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Le Dossier Habré devant les tribunaux sénégalais
Publié le mardi 21 juillet 2015  |  Sud Quotidien
Ouverture
© aDakar.com par DF
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture".




C’est en janvier 2000, qu’une association des victimes de crimes et répressions politiques au Tchad et quelques ressortissants tchadiens ont déposé plainte à Dakar pour actes de tortures et crimes contre l’humanité qui auraient été commis par l’ancien Président de la République du Tchad, Monsieur Hissène HABRE, réfugié au Sénégal depuis 1990 après un coup d’état qui l’a forcé à quitter le pouvoir.

Dans la réalité, c’est un conglomérat d’associations de défense des droits de l’homme, pour la plupart installées en Europe, en France en particulier, qui ont été à la base de cette procédure. Les Africains ont été appelés dans la cause pour faire bonne mesure et pour donner plus de sens et de poids à l’initiative. Le premier épisode de cette affaire judiciaire a en effet précédé le changement de régime, survenu le 19 mars 2000.

La procédure (le premier épisode) a commencé le 25 janvier 2000, date à laquelle « sept victimes tchadiennes et l’Association des victimes des crimes et de la répression au Tchad (Acvrt) [portent] plainte, avec constitution de partie civile, contre Hissène Habré, auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal régional de Dakar », et se termine le 18 février de la même année.

A cette date, l’avocat sénégalais de M. Habré, Me Madické Niang, dépose une requête devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel, demandant l’annulation de la procédure » après que le procureur de la République a demandé, le 27 janvier 2000, « l’ouverture d’une information judiciaire » et que « le juge d’instruction du tribunal régional de Dakar a inculpé Hissène Habré pour complicité de torture » et ordonné, le 3 févier 2000, « l’ouverture d’une information judiciaire contre “x” pour crimes contre l’humanité ».

Les temps forts du second épisode, compris entre le 11 mai 2000 et le 20 mars 2001, ont trait à l’ouverture de l’instruction devant un juge et au rejet, par la Cour de Cassation, de « l’ensemble des moyens soulevés par les parties civiles », les juridictions sénégalaises se déclarant incompétentes pour juger M. Habré. Entre les deux étapes de la procédure : l’ouverture des premiers actes par un juge d’instruction et la décision de la Cour de cassation de rejeter la requête des plaignants, trois faits troublants sont intervenus. Ils n’étaient pas de nature à rassurer tous ceux qui doutaient de l’indépendance de la justice et de sa capacité à se prononcer librement dans l’affaire Habré.

Le premier fait est relatif à la désignation, comme avocat général au parquet de la Cour d’appel, du juge d’instruction ayant inculpé Hissène Habré.

Deuxième fait : l’annulation par la Chambre d’accusation, de ladite cour de la totalité de la procédure. Il s’y ajoute un troisième fait : l’avocat déclaré du chef de l’Etat Abdoulaye Wade, Me Madické Niang, était devenu son conseiller personnel.

Les parties civiles et leurs avocats ont beaucoup mis en avant ces trois faits pour tenter de discréditer la décision des tribunaux sénégalais qui se sont déclarés incompétents pour connaître de cette affaire, mais également pour étayer leurs arguments ayant fondé leur pourvoi en cassation.

Cette volonté de discréditer la décision du juge sénégalais qui a été bien orchestrée n’a pas manqué de produire un impact auprès des deux rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme de l’Onu, qui ont exprimé : « leur préoccupation quant aux conditions ayant conduit à l’annulation de la procédure engagée à l’encontre d’Hissène Habré et (…) [de] l’obligation d’assurer la répression des actes de torture ». Le 7 avril 2001, M. Habré est déclaré persona non grata au Sénégal. Mais « peu après, Kofi Annan demandait au président [Abdoulaye Wade] de garder l’ancien chef d’Etat à Dakar, le temps qu’un pays demande son extradition ».

Hissène Habré aurait sans aucun doute souhaité quitter le Sénégal, suite aux supputations sur la décision de la Belgique d’abriter son procès et à la volonté du président Wade, dont le quotidien genevois Le Temps s’est fait l’écho en septembre 2001, de livrer l’ancien dictateur « si un pays capable d’organiser un procès équitable le veut ».

Invité de l’émission « Et si vous me disiez toute la vérité » de la chaîne francophone, Tv5, Abdoulaye Wade affirme avoir reçu la requête d’un juge belge demandant l’extradition de M. Habré et dit l’avoir remise au ministre de la Justice qui a saisi la Cour d’appel. Les juridictions sénégalaises, incompétentes en mars 2001, seraient-elles devenues compétentes en octobre 2005 ? Bien sûr que non !
Le président de la république n’en a cure. Il peut alors se livrer à toute sorte de déclarations plus provocantes les unes que les autres, alors que sur le dossier Hissène Habré a été réglé par la justice de son pays qui s’est clairement prononcée. La Cour de cassation du Sénégal, confirmant la position de la chambre d’accusation, a jugé :

«Qu’aucun texte de procédure ne reconnaît une compétence universelle aux juridictions sénégalaises en vue de poursuivre et de juger, s’ils sont trouvés sur le territoire de la République, les présumés auteurs ou complices de faits qui entrent dans les prévisions de la loi du 28 août 1996 portant adaptation de la législation sénégalaise aux dispositions de l’ article 4 de la convention lorsque ces faits ont été commis hors du Sénégal par des étrangers; que la seule présence au Sénégal d’Hissène Habré ne saurait à elle seule justifier les poursuites intentées contre lui. »

A la suite de cet arrêt, le journal Sud quotidien n°212, un éditorial écrivait:

« La Grande Bretagne a laissé partir de chez elle, l’ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet. Pourtant champ d’expérimentation ne pouvait être plus fécond, pour la mise en œuvre de la Convention internationale sur la torture et les actes de cruauté, que celui du Chili. La revanche sera alors forcément prise sur le Sénégal, pays pauvre sans grandes ressources. Nous voulons bien ! Mais que cela ne se fasse jamais au mépris de certains principes sacro-saints de notre droit pénal. Ceux qui défendent les présumés victimes de l’ancien président tchadien, nous convient manifestement à une lecture trop élastique, voire permissive des textes de droit pénal, d’interprétation très restrictive. Nous ne pouvons pas être d’accord avec eux.

Les positions affichées par le journaliste auteur de l’éditorial insistaient davantage sur l’idée que :
« l’enjeu du droit est fondamental pour la vie de tous les citoyens : c’est la liberté des femmes et des hommes qui est substantiellement en cause. Aucun pays civilisé ne saurait ordonnés des actes de poursuites sur la base d’une simple jurisprudence pénale, fusse-t-elle celle établie lors du procès de Nuremberg, au cours duquel les responsables nazis rescapés de la guerre ont été jugés par les vainqueurs. (…). Il faut, pour la tenue d’un procès pénal, des textes de droit interne clairs, complétant harmonieusement, dans certains cas, des conventions internationales tout aussi claires. C’est une exigence démocratique et une garantie de liberté pour tous les citoyens. Pas seulement pour les anciens chefs d’Etat ou ceux qui sont encore en activité. Que l’on s’entende bien ! Il ne s’agit point de disculper Hissène Habré, encore moins de discuter du bien fondé des faits qui lui sont reprochés. Il est plutôt question de défendre des principes fondamentaux posés dans notre droit positif et sans équivoque. S’il se trouve que ces principes lui sont favorables, peu importe ce qu’il a pu faire ou non.

L’éditorial du journal poursuivait : «La justice ce n’est pas l’activisme. L’idéologie ne saurait fonder ses actes. Heureusement ! Elle est plutôt la lecture claire de textes et de principes de droit, appliqués de façon tout aussi claire à des faits. C’est encore plus vrai dans le cas précis d’un procès pénal. La Grande Bretagne l’a prouvé dans l’affaire Pinochet. Elle a refusé de faire poursuivre ce dernier par ses tribunaux. Pourtant, ce pays de grande tradition démocratique a signé la Convention internationale sur les actes de tortures au titre de laquelle Hissène est poursuivi chez nous. Pourquoi cherche-t-on alors à donner mauvaise conscience au Sénégal, en lui faisant croire qu’il a l’obligation légale et morale de juger Hissène Habré ? L’Espagne et la Belgique ont organisé leur droit de façon cohérente, en l’harmonisant avec les conventions internationales qu’elles ont signées ».

Et le journal ajoutait : « c’est cela qui a permis de ces deux pays de fonder leur compétence et de demander l’extradition de l’ancien dictateur chilien vers l’Espagne ou la Belgique. Si la procédure engagée contre Hissène Habré aboutit à une décision de condamnation chez nous, rien ne garantit que demain une poignée d’hommes guidés en France par des indépendantistes casamançais illuminés ne demandent pas l’inculpation d’Abdou Diouf quelque part dans le monde, pour complicité d’actes de tortures, sur la base d’une jurisprudence spéciale que notre propre pays leur fournirait. (…). Nul ne doute que les militaires torturent sur tous les champs de bataille. Celui du Viêt-Nam hier pour les Américains, de l’Algérie, pour les Français, ne font pas exception à la règle. La Casamance, non plus ! Ce dernier exemple est quelque peu forcé. Nous en convenons. Il nous permet cependant de saisir davantage le sens et la gravité du jeu auquel on convie la justice sénégalaise et de mesurer encore plus le danger qu’il comporte. Cela pour dire qu’il faut manier avec beaucoup de prudence la portée des incriminations internationales en cause dans cette affaire Habré.»

A la suite de cette décision de Justice, notre pays sera acculé partout devant la communauté internationale qui a contraint l’Union Africaine à intervenir.
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