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L’ex-Président tchadien porté à l’écran : Des réalisateurs zooment sur le «Pinochet africain»
Publié le lundi 27 juillet 2015  |  Le Quotidien
Ouverture
© AFP par SEYLLOU
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture".




Il est devenu un sujet qui intéresse de nombreux réalisateurs à travers le monde. Hissein Habré, premier Président africain jugé en Afrique par des Africains, est un cas d’école. Plusieurs œuvres filmiques évoquent déjà sa vie, son œuvre, mais surtout les années de dictature de l’ex homme fort de Ndjamena. Son procès ouvert lundi dernier à Dakar donne encore l’occasion aux hommes et femmes du 7ème art de porter à l’écran les dernières séquences de l’histoire de celui qu’on surnomme le «Pinochet africain».

L’affaire Hissein Habré passionne depuis quelque temps le monde entier. De nombreux réalisateurs saisissent alors l’occasion de tourner sur celui qu’on surnomme à tort ou à raison «Le Pinochet africain». Déjà le documentaire Affaire Hissein Habré, la traque d’un dictateur a ému il y a quelques mois plus d’un sur la toile. Mais il y a eu surtout ce film intitulé : Parler de Rose, une histoire de la terreur sous Hissein Habré qui a été projeté pour la première fois au Tchad en janvier dernier. Ce court métrage raconte la vie et la mort de Rose Lokissim, une prisonnière courageuse qui fut tuée en 1986 par la Direction de la documentation et de la sécurité (Dds), la police politique de l’ancien dictateur du Tchad. La narratrice, Juliette Binoche, revient non seulement sur le destin de cette prisonnière de Hissein Habré, mais surtout comment les arrestations, les emprisonnements, la torture et les exécutions furent érigés en mode de gouvernement sous le régime de l’ex-dictateur tchadien (1982-1990).

Il faut en effet se souvenir qu’en 2001, lors d’une mission d’inspection, Reed Brody et Olivier Bercault, de l’Ong Human rights watch , avaient découvert par hasard des milliers de pages d’archives à même le sol, abandonnées depuis plus de dix ans dans les locaux désaffectés de l’ancienne Direction de la documentation et de la sécurité (Dds), la terrible police politique de Habré. Les documents contenaient des informations sur les détenus, les dates d’arrestation et d’exécution et des procès-verbaux d’interrogatoires. C’est ainsi qu’ils purent reconstituer l’histoire de cette femme devenue un «symbole de la résistance à la terreur». Farouche opposante, Rose Lokissim a été, informe-t-on, arrêtée le 14 septembre 1984, incarcérée et torturée. Son courage et sa détermination frappent ses codétenus autant que ses tortionnaires. Elle supporte la douleur, réconforte celles et ceux qui partagent sa cellule... Surtout, elle écrit. Sur des morceaux de papier récupé­rés, des feuilles de papier à cigarette, des bouts de boîtes de lessive. Méticu­leusement, elle consigne tout ce qui se passe dans la prison et fait passer à l’extérieur des informations aux familles des détenus. Finalement dénoncée, elle fut exécutée en 1986, à 33 ans. A la veille de sa mort, ses tortionnaires écrivent : «Elle affirme que, même si elle doit mourir au cachot, elle ne regrette rien, car le Tchad la remerciera et l’Histoire parlera d’elle.» C’est donc son histoire que Isabelle Coixet raconte à travers la voix de Juliette Binoche pour que nul n’oublie la dictature Habré.

Haroun Saleh évoque «une tragédie tchadienne»
Cette production de Isabelle Coixet n’est pas la seule qui aujourd’hui suscite intérêt et curiosité. Il y a aussi cette œuvre en cours de réalisation du réalisateur de renom Mahamat Haroun Saleh. Celui-ci s’est lui aussi intéressé de près aux années sombres de son pays. D’après plusieurs sources concordantes, le cinéaste qui prépare actuellement une fiction avec la romancière camerounaise, Léonora Miano, un scénario centré sur le sort des réfugiés demandeurs d’asile en France, vient d’achever pour la case Grand format de la chaîne franco-allemande Arte le mon­tage de son film sur le régime Habré. Ce lofnlgn­métrage documentaire, provisoirement intitulé Hissein Habré, une tragédie tchadienne, devrait être bientôt diffusé. L’on l’annonce même pour le mois d’octobre ou en novembre. En tout cas ce sera «avant la fin du procès de l’ex-dictateur à Dakar», précise-t-on. Dans son film renseigne-t-on, Haroun a «donné la parole aux victimes de ce régime». «Dans ce film, je respecte les faits et la parole des victimes scrupuleusement, contraire­ment à la plupart des œuvres réalisées jusqu’ici sur le sujet, en général par des Occiden­taux», affirmait dans jeuneafrique Mahamat Haroun Saleh.
Auparavant, il y a eu le documentaire Les révolutionnaires du Tchad à travers lequel Raymond Depardon filme «L’embuscade d’Aouzou, au Tchad où avec Gilles Caron, Michel Honorin, Robert Pledge et un groupe de rebelles ils sont attaqués en 1970 par les troupes auxiliaires tchadiennes». Les deux autres parties de l’œuvre (1975-76) comportent «L’inter­view de Françoise Claustre», elle aussi, captive des combattants du Frolinat dirigé par Hissein Habré et Goukouni Wedey, ainsi que «L’Attaque de la palmeraie de Faya». Cet entretien de Françoise Claustre, captive des combattants du Frolinat, est aussi un document d’archives assez intéressant sur ce qu’ont été les années Habré. Pour l’histoire, cette archéologue africaniste a été l’une des otages les plus célèbres du 20ème siècle. Son nom est resté gravé dans les mémoires, généralement précédé d’un «Madame» respectueux, moins une marque de politesse que d’admiration pour son exceptionnel courage. Elle est décédée le 3 septembre 2006 à Montauriol, dans les Pyrénées-Orientales (sud-ouest de la France), des suites d’une longue maladie. Elle avait 69 ans. Mais nul n’oubliera les trente-trois mois qu’elle avait passés dans les années 1970 retenue par les «tortionnaires de Habré». Les photographies faites par Marie-Laure de Decker et les images tournées par Raymond Depardon en 1975 et 1976, dans le nord du Tibesti, ont fixé à jamais le drame de cette femme discrète, disciple de l’anthropologue André Leroi-Gourhan, chercheuse des déserts et africaniste. Dans ces images, son visage triste, ses lèvres serrées comme pour étouffer un sanglot, ses yeux bleus et ses cheveux retenus en arrière par une queue-de-cheval expriment plus que tout ce qu’a été son calvaire.

Thierry Michel et les autres
En plus des nombreuses œuvres filmiques déjà disponibles sur Hissein Habré, beaucoup de projets non connus ou d’autres qui sont secrets se préparent afin que nul n’ignore l’histoire de ce premier Président africain jugé sur le continent africain par des Africains. C’est le cas par exemple du célèbre réalisateur Thierry Michel. Celui-là même qui est l’auteur de L‘affaire Chebeya, un crime d’Etat. Il avait lui aussi souhaité en novembre dernier faire un film sur Hissein Habré. «J’ai envie de faire un film sur Hissein Habré, si effectivement il y a un procès sur lui au Sénégal», confiait-il au journal Le Quotidien. Il ajoutait à ce propos, «faire un film sur Hissein Habré et son jugement serait très intéressant». D’autant plus que, rappelle-t-il, la Belgique (son pays d’origine) avait demandé sans l’obtenir son extradition pour être jugé à Bruxelles. «Ce serait intéressant de réaliser un film ici, si le procès a lieu à Dakar», concluait-il. Ce désir qui est également celui de nombreux réalisateurs à travers le monde présage-t-il de nombreux films dans les mois à venir sur le sujet Habré ? Le désir de Thierry Michel et des autres cinéastes est-il toujours d’actualité ? Wait and see.
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