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Mamadou Ndiaye, Médiateur de l’Ucad, sur les bourses d’études : «Danger devant les Gab d’Ecobank»
Publié le mercredi 27 mai 2015  |  Le Quotidien
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© aDakar.com par DF
Les étudiants de l`UCAD se font payer leur bourse au niveau des guichets automatiques




Mamadou Ndiaye, Professeur titulaire de Linguistique à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et médiateur, ne cache pas ses inquiétudes quant aux conditions de paiement des bourses des étudiants, mais aussi à l’état du bâtiment qui abrite ses bureaux et d’autres locaux à l’Ucad II. A travers cet entretien accordé au journal Le Quotidien, Pr Ndiaye revient sur ses missions, tout en avertissant sur le danger qui guette les étudiants aux alentours des guichets d’Ecobank.

Vous êtes médiateur de l’Université. A quoi consiste exactement votre mission ?
Je suis effectivement médiateur de cette université depuis le 11 mai 2011, et le rôle de médiateur c’est avant tout d’anticiper. Quelque fois, il est mis devant le fait accompli, le conflit est là et en ce moment son rôle consiste à ramener les parties en conflit autour d’une table. Nous avons l’habitude de dire qu’une fois cette action est faite, le rôle du médiateur est terminé. Donc, c’est la médiation avant la négociation. Maintenant, dès que les parties en conflit sont en négociation, on n’entend plus souvent le médiateur parce qu’il aura fait son travail en amont.

Depuis 2011, qu’est-ce que vous avez résolu comme problème ?
Ce ne sera pas facile de dire tout de suite ce que le médiateur a fait dans la mesure où tous les jours, il participe à la résolution de conflits. Nous sommes dans un espace assez réduit où c’est pratiquement une ville avec 60 à 80 mille personnes qui se côtoient tous les jours. Alors, imaginez une ville de 80 à 100 mille habitants sans police ni gendarmerie ? C’est une importante population qui est là, donc les conflits ne manquent pas et le médiateur est comme le maire. Il est tout le temps sollicité par les principales composantes qui sont là pour résoudre des problèmes. Il y a le personnel enseignant et de recherche, ensuite les étudiants qui sont la grande majorité et il y a également les Pats. Mais ce qui complique les choses, c’est qu’il y a des campus. Vous avez par exemple le campus social qui est autonome, même si le recteur est le président du Conseil d’administration du Coud, mais il y a le campus pédagogique et il y a un troisième campus que les gens n’évoquent pas toujours qui est le campus sportif. Nous avons ici des équipes de football, de basket qui sont reçues et qui peuvent recevoir dans l’enceinte de l’université. Supposons que l’équipe du Duc reçoive le Jaraaf au terrain et qu’il y ait des problèmes, c’est toujours à l’université. Chacun se dit plus ou moins autonome, mais en réalité tout est lié. Ce qui fait que le médiateur est hyper sollicité, et tous les jours il contribue à résoudre des problèmes. Maintenant, le plus gros problème c’est les étudiants, même si cette année c’est relativement calme, on touche du bois. Vous ne voyez plus les étudiants barrer la route de Ouakam ou détourner les bus de Dakar dem dikk, c’est parce que nous avons su convaincre les autorités de l’autre côté à partir du moment où on a su identifier les sources des problèmes, par exemple le non-paiement des bourses à temps. Le reste, c’est un problème d’infrastructures, les effectifs sont pléthoriques, la qualité de l’accueil dans certains services est défaillante, c’est tout cela en fait qui frustrait les étudiants. Il y avait un manque d’écoute, personne n’était à leur disposition. Ils essayaient, mais ils avaient du mal à trouver quelqu’un de disponible pour les écouter et les rassurer, alors que c’était si simple. Je crois que c’est ce que le médiateur a réussi à faire : rétablir d’abord ce climat de confiance du côté des étudiants, leur dire la vérité et surtout suivre avec eux les décisions.
Quand on me dit : «Ah médiateur, il y a un problème de bourse», je cherche à savoir les étudiants concernés, on constitue un petit groupe et on va voir le directeur des Bourses qui nous explique de vive voix quels sont les problèmes. Ce que nous faisons depuis quelque temps. Pas plus tard que la semaine dernière, nous l’avons fait. Parfois même, on fait venir le directeur des Bourses et son staff ici, on sensibilise les étudiants sur les problèmes liés au retard et au blocage. Et apparemment, ça aide à calmer les choses.

Oui, mais il a fallu à propos des bourses qu’on assiste à la mort du jeune Bassirou Faye pour qu’il y ait des progrès dans le paiement…
Malheureusement (répétitions). Et pourtant, le médiateur avait déjà alerté, si on peut l’appeler ainsi. Nous avons des personnes ressources parmi lesquelles l’ancien médiateur Bouba Diop, votre confrère Mika Lom (journaliste à Sud Quotidien), d’anciens syndicalistes, l’Association des parents d’élèves qu’on réunit très souvent pour identifier les sources de problèmes avant de transmettre les solutions à qui de droit. Si les gens avaient réagi assez tôt, il y a deux ans, peut-être que cet étudiant ne serait pas mort. Parce que bien avant, on avait lancé l’alerte en disant : «Aidez-nous à payer les bourses à temps», parce que c’était ça le gros du problème.
D’ailleurs, je vous prends à témoin. Je l’ai signalé aux autorités et je vais me rapprocher des autorités bancaires : si vous passez sur la route de Ouakam, vous voyez les étudiants faire la queue devant les guichets d’Ecobank, à 1,5 mètre de la route. Vous voyez les «cars rapides» passer à vive allure, et parfois les étudiants sont devant les guichets à 2 heures du matin. Ils sont en colère et se battent. Imaginez-vous qu’ils se bagarrent justement au moment où les «cars rapides» passent. Tout le monde est au courant, mais personne ne fait rien. J’alerte alors qu’il est encore temps. L’autre cri d’alerte, c’est à propos du bâtiment sur lequel nous sommes. Si vous faites le tour, vous verrez qu’il y a de l’eau un peu partout sous le bâtiment. Le médiateur a signalé ça depuis des années en disant attention. Je ne suis pas un spécialiste des Btp, mais je crois savoir que la cohabitation de l’eau, du fer et du ciment peut créer de mauvaises surprises. Malheureusement, on ne peut qu’alerter parce que ce n’est pas nous qui prenons les décisions.

Depuis que vous avez alerté, vous n’avez reçu aucune assurance venant des autorités ?
Pour ce bâtiment non ! Mais pour la banque (Ecobank), il faut que je vois les responsables parce que c’est un contrat qu’ils ont eu à signer avec l’Etat. Je crois qu’il y a un cahier des charges à respecter après avoir gagné ce marché. Il faut que cette banque crée les conditions de paiement sans risques des bourses, en multipliant par exemple les guichets et en les mettant loin des routes. Il faut prévenir de possibles sinistres et non attendre qu’il y ait mort d’homme pour agir.

On se rappelle la grève du Saes à cause de la loi cadre sur les universités. Quel a été votre rôle jusqu’à ce que la situation redevienne normale ?
Je dois vous rappeler que je suis un militant et membre fondateur du Saes et j’ai eu à être le responsable de la section Saes de Lettres - Cesti – Ebad. Donc, dès que le problème s’est posé, je suis allé vers ma section. J’ai vu les responsables, à savoir Yankhoba Seydi et Idrissa Bâ pour leur dire qu’en tant que médiateur et non militant, je suis à leur disposition. Ils m’ont fait comprendre qu’ils vont se référer au Bureau national. Un moment donné, je suis retourné les voir et ils m’ont dit que le Bureau a déjà arrêté un plan d’action qu’il va dérouler. J’ai pris acte et je me suis tourné vers ces partenaires et on a tenu une réunion chez l’ancien médiateur Bouba Diop où il y a eu des partenaires sociaux. On a posé le problème pour voir comment est-ce qu’ensemble on peut intervenir pour trouver une solution avec l’implication de Mamadou Diop «Castro», président du Comité national chargé de l’éducation. Ensemble et même des députés, on a essayé de discuter avec les uns et les autres et c’est comme ça qu’on a réussi à calmer les syndicalistes.

Que pensez-vous des réformes universitaires ?
Les réformes dans l’esprit sont bonnes, c’est mon sentiment. Maintenant, c’est dans la phase pratique qu’il y a des problèmes. J’ai l’impression que les choses sont un peu forcées et à chaque fois qu’on fait du forcing quelque part, de l’autre côté les réactions ne se font pas attendre. Je peux comprendre que le ministre veuille avoir des résultats coûte que coûte, mais j’ai l’impression qu’on ne prend pas toutes les précautions. C’est encore mon sentiment, on n’a pas pris toutes les dispositions pour minimiser la réaction oppositive des autres. On a trop poussé et à force d’appuyer sur l’accélérateur, il y a des dégâts et des résistances et c’est ce qui se passe actuellement.

Qu’est-ce que vous auriez proposé à la place de l’approche du ministre ?
Une plus grande concertation entre tous les partenaires. Il faut que les gens prennent le temps de discuter, de bien examiner ces textes, de bien les discuter et d’avoir une plus large concertation et c’est en ce moment seulement que la réforme pourrait être appliquée sans grands heurts. On a l’impression que ça vient d’en haut et on demande aux gens d’appliquer, alors que ça devrait être le contraire. Il fallait discuter à la base et obtenir un consensus avant de faire remonter, c’est mon sentiment. C’est ça qui manque à mon avis dans l’application de ces réformes.
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