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Le sens du djihad en Islam: L’exemple d’El Hadji Oumar Tall
Publié le mardi 5 mai 2015  |  Enquête Plus




Si la notion de ‘’Jihad’’ est galvaudée, depuis les attentats du 11 septembre, le Sénégal a connu l’ère du Jihad par le fait d’un Islam militant incarné par le vénéré El Hadji Oumar Tall, fondateur de l’empire toucouleur et son fidèle compagnon et lieutenant de l’armée, Thierno BaïlaWane. EnQuête vous plonge dans l’univers de vrais Jihadistes de l’islam.



Présenté comme la personnalité la plus marquante du 19e siècle, le vénéré El Hadji Oumar Tall est le prototype du vrai ‘’jihadiste’’ musulman. Son parcours a été mis en exergue par ses disciples à l’occasion de la dernière ziarra Omarienne, afin que son expérience serve de viatique aux nouvelles générations dans un monde de turbulences. Ce ‘’guerrier infatigable’’, qui passe, pour certains, comme un ‘’conquérant assoiffé de pouvoir’’, est aussi un ‘’esprit éclairé à la science infuse’’. De son vrai nom Omar Saïdou Tall, né entre 1794 et 1797 à Alwar, dans le département de Podor, le vénéré a marqué son époque. Le khalife de la Tidjaniya en Afrique de l’ouest était le quatrième fils de son père Saïdou et le huitième de sa mère, Sokhna Adama Aïssé.

Mais la particularité du vénéré El Hadji Oumar Tall réside dans le fait qu’il est un marabout qui a commandé l’une des plus grandes armées d’Afrique, avec plus de 3000 cavaliers. Il a brandi le sabre pour une expansion réussie de l’islam. Il a également sorti l’épée pour libérer un peuple des geôles du paganisme. Dans des témoignages élogieux, Serigne Mansour Sy Djamil, le vice-président de l’Assemblée nationale, précise qu’il s’est agi ‘’des sabres de la guidance pour combattre deux grands ennemis : le colonialisme et le peuple bambara’’.

L’histoire retient de ce saint-homme, l’image d’un marabout actif qui s’est attaqué à plusieurs royaumes bambaras. Son armée était souvent ‘’équipée d’armes légères européennes reçues de britanniques de Sierra Leone’’. Il a combattu ‘’plusieurs régions malinkés, à partir de 1850. Il occupe sans difficulté les territoires du Mandingue et du Bambouk (1853), puis attaque les Bambaras Massassi dont il prend la capitale Nioro (1854). En 1856, il annexe le royaume bambara du Kaarta et réprime sévèrement les révoltes. Luttant contre l’armée coloniale française, il fait construire un tata (une fortification) à Koniakary (77 km à l'ouest de Kayes). En avril 1857, il déclare la guerre auroyaume du Khasso et assiège le fort de Médine, qui sera libéré par les troupes de Louis Faidherbe, le 18 juillet 1857.’’Des exemples, parmi les 82 batailles qu’il a entreprises sous la bannière de l’Islam.

El Hadj Oumar Tall, en vrai conquérant,a fini par asseoir le plus grand empire que l’Afrique ait connu, un‘’empire qui s’étendait, en 1863, sur 300 000 km².’’ Il a aussi mis en place ‘’une administration compétente à l’expérience avérée (perception des recettes douanières et fiscales aux frontières et à l’intérieur)‘’, selon les explications de Serigne Mansour Sy Djamil pour qui c’était un vrai homme d’Etat au leadersphip affirmé.Guerrier redoutable, le saint-homme est également un brillant intellectuel. Toujours, selon Serigne Mansour Sy Djamil, cet homme d’une beauté sans nulle autre pareille ‘’savait surtout jouer sur l’affect et utiliser les mots qu’il faut pour avoir un impact sur la population, surtout la jeunesse.’’ Il était soucieux du devenir de son peuple, qu’il voulait ‘’pétri de gloire, de piété, de bonté et de justice. ‘’Ô population du Tooro, recouvrez votre héritage, votre patrimoine !’’ une adresse contenue dans ses poèmes.

Les raisons du Jihad

Derrière ses hauts faits d’armes se cache une noble intention de matérialiser,toute sa vie durant, le sens réel du jihad, tant dans sa dimension individuelle, sociale, politique et économique. Dans cette perspective, le diplomate à la retraite Birane Sada Wane tient à préciser : ‘’C’est une foi solide qui l’a incité à proclamer le Jihad, un Jihad différent de celui qui est en cours, lequel est porté plutôt par des forces obscures. Le jihad en tant que tel doit être décrété par une autorité religieuse suprême. El Hadji Oumar a proclamé le Jihad, conformément aux préceptes islamiques. Il a combattu le polythéisme en vue de sortir un peuple desténèbres vers la lumière.’’

Pour autant, en dépit de ce caractère de marabout actif, le saint homme n’a décrété la guerre sainte qu’en dernier recours. Selon des faits historiques relatés par la famille Tall, tout est parti des attaques du souverain animiste Yimba Sakho. ‘’Par provocation et se sachant plus puissant en armes et en hommes, le souverain dépêcha son griot et homme de confiance Djéli Moussa afin de réclamer en plus du tribut annuel qui était payé par Hajj Omar, les armes, le cheval et sa fille aînée. Bien qu’il ne trouve rien à redire pour le versement du tribut, en revanche, il lui était impossible d’offrir la main d’une musulmane à un roi païen et de désarmer ses hommes pour les laisser à la merci de n’importe quel ennemi.’’

Le Saint homme use de courtoisie. Mais le souverain animiste récidive dans ses provocations lorsque son homme de confiance, séduit par l’aura et le discours de vérité du saint homme, a voulu se convertir à l’islam. Le roi, indigné, dépêche une grande armée pour ‘’détruire définitivement’’ Sidi Hadj Oumar.‘’La différence numérique des armées était tellement grande entre les deux adversaires que le souverain animiste était sûr de venir à bout de lui et se voyait déjà comme le futur vainqueur de cette bataille.’’

Le saint homme Cheikh Oumar, à l’époque, qui s’était appuyé sur le dialogue pour porter le message divin, avait ordonné à ses hommes de ne jamais attaquer l’ennemi. Mais il a dû riposter quand l’armée adverse a commencé les hostilités. Dès lors, il prit l’option de se conformer à la parole divine. ‘’Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) - parce que vraiment ils sont lésés ; et Allah est certes Capable de les secourir » (Sourate 22 Le pèlerinage, verset 39) et ils se conformèrent à ses ordres. Le vénéré Cheikh Oumar remporta la bataille, le roi païen prit la tangente.Le Cheikh a fait face à d’autres adversaires qui ont voulu stopper sa ‘’déferlante mission’’. Il a déclenchéun jihad qui s’est étendu sur plusieurs régions et pays, de la Sénégambie, en passant par le Niger, la Guinée et atteignant le Mali, de la ville de Tamba à l’Empire Bambara de Macina et jusqu’aux portes de Tombouctou.

La grande chasse à l’esclave

Ses adversaires abdiquèrent devant lui, toute sa vie, il mena la guerre contre l’oppression et l’injustice. Le vice-président de l’assemblée nationalel’explique en ces termes:‘’Le 17ème siècle fut une période trouble pendant laquelle les convictions religieuses furent ébranlées par la grande chasse à l’esclave. Situation qui provoquait au sein de certaines communautés musulmanes une violente réaction qui prit l’allure d’une véritable résistance armée. Le mouvement, connu sous le nom de ‘’guerre des marabouts» ou mouvement de Nasr A Din (nom de son instigateur) partit du Sud mauritanien et gagna, entre 1673 et 1677, le Fouta, le Walo et le Kayor. Dans tous ces pays où se faisaient sentir les effets pervers de la traite négrière, la masse de la population opprimée et pressurée ne se reconnaissait pas dans l’aristocratie en place’’.

La belle épopée prit fin le 12 février 1864 ; le Cheikh tira sa révérence dans les grottes de Deguembéré, près de Bandiagara. Serigne Mansour Sy souligneque ’’le mouvement d’adhésion à la Tijaniya était si massif que Cheikh Oumar Tall fonda un empire islamique d’obédience Tidjane que les français et leurs alliés n’auront de cesse de réduire à néant. La stature immense de cet homme de Dieu qui « a disparu dans les falaises de Bandiagara », martyr de cette lumière mohammadienne et de la foi dont il était le vecteur, s’est imposée comme le symbole de la lutte contre l’occupant étranger et pour l’émancipation de l’Afrique.’’

Pour d’autres, le Cheikh ne s’était pas remis du décès de son fidèle lieutenant et fidèle chef d’Etat major, le général Alpha Oumar Baïla Wane. ‘’Ils formaient une personne en deux individus.’’

Alpha Oumar Baïla Wane, l’alter ego de El Hadj Oumar Tall

Alpha Oumar Baïla Wane, un nom inconnu au Sénégal, mais une histoire somme toute exceptionnelle. Il est ce grand savant, brillant intellectuel qui a été le Général en chefde l’armée omarienneet dont le nom mérite, aux yeux des disciples du Cheikh, de figurer au fronton d’un camp militaire, d’une avenue ou d’un édifice public.L’homme a joué un rôle décisif pour le bien-être des peuples. Alpha Oumar Baïla Wane a été au premier plan lors du Jihad mené par El Hadji Oumar Foutiyou Tall.Le lieutenantporte le titred’Alpha, en raison de sa parfaite maîtrise des sciences islamiques en sus de sa maîtrise du Coran. Il a été l’un des premiers fils du Fouta à répondre à l’appel de son homonyme, Cheikh Oumar Foutiyou Tall. Pour Madina Tall Ly, ‘’il fut la cheville ouvrière du Jihad et dont Cheikh Oumar était le cerveau.’’

Ce combattant intrépide n’a perdu que deux batailles sur la totalité des expéditions menées en Afrique de l’ouest, allant du Fouta Djalon (République de Guinée) jusqu’à Tombouctou (République du Mali).Il se retrouvait dans l’idéal de justice incarné par le Cheikh et tenait à restaurer le legs de Thierno Souleymane Baal, l’un des fondateurs de l’Almamya, l’aristocratie peulh, qui avait été trahi. Une situation qui avait entraîné une instabilité avec comme conséquence des ingérences des Français dans les affaires internes du pays. Il s’était donné pour mission d’aller à l’assaut des forces obscures .Alpha Oumar BaïlaWane, dont la date de naissance n’est pas spécifiée, a quitté Kanel pour émigrer, au côté de son homonyme, vers les sentiers de Dieu. Il sera suivi par d’autres tels Alpha Oumar Thierno Molé, Alpha Abass Athie de Bossea, Thierno Ahmed AliJelia, avant que des volontaires du Fouta ne viennent renforcer l’armée omarienne. Alpha Oumar a recruté, mobilisé des troupes et commandé jusqu’à sa mort de grandes armées composées de plus de 3000 cavaliers.

Ce grand héros, chef suprême des Armées, qui a conquis des terres à Nioro et un peu partout, a aussi construit des mosquées. Il gérait, avec brio, les affaires administratives et militaires entre les différents gouverneurs nommés dans les cités conquises. Cette loyauté a été remise en cause par des esprits malveillants qui ont cherché à le mettre en mal avec le cheikh. Dire que, selon Madani Tall Ly, ‘’le cheikh avait trouvé en lui le compagnon idéal pour parfaire son projet de guerre sainte en Afrique.’’ Un choix qui n’est pas fortuit. Car ce grand savant est aussi un descendant de guerrier. Il est un intrépide conquérant dans le sang. Fils de Thierno Baïla Ahmadou Wane, le premier Thierno des Wane Wane et de Sokhna Djeynaba Thierno Mollé Mahmoudou Ly, d’une lignée d’érudits, il tient le flambeau hérité d’une tradition guerrière. Son grand-père Amadou Hamat, un érudit très respecté, était un guerrier redoutable et un général des armées du Fouta sous le règne de l’AlmamyAbul.

Mais pour le professeur Iba Der Thiam, il est important de retenir de cet homme l’image du grand combattant ‘’animé d’un sens élevé du sacrifice, d’un courage téméraire d’une fine connaissance des hommes, d’un humanisme éclairé, marqué de pudeur, d’ascétisme, de scrupule, de sincérité et de vérité’’.

‘’Il a assuré, avec intégrité et droiture, pendant deux ans, son intérim à Nioro avant de rendre l’âme en mars 1863, c’est à dire onze mois avant qu’El hadj Oumar ne disparaisse par la volonté d’Allah dans les falaises de Bandiara le 12 février 1864 ‘’, explique-t-il.

Sa mort en martyr a mis fin à la guerre sainte d’El Hadji Oumar Tall. Quand il a appris le décès de son fidèle lieutenant, sa douleur était grande. ‘’Il n’y a plus de vie pour nous après lui. Tu sais que Alpha Oumar a offert des chevaux, des serviteurs, des habits, alors qu’il était plus convenable de le défendre et de mourir en martyr’’. Il s’allongea par la suite et mit sa couverture un moment et lorsqu’il se leva, il rendit grâce à Dieu et le loua puis il dit : ‘’Je suis au repos.’’ Ses partisans lui demandent la signification de cette parole. Il leur dit : ‘’Si quelqu’un a une hache, qu’il l’utilise pour couper les arbres en vue de cultiver son champ et s’il la perd, alors qu’il se repose.’’ Onze mois après, le saint homme se retire dans les falaises de Bandiagara pour ne plus en sortir…..
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