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Empiètement sur l’espace aéroportuaire : la cité Tobago rasée
Publié le samedi 6 juin 2015  |  Le Quotidien




C’est avec surprise que les propriétaires des villas logées entre la Cité Tobago et l’hypermarché Exclusive ont constaté hier matin, la démolition de leurs maisons. On leur reproche de ne pas être en conformité avec les normes de la sécurité aéroportuaire.

Des visages désolés, des mines inquiètes, des voix à peine audibles étranglées par l’angoisse… Sur la Vdn, à côté de la cité Tobago, les propriétaires de terrains et de villas habitées ou en construction sont consternés. Ils ont été réveillés hier par des caterpillars, venus démolir leurs bâtisses au nombre de 350. Sans sommation, la gendarmerie est venue aux premières heures de la matinée accompagnée du préfet et du gouverneur de Dakar, superviseurs de cette opération. Motif de ces démolitions : les habitats empiètent sur le domaine de l’aéroport international de Dakar. D’après les interlocuteurs rencontrés, les habitations doivent être à un minimum de 350 m du mur de clôture de l’aéroport. Seulement, ce mur est déplacé au gré des appétits fonciers sur le terrain. Et ce depuis plus de dix ans. Les propriétaires malheureux ont été témoins, il y a à peine deux semaines du déplacement de ce même mur. «En une nuit, un nouveau mur de clôture a été édifié et l’ancien détruit. Je pensais que c’étaient des agents de l’Etat. La dernière sortie du ministre des Transports aériens, c’est la cause de nos problèmes», témoigne un propriétaire.

Pas de titre foncier, pas d’autorisation de construire
Sur place, comme des châteaux de cartes, les maisons construites sur un ou deux niveaux commencent à tomber. Des rues sinueuses et sablonneuses qui mènent aux habitations, des voitures déboulent. On vient aux nouvelles. L’oreille scotchée au téléphone, on cherche du secours partout où on pense le trouver. Les minutes, puis les heures, meublées par les bruits des engins destructeurs, passent. C’est à petite voix que les concernés discutent et partagent leur malheur. Des conciliabules entre le gouverneur, les notables lébous, les vendeurs de terrains et les acquéreurs, loin des oreilles et des objectifs des journalistes, commencent et tirent en longueur. Un peu de sérénité revient dans l’esprit des personnes déjà installées dans les maisons. «Le gouverneur dit que les maisons habitées vont être épargnées pour le moment», dit une jeune dame avec un petit sourire qui masque à peine l’inquiétude sur son visage.
Le délégué de quartier désigné d’office s’est installé avec sa famille depuis un an maintenant sur ce site. L’incompréhension de Badou Ndiaye, père de six enfants, est manifeste. «J’ai eu vent, il y a quelques jours, des problèmes concernant la bande verte, de l’autre côté. Il y a eu des tiraillements. Ils ont démoli le mur de l’aéroport mais je ne sais pas vraiment comment cela s’est passé, qui a fait quoi et pourquoi. Je me suis battu. J’ai donné corps et âme pour cette maison pour mettre à l’abri ma famille. Peut-être qu’ils vont démolir et donner à d’autres personnes mais qu’ils soient un peu regardants sur les personnes qui ont déjà aménagé», demande-t-il, la voix étreinte par l’angoisse.
C’est le même sentiment qui habite Madame Diouf, Rokhaya Sy. Cette dame, qui a anticipé sa retraite pour construire son chez-soi, ne sait plus à quel saint se vouer. «Je construis depuis 2013. Je commence à aménager, petit à petit. Bayty Ndoye, Meïssa Ndoye et Thianar Ndoye m’ont vendu ce terrain. Ils disent que c’était le champ de leurs grands parents. J’ai acheté ce terrain en décembre 2003. A chaque fois que l’on voulait construire, on nous demandait d’attendre. J’ai anticipé ma retraite pour construire cette maison. Mon mari, malade, est cloué au lit depuis 2012. Mon fils est encore étudiant», partage-t-elle. Tous deux ne pensent pas faire un bras de fer avec l’Etat. Ils ne sont pas vraiment en position de force. Personne n’a reçu de titre de propriété et ils ne détiennent pas d’autorisation de construire. «A l’achat, ils nous ont donné des papiers comme quoi c’est une partie du titre foncier global», explique M. Ndiaye. A l’instar de leurs compagnons d’infortune, ils lancent un cri du cœur au chef de l’Etat.

Plainte contre la France
Les propriétaires des terrains sont aussi de la partie. Regroupés en petit nombre, par-ci par-là, ils s’insurgent contre cette opération. Les notables lébous sont aussi présents. Le Diaraf de Ouakam, venu jouer au sapeur-pompier, ne fait tout de même pas dans la dentelle. Le ministre des Transports aériens, dans sa dernière sortie, avait annoncé une plainte contre les vendeurs de ces terrains, en l’occurrence des familles léboues. Décidé à ce que sa communauté retrouve ses droits sur ces terrains cédés au colonisateur, Youssou Ndoye annonce une plainte contre la France. «On va trouver des avocats français et sénégalais pour porter plainte contre la France. On avait donné nos terrains à la France. C’était une réquisition et quand on n’en a plus besoin, on le rend au propriétaire d’origine», explique-t-il. A l’encontre des autorités sénégalaises, desquelles il réclame un respect strict pour sa communauté, il brandit le vote sanction.
La tension couve de ce côté de la Vdn. Des millions investis dans plus de 300 maisons menacées d’être réduites en débris. Les propriétaires attendent dans l’espoir d’une issue heureuse à leur situation.
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