndong, rencontrée aux abords des claies de séchage du site de transformation de Kafountine n’est pas loin de penser la même chose. Selon elle, si l’Etat souhaite réellement interdire l’usage des filets à monofilament, il lui suffit d’en empêcher l’entrée dans les frontières sénégalaises.

Absence de mesures d’accompagnement
Selon le chef du secteur départemental des pêches et de la surveillance de Ziguinchor, Souleymane Mballo, ces techniques particulièrement meurtrières sont utilisées en majorité par des pêcheurs venus de la sous-région, des Maliens en particulier. Ces pêcheurs venus d’ailleurs utilisent des filets appelés «doufdouf» et dont le calibre inferieur à 6 mm, n’épargne pas les juvéniles ce qui met en danger la survie et la conservation de la ressource halieutique dans les écosystèmes de bolong. «Ces captures de juvéniles se répercutent à la fois sur le stock de produits halieutiques qui baisse, mais également sur le niveau de vie du pécheur lui-même, parce que ces poissons là n’ont pas une valeur marchande qui lui permette de vivre», indique M. Mballo.
Le monofilament ne fait l’objet d’interdiction qu’au Sénégal, répliquent d’autres pêcheurs. Mais il demeure que le maillage reste la principale pomme de discorde. Selon un des pêcheurs du Clpa de Ziguinchor. Ce sont les filets à mailles 12 qui sont autorisés au Sénégal. Or, les mailles 12 du Mali correspondent à des mailles 8 au Sénégal.

La bataille de la sensibilisation
Comme beaucoup d’acteurs, M. Siby estime ainsi qu’une alternative crédible devait être proposée aux pêcheurs avant l’interdiction. Il est rejoint par Daouda Guèye, l’inspecteur des Pêches de Bignona. M. Guèye souligne qu’il «va être très difficile d’éradiquer complètement le monofilament. Il faut des mesures d’accompagnement». Il estime ainsi que seule la mise à disposition des pêcheurs de filets en coton ou d’une autre matière moins nocive mais d’une efficacité égale, peut permettre à l’Etat d’atteindre cet objectif et dans un délai de quelques années. Mais aujourd’hui, la bataille est surtout celle de la sensibilisation. Et c’est ce qui explique l’action de Comfish pour la redynamisation des Clpa afin de renforcer la lutte contre ces pratiques dangereuses et pour une meilleure implication des acteurs de la pêche dans les actions de conservation. Les systèmes de surveillances traditionnelles ayant échoué, placer les pêcheurs au cœur des actions de conservation est une stratégie qui les implique davantage et réduit le fossé entre les acteurs à la base et les centres de décision. Mais cette implication des pêcheurs ne facilite pas pour autant la lutte contre les pratiques dangereuses. Les monofilaments qui sont à peine cachés au regard, sont utilisés au vu et au su des services de contrôle. A Ziguinchor, la plage s’étend en face du service régional des pêches. «On attend encore les mesures d’accompagnement du ministère pour pouvoir faire la sensibilisation, parce que nos effectifs sont très faibles, nous sommes obligés de nous appuyer sur les Clpa, les comités de pêcheurs pour les sensibiliser sur les effets de ces filets. Ce sont les seules actions que l’on peut entreprendre, parce qu’on ne peut pas aller en mer pour saisir directement les monofilaments». De plus, dans certains cas, ce sont les autorités elles-mêmes qui s’érigent en protecteurs des contrevenants. Le chef de poste du quai de pêche de Kafountine, Abass Badiane, raconte qu’avec le conservateur de l’Aire marine protégée d’Abené, ils ont eu à saisir des filets non réglementaires et à infliger une amende aux contrevenants. Mais ces derniers, en faisant intervenir de hautes autorités du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime, sont arrivés à se faire restituer le matériel et l’argent de l’amende. Une situation loin d’être isolée et qui complique gravement les actions de conservation. De plus, les faibles moyens dont disposent les services de l’Etat accentuent cette forme d’impunité dont jouissent les pêcheurs. En effet, avec seulement deux agents dont le chef de service et aucun moyen de locomotion, les actions initiées par les services départementaux ne peuvent avoir l’envergure voulue. «À part le matériel de bureau, nous ne disposons d’aucun matériel. La localité la plus éloignée, Salolou dans les Iles Karones est à 120 km de Bignona. La plus proche, c’est Tobor qui est à 20 km. Et le département est très grand. Au point que les statistiques de Diogué sont enregistrées à Oussouye qui est plus proche alors qu’administrativement, elle fait partie de Bignona», témoigne M. Guèye.
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