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Proposition de loi portant modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale: Les soupçons de la société civile
Publié le vendredi 26 juin 2015  |  Sud Quotidien
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© aDakar.com par DF
Le président malien IBK hôte de la Présidence et de l`Assemblée nationale
Dakar le 14 avril 2014- Le président malien Ibrahim Boubacar Keita effectue une visite d`Etat au Sénégal. Le chef de l`Etat du Mali a été reçu par le président Macky Sall, le lundi 14 avril au matin. Dans l`après midi, il a prononcé un discours devant la représentation nationale.




Pour des organisations de la société, la proposition de loi vivant la modification d’une vingtaine d’articles du règlement intérieur de l’Assemblée doit éveiller des soupçons. Si le principe ne pose pas trop de problème, c’est la manière et la faisabilité qui ont amené les représentants de Amnesty International, Forum Civile, Raddho et de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme à faire part de leurs craintes pour notre démocratie. Pour eux, les députés doivent plutôt songer à faire des propositions de loi qui vont impacter le quotidien des Sénégalais.Ladite proposition de loi sera soumise à l’appréciation des députés le 29 juin prochain.

La volonté de certains députés de procéder à la modification d’une vingtaine d’articles du présent règlement intérieur de l’Assemblée nationale, dont ceux relatifs au mandat du président de l’institution (qu’ils veulent ramener à 5 ans, au lieu de un an) et à la composition d’un groupe parlementaire (ils veulent ramener le nombre à 15 en lieu et place des 10), n’agrée pas des représentants des organisations des droits de l’homme. C’est le cas du président de la section Sénégal d’Amnesty International, Seydi Gassama, qui soutient que cette proposition de loi obéit à une démarche politicienne. Joint au téléphone, il est plus que formel : «On est en droit, dans le contexte actuel, d’avoir des soupçons légitimes que les initiateurs de ce projet de loi ont pour but de priver les partis politiques, qui ont actuellement des groupes parlementaires de continuer à les avoir, s’ils n’ont pas plus dix députés dans leur groupe ou encore d’empêcher ceux qui voudraient quitter la coalition d’en constituer».

Pour le président de la section Sénégal d’Amnesty International, les députés auraient dû travailler sur d’autres propositions de lois qui concernent plus les préoccupations des Sénégalais : «Nous pensons que l’Assemblée nationale a, aujourd’hui, beaucoup de choses à faire. Le pays est confronté à plusieurs problèmes y compris institutionnels. Les députés auraient dû, aujourd’hui, travailler sur d’autres propositions de lois visant à renforcer les droits et libertés et la démocratie au Sénégal».
Selon lui, de toute évidence, l’idée qu’il y a derrière cette modification est celle de faire en sorte que certains partis politiques ne puissent avoir de groupe parlementaire. «Ce sont des calculs politiciens qui se cachent derrières. Et, c’est cela qui est mauvais ; parce que toute réforme qui est motivée par un calcul politicien, qui a pour but d’entraver le pluralisme et le débat au sein de l’Assemblée nationale, doit être évitée. Car si, le Parti démocratique sénégalais (Pds) a ramené le nombre de députés pouvant constituer un groupe parlementaire de 15 à 10, c’était pour permettre la formation des groupes parlementaires et que le débat parlementaire puisse être conséquent. Aujourd’hui, revenir sur cette avancée en portant le nombre à 15, ne vise à faire de sorte que des partis qui quitteraient la coalition actuelle ne puissent se constituer en groupe parlementaire. Cependant, ce ne sont pas ces calculs qui font gagner ou perdre une élection. Ce qui fait gagner des élections ce sont les performances économiques et la bonne gouvernance», explique encore, Seydi Gassama.

Par ailleurs, le président de la section Sénégal d’Amnesty International a salué la suppression de la loi Sada Ndiaye, tout en plaidant pour le rallongement à cinq ans du mandat de tous les membres du bureau de l’Assemblée nationale. «Il est bon pour la stabilité de l’Assemblée nationale et pour permettre à son président de jouer son rôle en toute indépendance, que son mandat soit ramené à cinq ans. Nous disons qu’il faut aussi ramener le mandat de tous les autres membres du bureau de l’Assemblée nationale à cinq. Car un mandat d’un an, relève d’un calcul politicien que de la part de la majorité».

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MAMADOU MBODJ, COORDONNATEUR GENERAL DU FORUM CIVIL : «On a tous l’impression … que tout était fait pour qu’une certaine opposition n’ait pas la possibilité d’avoir son groupe parlementaire»
Abondant dans le même sens que le président de la section Sénégal d’Amnesty International, Mamadou Mbodj, coordonnateur général du Forum Civil, s’interroge sur les motivations de cette proposition de loi, au moment certains députés de l’opposition cherchent à constituer un groupe parlementaire. «Sans trancher le débat, il parait troublant de vouloir, en ce moment, changer les règles de jeu au moment où des acteurs de l’opposition à l’Assemblée nationale cherchent à constituer un groupe parlementaire». Pour lui, si dans le principe, ce projet de loi peut être acceptable, dans la réalité le moment précis est troublant et pour un esprit démocratique, c’est franchement inacceptable.

«Quand bien même ce serait acceptable, il faudrait attendre un autre moment pour le faire : parce que, on a tous l’impression et personne ne peut nier cela, que tout était fait pour qu’une certaine opposition n’ait pas la possibilité d’avoir son groupe parlementaire. C’est comme si, on fait des lois sur mesure, des règlements sur mesure, en fonction des circonstances et ça ne grandit pas la démocratie sénégalaise. Et, donc ce que devraient faire ces messieurs-là, c’est toujours voir qu’est-ce qui fait grandir la démocratie sénégalaise, mais quelque chose qui porte atteinte à la grandeur de cette démocratie, c’est toujours troublant et inquiétant pour le risque d’être voué aux gémonies. C’est tout à fait légitime que les partis de l’opposition considèrent que c’est un règlement sur mesure», explique-t-il.

ME ASSANE DIOMA NDIAYE, PRESIDENT LSDH : «C’est plutôt la démarche qui pose problème»
De son côté, la Ligue sénégalaise des droits de l’homme, a plaidé pour des réformes «consolidantes ». «Il nous faut des réformes structurantes, fondatrices qui permettent à notre démocratie de faire des bon en avant. C’est une des conditionnalités de l’accord qu’aussi bien la société civile que les politiques s’étaient forgés à établir. Une sorte de programme de gouvernance qui devait d’ailleurs être matérialisé par les Assises nationales. On se démarque malheureusement de cette réflexion qui a regroupé l’ensemble des acteurs à l’époque sensés déterminer l’avenir de la gouvernance politique, institutionnelle et constitutionnelle du Sénégal», dixit, Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme (Lsdh)

Poursuivant son propos, l’avocat, s’étonne qu’il ait de plus en plus des projets unilatéraux de réformes qui puissent accentuer la fracture sociale, et demande aux acteurs de bâtir leurs initiatives sur le consensus. «C’est plutôt la démarche qui pose problème, quelle que soit la justesse d’émettre un jugement de valeur sur la portée de la réforme. Il nous faut des démarches consensuelles. Un débat inclusif pour arriver à des réformes guidées par le souci d’apporter une plus-value à notre démocratie qui soit acceptée par tout le monde. À l’entame, il y’a déjà un débat de suspicion par rapport à la portée de cette réforme. On ne fera qu’accentuer une pathologie : absence de dialogue, de consensus et une rationalité stratégique où un parti profite de sa majorité. Si nous devons s’écarter des Assises, toute autre initiative doit être bâtie sur la base d’un large consensus pour ne pas affaiblir notre architecture démocratique».

ABOUBACRY MBODJ, SG RADDHO : «Toute modification doit faire l’objet d’un consensus»
Interpelé lui aussi sur la question, le Secrétaire général de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (Raddho), Aboubacry Mbodj, tout en se démarquant de la démarche de la majorité, plaide pour le consensus. «Nous, notre position est très claire : tout ce qui est modification des textes législatifs et réglementaires doit se faire sur la base d’un consensus. Je pense que c’est une question qui interpelle aussi bien l’opposition, le pouvoir, les organisations de la société civile dans toute leur sensibilité. Toute modification doit faire objet d’un consensus», rappelle le secrétaire général de la Raddho qui ajoute dans la foulée. «Maintenant, à défaut d’un consensus, on peut procéder par le principe de la démocratie qu’est un vote. Mais celui-ci doit être la dernière option. Aujourd’hui, si vous voyez des débats de ce genre (concernant projets de modification des textes) éclaté au grand jour sur la place publique, c’est que, dans la plus part des cas, ce sont des décisions de modification des textes prises sans une discussion préalable entre tous acteurs concernés»

Pour lui, en matière de démocratie, c’est extrêmement important qu’on tienne compte des avis des uns et des autres. «C’est en fonction de cela qu’on peut d’ailleurs avoir un consensus très fort qui permet l’adhésion de la majorité par rapport à toute forme de modification. Nous, nous ne pouvons pas, aujourd’hui, prendre partie ni pour l’opposition, ni pour le pouvoir. Mais, en tant qu’observateur averti, nous considérons que toute modification devrait, au préalable faire l’objet d’une large concertation entre les parties prenantes pour qu’on puisse éviter des débats qui nous éternisent dans des situations pas tout à fait souhaitables dans une démocratie majeure», prévient Aboubacry Mbodj.
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