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Marcel Mendy (Écrivain, journaliste politique): ‘’Fada est obligé de s’auto exclure et de partir’’
Publié le vendredi 12 juin 2015  |  Enquête Plus
Modou
© Autre presse par DR
Modou Diagne Fada, président du groupe parlementaire des libéraux et démocrates




Marcel Mendy est un journaliste écrivain qui s’intéresse à l’histoire du Parti démocratique sénégalais (Pds) depuis 1987. L’auteur de l’ouvrage ‘’Wade et le Sopi, la longue marche’’ revient dans cet entretien avec EnQuête sur la vie du Pds : son passé, ses départs et son futur. Au lendemain de l’incident entre le Secrétaire général, Abdoulaye Wade et une partie de ses militants dont Diagne Fada, M. Mendy estime que les frondeurs courent droit vers l’exclusion.



Vous avez publié un livre sur l’histoire de Wade et de son parti, le Pds. Aujourd’hui, comment appréciez-vous la fronde initiée par certains responsables dont Modou Diagne Fada ?

Cette fronde n’est pas une nouveauté dans l’histoire du Pds (Parti démocratique sénégalais). Je peux même dire que c’est l’histoire qui bégaie, elle se répète. En 1985 déjà, le parti de Wade avait connu les mêmes turbulences sauf que les acteurs n’étaient pas les mêmes que ceux d’aujourd’hui. A l’époque c’étaient Serigne Diop et ses amis Bathie Gadiaga et Mouhamed Seck entre autres qui n’étaient pas d’accord avec la démarche politique de Wade. Le Pape du Sopi s’était inscrit dans une dynamique de radicalisation vis-à-vis du pouvoir d’Abdou Diouf.

Le leader du Pds avait fini d’opter pour les méthodes fortes. Wade s’opposait à Abdou Diouf de manière formelle. Il avait d’abord joué la carte de la démocratie. Quand il a vu que Diouf ne jouait pas le jeu, il a changé de méthode. Diouf n’était pas un démocrate. Les négociations et autres démarches entreprises par Wade n’ont rien donné (…). Le professeur Serigne Diop était plus ouvert et n’épousait pas les méthodes de Wade. Il a décidé de poser le débat à l’interne. Un débat d’orientation et puisqu’il n’a pas pu imposer sa vision, il a finalement été exclu du parti. Le Pds a par la suite connu d’autres départs. Et les causes sont toujours différentes.

L’histoire de Diagne Fada est, toute proportion gardée, une répétition que le Pds a connue en 1985 avec le cas Serigne Diop. Toutefois le contexte, les acteurs et les objectifs ne sont pas les mêmes. Fada pose un problème d’organisation et de refondation du parti tandis que Serigne Diop critiquait les stratégies de lutte. Cependant, il y a une similitude entre les deux cas : A l’époque, Wade avait accusé Serigne Diop d’être de connivence avec l’ennemi (Jean Colin). Selon Wade, Colin finançait Serigne Diop pour déstabiliser le Pds. C’est la même accusation que Farba Senghor a faite hier (Ndrl avant-hier) contre Modou Diagne Fada.

Ne pensez-vous pas que le Pds fait face à un problème de démocratie ou de gestion interne ?

On peut dire que c’est un problème de démocratie interne. Mais je ne pense pas qu’on puisse poser le problème en ces termes. Parce que quoi qu’on dise, il y a un minimum de démocratie au Pds. On a tendance à dire que c’est Wade qui est le propriétaire et le bailleur du parti. Il y a un débat, quand une question se pose, les gens en discutent et chacun donne son point de vue même si on a tendance à épouser la décision du chef. Est-ce qu’on peut automatiquement en déduire un problème de démocratie ? Non. Fada a produit son mémorandum et l’a fait parvenir à Wade depuis lors des contributions fusent des deux camps, ce qui est synonyme d’une démocratie. Le débat est là ; d’autres comme l’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye l’ont réglé à leur façon. L’ancien Pm a fait le choix de partir tandis que Fada a préféré rester et faire face, un signe de courage politique. Il a préféré rester et se battre dans le parti même s’il ne remet pas en question le leadership de Wade.

Puisque l’histoire semble se répéter ? à quoi peut-on s’attendre après la rencontre d’hier ?

Il y a un grand risque que le groupe de Fada soit exclu du parti. J’ai le pressentiment que cela va finir par une exclusion. Le Parti démocratique sénégalais tel qu’il est formaté ne peut pas laisser ce genre de crise perdurer. C’est à son détriment, en plus on est à quelques encablures de la prochaine élection présidentielle. A partir du moment où Fada n’arrive plus à imposer sa vision des choses, il est obligé de partir. Il s’auto-exclut en quelque sorte.

Fada et ses camarades demandent à Wade de prendre sa retraite. Comment voyez-vous le Pds sans Wade ? Est-ce que le Parti pourra survivre à son fondateur ?

Je ne pense pas que le parti puisse survivre à Wade. J’ai échangé avec lui sur cet aspect mais ce ne sera pas évident. Parce que le Pds aura le destin de tous les partis qui ont été créés par un grand homme. Et quand le leader charismatique n’est plus là, le parti cesse d’exister. Il y aura des batailles de positionnement, chacun voudra prendre une partie. Et cela a commencé depuis la défaite de 2012. Pape Diop, Abdoulaye Baldé, Souleymane Ndéné sont tous partis. D’autres comme Serigne Mbacké Ndiaye, Habib Sy ont préféré créé des courants. Et le jour ou Wade ne sera plus là, le parti sera éclaté. (…).

Ne pensez-vous pas que Wade devait organiser le parti avant son départ?

Malheureusement, il était confronté à un problème de temps. Il était trop pris par les charges de l’Etat aussi bien sur le plan national qu’international. Voilà pourquoi nos présidents doivent se départir de leurs fonctions de chef de parti. Wade n’a pas eu le temps de préparer son départ, c’est pour cela qu’il n’a pas de dauphin proclamé. Le Pds a choisi Karim Wade comme candidat à la prochaine présidentielle, mais c’est de la stratégie.

Est-ce que Wade n’est pas justement en train de préparer le terrain pour son fils Karim Wade ?

C’est une stratégie politique. Nous sommes dans un contexte particulier. Karim est en prison, on le présente comme un prisonnier politique. Il est le candidat d’un parti, d’une coalition. Mais Wade sait que Karim étant en prison ne peut pas être un adversaire de Macky Sall. Si le président de la République, dans sa générosité, décide de gracier Karim Wade avant 2017, il règle son problème et la stratégie tombe à l’eau. Karim n’aura pas le temps nécessaire de se préparer et d’affronter Macky. Wade sait que son fils ne peut pas être le candidat du Pds.

Karim est un nain politique, son passé n’est pas glorieux. Aux locales de 2009, il a été battu dans son propre bureau de vote. Il n’a pas de vrai contact avec la base, il n’a jamais fait une tournée comme Macky Sall ou Idrissa Seck. L’élection présidentielle, c’est d’abord la rencontre d’un homme et de son peuple. Karim n’a pas cette légitimité qui puisse lui permettre de revendiquer le leadership au Pds. Il ne s’est jamais bagarré pour le parti, n’a participé à aucune marche. Quelque part, des gens comme Souleymane Ndéné ont raison.

Est-ce que Fada et ses camarades frondeurs peuvent continuer le combat à l’intérieur du parti ?

Ils le peuvent s’ils sont malins (rires) et je l’espère. Ils peuvent rester dans les rangs et poursuivre le combat. L’avenir leur appartient, c’est la jeunesse du parti, ceux qui sont en face ont dépassé la soixantaine. Fada a été là dès le début donc il incarne une légitimité. Si j’avais un conseil à lui donner, c’est : Fada ne bouge pas reste dans le parti. Et ils finiront sûrement par attirer d’autres dans leur lutte. Ils sont des hommes politiques aguerris.

Pensez-vous que Me Wade manœuvre dans le but de faire libérer son fils ?

On ne peut pas le lui reprocher c’est de bonne guerre. C’est normal, c’est humain. Il ne dort plus la nuit à cause de l’emprisonnement de son fils.
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