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René Bassène, journaliste-écrivain : «Les messieurs Casamance veulent me faire taire»
Publié le mercredi 5 aout 2015  |  Le Quotidien




Journaliste, écrivain et observateur de la crise en Casamance, René Capain Bassène se prononce sur son second livre et sur son «engagement» à contribuer au retour de la paix, à travers ses écrits et analyses sur la crise en Casamance. Il revient avec Le Quotidien, sur l’intelligence de Récits d’un conflit oublié (1982-2014), tout en affirmant faire l’objet de menaces de la part des messieurs Casamance qui cherchent, selon lui, à le faire taire.

Vous êtes l’auteur de deux livres : le premier consacré à l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, paru en 2013, et le second qui traite exclusivement du conflit casamançais, publié en juin 2015. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi autant d’intérêt pour le conflit casamançais ?
Mon intérêt pour le conflit casamançais n’est pas le fruit d’un hasard encore moins d’une simple curiosité, comme c’est le cas pour certains observateurs de la crise casamançaise. Je précise que cette guerre, je l’ai vécue directement depuis l’âge de trois ans et que je continue toujours de la vivre en ce moment où je suis en train de vous parler.
C’est donc une situation que j’ai toujours cherchée à connaître et à comprendre. D’une part, le pourquoi elle a existé et de l’autre, le pourquoi elle perdure toujours malgré les multiples tentatives et diverses démarches de sortie de crise.
Malheureusement, je n’ai jamais eu de réponse précise. Du coup, je me suis décidé moi-même à chercher les réponses à mes questions qui, par ailleurs, demeurent une préoccupation partagée par une bonne partie de l’opinion.

Pourquoi le titre Casamance : Récits d’un conflit oublié (1982-2014) ?
J’ai utilisé le terme «Conflit oublié», pour la simple raison que le conflit casamançais, malgré son vieil âge, demeure l’une des crises les moins médiatisées au monde du fait que de 1982 à 2000, il revêtait un caractère totalement tabou. Les rares fois qu’on en parlait au niveau national, c’est lorsqu’il se passe un événement malheureux du genre accrochages, victimes par mines, braquages, etc. Passés ces événements, on n’en reparle plus jusqu’à ce qu’il se produise un autre.
L’opinion maîtrise mieux les enjeux et l’évolution de la crise malienne, ivoirienne et même ukrainienne que ce qui se rapporte à la crise casamançaise. Vous posez les questions : pourquoi la crise en Casamance ? Comment a-t-elle évolué ? Ils seront trop peu nombreux à vous répondre. Je donne pour exemple cette anecdote : en 2006, j’ai voulu soumettre mes écrits sur la crise à trois éminents professeurs de journalisme et communication dont l’un est un écrivain, auteur de deux brûlots sur la gestion du régime du Président Wade. Leurs réponses étaient : «J’avoue en toute sincérité que je ne maîtrise rien du conflit casamançais, je peux corriger la forme, mais pas le fond. Cependant, tu as tous mes encouragements.»
C’est ainsi que depuis ce moment, j’ai pris la ferme résolution de faire des recherches sur cette crise, afin de pouvoir contribuer à sa compréhension et à la recherche de solutions de sortie de crise.

Revenons un peu sur le contenu de votre livre, qu’est-ce que vous avez voulu nous apprendre ?
Ce livre n’est rien d’autre qu’un recueil de témoignages sous forme de récits des différents acteurs du conflit casamançais. Il retrace l’histoire, l’évolution et la gestion de cette crise d’avant la marche du 26 décembre 1982 à l’année 2014. C’est en somme, un résumé de plus de deux cents témoignages, choisis parmi tant d’autres ; des récits recueillis directement auprès d’acteurs le plus souvent témoins directs des événements relatés, que j’ai pris soin de bien recouper et de bien agencer en respectant l’ordre chronologique de leur déroulement. Ce livre n’est pas une compilation d’écrits ou d’analyses sélectifs sur la problématique du conflit en Casamance. C’est le fruit de dix longues années (2004-2014) de recherches directes et discrètes sur le terrain. Je garde le ferme espoir que ce livre sera sous peu disponible au Sénégal et que les lecteurs pourront juger de son contenu, apprécier si oui ou non il a apporté quelque chose à la compréhension de la complexe crise casamançaise.

Nous l’avons lu et noté qu’il comporte des révélations inédites et très détaillées sur certains événements. C’est rare de voir un livre sur la crise aussi complet. N’avez-vous pas peur pour votre sécurité ?
J’ai juste tout simplement essayé de mettre un peu de lumière sur certains aspects connus, peu connus ou pas connus de l’opinion. Ce livre n’a pas pour objectif de rétablir une quelconque vérité historique, mais d’aider les lecteurs à pouvoir se faire une idée assez précise de ce qui se passe en Casamance afin qu’à leur tour, ils puissent donner leur propre opinion dans le cadre de la recherche de solutions de sortie de crise.
J’ai mené mes enquêtes avec rigueur et parfaite discrétion, mais à visage découvert auprès des acteurs rencontrés. Je n’ai jamais utilisé de procédés clandestins pour recueillir les informations. J’ai essayé de rester au mieux de moi objectif avec un souci permettant d’équilibrer les récits des protagonistes dans le choix des témoignages.
Rien du contenu du livre n’est étranger à ceux qui ont accepté de me parler. Je ne vois donc pas pourquoi avoir peur pour ma sécurité. Je n’ai encore jamais reçu de menaces de la part des autorités sénégalaises et du Mfdc. Mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas menacé. Je suis victime d’attaques directes, malveillantes et infondées de la part de certains messieurs Casamance, ces individus qui, paradoxalement, se disent acteurs de paix. Ils refusent le débat contradictoire, parce que quelque part, mes contributions portent atteinte à leurs intérêts. Ils se sont inscrits dans une dynamique de chercher à me discréditer avec pour intention clairement avouée de me faire taire. Ainsi, ils ont tout essayé pour tenter de me diaboliser auprès de l’opinion et surtout de me mettre en mal aussi bien avec les autorités étatiques qu’avec les combattants et le Mfdc de façon générale.

Avez-vous des preuves de menaces venant des messieurs Casamance ?
Vous savez, la crise casamançaise est un dossier très sensible pour tout ce qu’elle comporte. C’est pourquoi par respect pour moi-même et pour tous ceux qui s’intéressent à mes écrits, j’ai l’obligation en ma qualité de journaliste, de ne pas raconter des contrevérités. J’ai effectivement les preuves de ce que je suis en train de dire, c’est pour la plupart des preuves écrites qui sont trop facilement vérifiables sur le terrain.
Pour exemple, des personnes ont écrit sur internet que je suis malveillant, que je suis mal informé, que je suis floué, que je suis rebelle, que je proviens du néant, que je m’agite pour qu’on me confie la gestion du processus de paix. D’autres ont été plus précis en me demandant de me taire, sinon c’est eux qui vont me contraindre au silence. Il y en a même un acteur qui, lors d’une rencontre avec les combattants, leur a montré ma photo en leur demandant de l’aider à me faire taire etc. Bref, on m’a attribué toutes les étiquettes, j’ai essuyé toutes sortes de critiques sauf les bonnes, c’est-à-dire celles qui sont objectives et constructives. Mes détracteurs dont certains ont eu le courage de me demander pardon, se sont invariablement attaqués à ma pauvre personne, mais jamais à mes propos. S’il y a un danger c’est bien à ce niveau.

Comment vivez-vous tous ces événements ?
Je les vis avec philosophie, mais je ne me laisserai pas du tout intimider par des gens, dont l’objectif est de me tirer vers le bas à défaut de me réduire au silence pour des raisons inavouées. Mon unique objectif, c’est d’aider à la compréhension du conflit casamançais. Je crois que je suis le tout dernier sur ce terrain. Bien avant moi, d’autres, parmi lesquels des Européens, ont eu à écrire des livres, des articles sur la crise en Casamance. Jamais, ils n’ont été menacés ni inquiétés. Mais quand c’est René Capain Bassène, jeune sénégalais qui écrit et parle, il faut lui fermer la bouche, parce que certainement, il n’est pas habilité à le faire.

Peut-on dire que vous êtes un expert du conflit en Casamance au regard de vos différentes contributions ?
A mon avis, la réponse à votre question se trouve dans le livre au niveau de l’avant-propos du Professeur Assane Seck. Je le cite : «Les troubles communément baptisés crise casamançaise comportent des aspects multiples avec un ou plusieurs «à côté», «un dedans» et «un dehors», un «à gauche et à droite», un en «haut et un en bas», si bien imbriqués les uns dans les autres, qu’il serait prétentieux à tout un chacun de dire qu’il les maitrîse tous.» Cela dit, je reste et demeure l’invariable et petit journaliste René Capain Bassène. Je suis loin de prétendre devenir un expert du conflit casamançais. Considérez donc mes livres et mes articles, comme une simple et modeste contribution de ma part, afin d’aider à la compréhension du conflit casamançais et à la recherche de solutions durables de sortie de crise.
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