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Le Pr Pape Demba Sy sur BBY et la présidentielle: "Rien ne nous empêche d’avoir des candidats pluriels..."
Publié le mercredi 15 juillet 2015  |  Sud Quotidien
Pape
© Autre presse par DR
Pape Demba Sy, Professeur de droit public




«Rien ne nous empêche d’avoir des candidats pluriels et ensuite se retrouver au second tour pour reconstituer la coalition» pour la prochaine présidentielle. Voilà le sentiment du Pr Pape Demba Sy, le patron de l’Udf Mboolo-Mi qui jette, à travers ce second volet de l’entretien accordé à Sud Quotidien, un regard critique sur l’évolution de Bennoo Bokk Yaakaar. Une coalition totalement dépourvue d’espace de discussion. L’occasion est également saisie par notre interlocuteur pour passer au tamis la gestion du régime par Macky Sall, les chances de celui-ci en 2017, voire la question des droits de l’homme au Sénégal.

Votre formation politique, UDF Mboolo-Mi, a accompagné le président Sall au pouvoir. Quel regard portez-vous sur sa gestion ?

Le candidat à une présidentielle ne peut pas être le même quand il prend les rênes du pouvoir. Parce qu’au pouvoir, il y a des contraintes, des pressions énormes, des urgences qu’il faut régler. Ce qui veut dire qu’un Président qui n’a pas la tête sur les épaules ne peut pas gérer un pays comme le nôtre, d’autant plus que tout le monde le sait, même s’il y a eu quelques embellies à la fin du régime de Wade, il y a toujours des problèmes extrêmement sérieux que l’on a pu constater du point de vue surtout social concernant essentiellement l’emploi et le pouvoir d’achat.

Or, sur l’emploi, le Président Sall vient de dire qu’il y a 60000 emplois qui ont été créés. Je ne discute pas de ces chiffres-là, mais je dis que c’est en deçà de ce qu’on attendait. En témoignent les jeunes qui sont là et qui n’ont pas d’emploi, ceux qui ont perdu les leurs et d’autres qui en sont à la recherche…

Du point de vue du pouvoir d’achat et la demande sociale. Il y a les problèmes des denrées de première nécessité et du loyer qui n’ont pas été réglés. C’est vrai qu’il y a une diminution sur les denrées, mais ça reste faible. Pour le loyer, c’était difficile parce qu’on demande à des privés de diminuer les prix. Il y avait simplement la volonté et je reconnais, tout de même, cette volonté de faire en sorte que le loyer soit modéré. Si le loyer était modéré, le pouvoir d’achat des populations aurait augmenté immédiatement. Que des gens prennent l’essentiel de leurs salaires pour le mettre dans la location, ça pose problème. Mais au-delà de ça, il y a le problème essentiel de l’énergie qu’on devait régler depuis longtemps. Lorsque le Président Macky Sall est venu, il avait dit qu’il allait mettre en place un système dit «mix énergétique».

Mais, en réalité, c’est une politique très prudente parce que les énergies renouvelables ne constituent qu’un tiers de ce mix. Tout le reste, c’est de l’énergie fossile, le pétrole. Or, le pétrole, on va l’importer ailleurs et ça grève notre balance des paiements. Ensuite et surtout, ça nous met en dépendance à l’égard des puissances étrangères et des compagnies. Il fallait s’engager dans le solaire depuis très longtemps. Mais, on n’a jamais misé là-dessus. Il n’y avait pas de politique parce qu’évidemment, nos pays étaient très dépendants de l’étranger et les étrangers ne voulaient pas du tout qu’on développe le solaire. Si on le fait, les compagnies énergétiques vont tous partir. C’était inacceptable à l’époque !

En dehors du solaire, il y a beaucoup d’autres sources d’énergie qui peuvent être expérimentées. Il y a l’hydraulique et l’hydrogène. Au Mali, ils sont en train d’expérimenter l’hydrogène…Il faut savoir mettre le prix pour son indépendance énergétique. La troisième chose sur la gestion de Macky Sall, c’est qu’il aurait dû, pour régler les problèmes aussi bien de l’agriculture et du foncier, arriver à la maitrise de l’eau.

Quid des droits de l’homme sous le régime de Macky Sall ?

Si on ne règle pas les questions susmentionnées, cela ne servira pas à grand-chose de parler de droits de l’homme. Les gens ont faim et ont soif. Je crois qu’ils ne veulent pas entendre parler de droits de l’homme.

Il y a des efforts qui sont en train d’être faits mais, à mon avis, il y a des questions essentielles qu’il faut régler pour pouvoir s’en sortir.
Au plan politique, on fait des coups d’éclat pour essayer de se faire réélire et c’est le propre de nos pays de faire deux ou trois bonnes choses avant les élections et ensuite cela va suffire pour être réélu.

Il faut une réforme de fond et cela couvre aussi une réforme du système éducatif qui est essentielle parce que si on veut vraiment parler du pays, il faut qu’on parle de ces choses. Tous les grands pays qui se sont développés depuis le Japon ont mis l’accent sur l’éducation, la formation, la science et la technique… Nous avons un budget de recherche qui fait 1 % du budget national. Comment voulez-vous qu’on développe notre pays et qu’on soit indépendant de ce point de vue ? Je crois qu’il y a des questions essentielles qu’il faut régler. Mais, le régime de Macky Sall ne peut pas régler toutes ces questions.

Au-delà, il y a la question de la démocratie et du respect des droits de l’homme dans notre pays qui est aussi un élément qui permet de juger la performance d’un gouvernement. Sauf que sur ces questions, il faut qu’on puisse avoir un regard non seulement critique, mais aussi lucide… La question de la démocratie et surtout celle des droits de l’homme supposent la liberté d’expression, de réunion à tendance à gêner et surtout en termes de manifestation. On devrait banaliser les droits de manifestation.

N’est-ce pas chimérique de penser pouvoir passer au premier tour dans une élection présidentielle au Sénégal, compte tenu de la composition du champ politique?

On le disait en 2007. Et Wade est passé au premier tour. Nous avons un électorat qui ne répond pas aux canaux de rationalité de l’électorat occidental. Il y a beaucoup d’autres paramètres qui interviennent pour que les gens votent. Ce n’est pas seulement le résultat économique.

Croyez-vous aux chances de Macky Sall de remporter les élections en 2017 ?

Je ne sais pas. Honnêtement. Je sais qu’il est en train de tout faire pour gagner en 2017. C’est pourquoi je vous disais qu’il faut faire attention. Nous avons un électorat qui est difficile à cerner.

On a l’impression que l’Apr est en train de s’émanciper, de prendre sa liberté à l’intérieur de Bennoo Bokk Yaakaar ?

Cette coalition, comme vous le savez, est électorale. Au départ, en tout cas. On en a fait une coalition de gouvernement avec certains. Ibrahima Fall, Cheikh Tidiane Gadio ne sont pas dans le gouvernement, y compris nous autres. C’est une coalition gouvernementale tronquée. Il y a ceux qui sont dans le gouvernement qui sont astreints à une solidarité gouvernementale. Les autres sont astreints à une solidarité politique plus évanescente et souple que celle gouvernementale.

La deuxième chose qui me semble importante, est qu’il n’y a pas d’espace de discussions dans Bennoo Bokk Yaakaar. C’est pourquoi d’ailleurs, on avait organisé des séminaires pour mettre en place une structuration. Mais, depuis le deuxième séminaire, il n’y a rien eu. Sauf un secrétariat exécutif mis en place qui regroupe quelques personnes. Lesquelles, parait-il, se réunissent régulièrement. Je ne suis au courant de rien. Puisqu’il n’y a pas d’espace de discussions et puisqu’il y a des enjeux politiques, chacun développe sa propre stratégie. Il n’y a plus de stratégie commune au niveau de Bennoo. C’est la vérité. Dire autre chose, c’est tromper les gens. Mais, la coalition est encore là. S’il y avait un espace commun de discussions où l’on s’accorde sur un certain nombre de questions, ça marche. Ce qui s’est passé, en un moment donné, est que les gens de l’APR se sont fixés comme objectif de réélire Macky Sall en 2017. Par conséquent, il faut que tout le monde s’aligne sur cette position. Ce qui n’est pas juste. Ce n’est pas tenable et intelligent. Nous sommes sur le terrain politique. On ne peut pas se lever et demander aux gens de se ranger derrière notre position…
La troisième chose qu’il faut dire au niveau de Bennoo Bokk Yaakaar, c’est qu’il y a des partis qui ont des ambitions présidentielles. On parle du PS, mais il y a en d’autres. Bës du Niak ou autres. Ce sont des questions qu’il faut gérer et en discuter pour s’entendre. Quand on était dans Bennoo Siggil Senegaal, on a en discuté.

Macky Sall doit-il être à l’initiative de cette discussion ?

Oui. Il a dit qu’il ne faut pas que les gens se pressent. Il faut en un moment donné que nous allons en échéance, et nous avons deux possibilités : ou on casse la coalition ou on la maintient. Si on décide de casser la coalition, chacun va de son propre côté. Le cas contraire, on discute à l’intérieur pour s’accorder sur des règles. C’est urgent de discuter sur la question. Sinon la situation va être plus délétère parce que les gens, d’un côté comme de l’autre, vont continuer à s’attaquer. Rien ne nous empêche d’avoir des candidats pluriels, et ensuite se retrouver au second tour pour reconstituer la coalition. Cela se fait dans beaucoup de pays du monde. Ils sont plus souples dans la gestion des questions politiques que nous. Chez nous, tu es avec moi ou contre moi. Ce qui crée une situation difficile.

Les Partis de Gauche semblent être les parents pauvres de cette coalition. Etes-vous toujours dans la posture de faiseurs de roi ?

Nous ne sommes des parents pauvres de cette coalition. On a deux partis membres du gouvernement. La LD et le Pit. Je peux vous dire que la Gauche a décidé depuis les Assises de février de se prendre en charge. Il n’est plus question de continuer à être des faiseurs des personnes qui vont aller prendre le pouvoir. Le problème de la Gauche, ce ne sont pas les élections de 2017. Nous voulons construire une force. La Gauche est très dispersée. Ensuite, les partis qui constituent la Gauche viennent d’horizons et d’expériences différents…Si on pense que la Gauche va s’attendre tout de suite et aller tout de suite, on ne va pas s’entendre. Il est question pour nous, de construire quelque chose de solide et de pouvoir conquérir le pouvoir. Si on le construit avant, on ira aux élections. Sinon, on ne le construit pas avant, c’est après qu’on ira.
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