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Maison rose "Dar Es Salam" - Victimes de viols: Ces filles mineures en détresse
Publié le lundi 13 avril 2015  |  Sud Quotidien




La vie ne fait pas que des heureux, il y a des personnes qui souffrent en silence au plus profond de leur chair à cause de leur situation de vulnérabilité. Les femmes et les filles victimes de maltraitances ou de violences de toute sorte se sont réfugiées dans une structure d’accueil et d’accompagnement dénommée Maison Rose ‘’Dar As Salam’’. Une sorte de havre de paix pour retrouver le sourire à travers un programme de formation et de travail psycho-social.

Dans la maison d’accueil, il y a une multitude de cas de maltraitances ou de violences qui existent au Sénégal. Elle est implantée dans la bâtisse qui abritait l’ancien tribunal d’instance de Pikine-Guédiawaye, entièrement rénovée pour accueillir les femmes en situation de vulnérabilité ou de violences. Parmi ces personnes figurent des filles mineures-mères, des femmes adultérines rejetées par leurs familles, des filles violées, des filles fugueuses, des filles victimes de mariages forcés. Les pensionnaires de la Maison Rose Dar Es Salam sont au nombre de trente et un dont dix bébés nés de viols suivis de grossesses non désirées. Tous sont entièrement pris en charge par la maison d’accueil. Il y a également dix enfants qui passent la journée pour ne rentrer que le soir. Chaque femme ou fille qui arrive à la maison d’accueil a une histoire particulière. Toutes les ethnies s’y retrouvent. Les histoires des filles se suivent et ne se ressemblent guère. Voici le récit du calvaire de quelques filles victimes qui ont voulu se prêter à nos questions.

POUSSEE PAR SA MERE DANS LES BRAS DES HOMMES

I.D est une fille âgée de 13 ans et mère. Son aveu est saisissant : « C’est ma mère qui me poussait dans les bras des hommes », avoue-t-elle. D’une démarche nonchalante, le regard dans le vide, de petite taille, Isabelle (nom d’emprunt) est mère d’un petit garçon. Elle a tenu à partager avec nous sa mésaventure. « Je suis originaire de la Casamance. Je suis issue d’une famille démunie à l’extrême et ma mère ne jouit pas de toutes ses facultés mentales. Ma mère me forçait à coucher avec des hommes pour faire bouillir la marmite. Quelques fois je suis dans l’angoisse de trouver de quoi manger. Mon père nous a abandonnées ma maman et moi, arguant qu’il n’est pas mon géniteur», souligne-t-elle. La jeune fille-mère en détresse vide son sac : « Ma mère est la responsable de mon exclusion à l’école. Elle m’obligeait à se prostituer pour vivre. C’est un ami de mon père qui abusait beaucoup de moi, moyennant de petites sommes d’argent. Je suis tombée enceinte de lui ».

Elle poursuit ses aveux en ces termes : « J’ai un enfant de 6 mois qui est dans la maison Rose. Il est bien entretenu par Mona. Seulement, avant d’accoucher j’avais toutes les difficultés du monde, j’ai failli même y laisser ma vie n’eut été l’intervention et le soutien de la Maison Rose Dar Es Salam ».

ID continue d’expliquer son calvaire. « Imaginez, être enceinte à l’âge de 13 ans. C’est l’AEMO de la Casamance qui a sollicité mon transfèrement à Dakar pour les soins liés à ma grossesse sinon j’allais mourir», dit-elle.

Elle a tout de même tenu à préciser qu’avant cette histoire, elle a été aussi violée à l’âge de 10 ans par un individu du quartier à qui sa mère devait de l’argent pour des chaussures achetées à crédit. Sa mère, rappelle-t-elle, lui avait remis de l’argent pour aller payer. Mais aussitôt la commission faite, il l’a attirée dans sa chambre, l’a bâillonnée avant d’abuser d’elle. C’est depuis ce jour qu’elle a commencé à vivre son calvaire, au point même d’être taxée de prostituée. Mais actuellement, elle se sent mieux depuis qu’elle est admise dans la Maison Rose où il y a un programme de réadaptation pour toutes les pensionnaires de la maison d’accueil. On y apprend un métier en couture. D’ailleurs, ID nous apprend qu’elle n’a plus envie de rentrer à Ziguinchor.

EXPULSEE PAR SA MERE POUR GROSSESSE

CB est quant à elle âgée de 16 ans. Elle nous révèle que sa maman l’a expulsée de chez elle avec sa grossesse. « Ma mère m’a mis dehors avec ma grossesse. J’ai failli me suicider », nous apprend-elle. Pour cette jeune fille mineure la vie est trop cruelle. Elle qui avait fait ses baluchons, quittant son Ndiambour pour la capitale afin de vivre des lendemains meilleurs, a vite regretté son choix car la vie en avait décidé autrement. Comme les autres filles de son village, Codou a loué une chambre qu’elle n’arrive pas à payer correctement avec son travail temporaire. Acculée par son logeur après avoir accumulé plusieurs mois d’arriérés de loyer, elle vit dans la tourmente. Selon elle, c’est la pression du logeur qui l’a poussée dans les bras d’un homme. « J’en ai parlé à un homme avec qui je travaille dans une usine. Ce dernier a souligné pouvoir régler mon problème d’arriérés de loyer mais je devais coucher d’abord avec lui. Le gars qui était gentil avec moi a profité de ma faiblesse pour me faire chanter. Au début, j’avais refusé mais j’ai finalement cédé à son chantage. Je suis tombée enceinte de lui et j’ai finalement perdu le boulot avec ma grossesse », renseigne-t-elle.

Toujours, selon la jeune fille de 17 ans, le calvaire s’est accentué quand elle est partie informer sa maman de sa grossesse. « Ma maman déçue de moi m’a mis dehors. Car elle ne pouvait pas concevoir que cela m’arrive. Elle avait trop confiance en moi jusqu’à me laisser venir à Dakar travailler. Et je ne lui en veux pas. Je suis revenue à Dakar. Durant trois jours j’ai erré dans les rues. Je marchais avec ma grossesse sans rien manger. J’étais trop désespérée. Je me suis même évanouie à Yoff dans une rue. On m’a transférée au centre de santé Philippe Senghor. C’est de là, après avoir narré mon histoire, que les médecins m’ont signalé la maison Rose à Guédiawaye », raconte-t-elle.

Revenant sur son séjour dans la maison, elle révèle qu’elle avait muri l’idée de se suicider ou d’avorter. Mais l’intervention des techniciennes de la maison a changé son intention. « Quand on m’a interrogée sur la situation, je leur avais indiqué que je voulais mourir. Mona m’a beaucoup soutenu sur le plan psychologique. Même la prise en charge médicale jusqu’à mon accouchement est gérée par la maison d’accueil. J’ai un mignon petit garçon. Actuellement on nous fait faire des activités qui nous occupent pour chasser les pages noires de notre vie pour ensuite affronter la vie et les regards de la société qui nous taxe de filles faciles », souligne-t-elle. Et de poursuivre pour évoquer le rôle de médiation qu’a joué la maison d’accueil avec sa famille. « Au début ma mère ne voulait rien entendre de moi. Il a fallu des médiations entreprises par Mona avec ma famille qui a abouti à mon acceptation et au pardon de ma mère. Actuellement, pas d’écueils entre nous, on est en très bons termes », nous apprend-elle. La vie a pourtant failli basculer pour Codou n’eût été l’intervention de la Maison Rose qui l’a accueillie et hébergée. Aujourd’hui, elle envisage de repartir dans son village natal pour affronter son destin, une fois qu’elle aura un boulot et suffisamment d’argent pour soutenir sa maman.

POUSSEE A L’EVASION PAR LES VIOLS DE SON ONCLE

L’histoire la plus triste est sans doute celle de cette fillette de 12 ans. HT a été victime de maltraitances familiales et de viols au point de fuir le domicile familial. « Mon père me battait tous les jours et mon oncle m’a violée. J’ai fui la maison », renseigne-t-elle.

L’histoire de cette petite fille de taille élancée, est aussi pathétique. HT (nom d’emprunt pour garder la confidentialité), âgée de 12 ans, a fui le domicile familial avec sa sœur et son petit frère pour avoir subi des atrocités d’un cousin de son père qui a tenté de la violer. Visiblement traumatisée par les brimades et violences faites sur elle par son « ivrogne » de père qui n’arrête pas de les battre à longueur de journée. HT est très traumatisée à tel enseigne que ses explications sont même décousues. Ses parents divorcés, le père assure la garde des enfants. Sans assistance, la fille a indiqué avoir souffert de son père. Revenant ivre tous les soirs, leur père n’arrêtait pas de les battre, témoigne la fille dont la taille élancée ne colle pas avec son âge.

« Chaque vendredi soir mon père avec son groupe de copains squattaient la maison. On ne pouvait pas dormir. S’il nous trouvait endormis, il nous réveillait et nous torturait toute la nuit, moi, ma grande sœur et mon petit frère », dévoile-t-elle. « Un jour on était à la maison, ma grande sœur partie chercher de quoi manger. Tonton A. était venu me réveiller en demandant après ma grande sœur. Quand je lui avais répondu qu’elle était allée chercher à manger, il m’avait ensuite invitée à jouer au Lido avec lui. Je m’étais exécutée. Juste après, il m’avait demandé de me déshabiller, sinon il allait le dire à mon père. Je m’étais encore exécutée. Il avait alors sorti son sexe et tenté de coucher avec moi sans succès », témoigne-t-elle. Avant d’enchaîner : « Il s’était par la suite couché sur moi et commencé à frotter son sexe au mien. Après, j’avais senti un liquide blanchâtre qui avait couvert tout mon sexe. J’avais eu peur et j’étais partie le dénoncer à un voisin militaire qui était avec son ami dans leur chambre ».

Ce dernier l’avait apostrophé sur ces agissements délictuels. Selon HT, après le divorce de ses parents, sa maman s’était remariée avec un autre qui avait pris l’engagement de nous garder avec lui, mais son père était venu pour briser le mariage. Nous étions alors obligés de retourner chez ma grand-mère où nous avions des problèmes d’espaces. Actuellement, sa grande sœur est partie chez son homonyme. Mais HT est bien dans sa peau maintenant car elle a commencé à apprendre la couture. Elle révèle toutefois qu’elle ne veut plus retourner vivre avec son père, encore moins dans la maison de sa grand-mère où on lui faisait vendre à longueur de journée des produits alimentaires.

PRISE EN OTAGE PAR UN VOISIN VIOLEUR

Agée de 16 ans, K une fille de forte corpulence est violée par son voisin. Avec son regard inquisiteur et sa grande taille, K ne donne pas l’image d’une mineure. Disposant de tout ce que la nature offre comme rondeur pour être attirante, elle ne savait pourtant pas que son voisin la guettait depuis un certain moment. Un jour, alors qu’elle s’était rendue dans la maison voisine, le gars avait abusé d’elle avant de la menacer de mort, témoigne-t-elle, tout en semblant surmonter son malheur. « Je suis allée dans cette maison. Le gars a fait appel à moi par l’entremise de sa sœur. Une fois dans la chambre, il a refermé la porte derrière moi. Il a mis sa main sur ma bouche et abusé de moi. Après son forfait, il m’a menacée de mort si je le dénonce. J’ai pris panique et gardé le silence durant des mois », dit-elle.

Selon elle, c’est quand la métamorphose de son corps s’est déclenchée que son viol est découvert. « J’ai souffert en silence. Je ne savais même pas que je suis tombée enceinte à la suite du viol. C’est ma tante qui a informé ma mère de ma grossesse quand elle a vu que je commençais à avoir des rondeurs. On m’a pressé de questions et j’ai dénoncé le gars qui avait nié au début. Mais il était finalement condamné après une plainte à la police », renseigne-t-elle. « Les membres de sa famille m’ont menacée de mort après sa condamnation. On m’a alors suggérée de me réfugier dans la maison rose. Actuellement, je suis bien ici. Ma mère venait me rendre visite durant toute ma grossesse, et jusqu’à mon accouchement. Je suis bien traitée avec mon enfant dans la maison, on fait du yoga pour chasser nos soucis, on est formée en couture, entre autres», laisse-t-elle entendre. Maintenant, elle se dit prête à affronter le regard réprobateur de ses voisins de quartier.

MONA CHASSERIO, PRESIDENTE DE UNIES VERS’ELLE SENEGAL : «Notre objectif c’est d’humaniser le monde»

L’association Unies Vers ’Elle est implantée dans les locaux de l’ancien tribunal d’instance départemental de Pikine-Guédiawaye. La coordonnatrice Mona Chasserio est connue pour son engagement à accompagner les femmes qui vivaient dans la rue en situation de grande souffrance en France pendant plus d’une vingtaine d’années. Un modèle qui a porté ses fruits en France et dont la « Mère Theresa » de la banlieue voudrait imprimer dans le Sénégal à travers un paquet de services. Selon elle, l’expérience est très profonde car une autre forme de thérapie existe. « Ce qui m’intéresse c’est de rentrer dans l’histoire de chacune des victimes, d’essayer de l’aider à transformer sa douleur en vie. Je suis venue avec une philosophie, avec une manière de faire, une manière de voir c’est-à-dire beaucoup plus humanisée », a-t-elle indiqué. « Ce qui m’intéresse, c’est l’être mais non pas comme le font les travailleurs du social. Quand je te prends, je résous tes problèmes extérieurs et je te remets dans la case. Ce qui m’intéresse c’est d’aider chacune à renaître de sa souffrance parce qu’à l’intérieur de soi, il y a autre chose que çà. On peut toujours enlever les épines, quand c’est possible », signale-t-elle.

«La maison rose est un lieu de renaissance. On vient poser son histoire pour la transformer et renaitre. C’est un lieu où on vient pour apprendre à se connaitre. Les journées sont faits d’ateliers qui stimulent tous les sens, que ce soit le corps parce qu’il faut savoir que quand vous êtes violée petite ou victime d’attouchements, le corps se divise en deux. Il y a la tête d’un côté qui réfléchit et le corps qui devient presque anesthésié. C’est pour cela qu’on peut même le vendre et devenir prostituée sans problème parce qu’on vous a pris votre corps», renseigne-t-elle. Pour elle, le but des ateliers physiques (yoga, basket, jogging) est de réapprendre à unifier le corps de la victime, afin que la tête et le corps se remettent dans l’unité du tout pour pouvoir choisir.

L’autre volet important de prise en charge psycho-affective de Unis Vers’ Elles Sénégal reste les médiations entre les victimes et leur famille. Un travail de médiation pour que la famille arrive à comprendre ce qui s’est passé et puisse accepter leur tort et les réintégrer dans la cellule familiale. Pour les filles victimes de grossesses non désirées, le Yoga leur permet de sentir leur bébé. Ce qui leur permet également de l’aimer et de tenir la grossesse jusqu’à terme. Plus d’une centaine de victimes ont réussi le retour en famille après un séjour d’hébergement dans la maison d’accueil Maison Rose Dar Es Salam.

D’après Khady Badio, éducatrice spécialisée, non moins coordonnatrice de la Maison Rose Dar Es Salam, la prise en charge des enfants victimes de maltraitances n’est pas chose aisée. «Ce sont des filles qui sont psychologiquement atteintes car elles sont victimes de toutes sortes de maltraitances.

Sur le plan émotionnel et affectif, elles ont des problèmes. C’est ça le plus difficile à gérer, car il n’y a pas la famille derrière, surtout les femmes qu’on accompagne. Parce que les parents sont séparés et cela les suit jusqu’à l’adolescence. Elles sont souvent victimes de grossesses non désirées et de violences conjugales », indique la coordonnatrice des activités de la maison d’accueil.L’association « Unis Vers ‘Elle » dispose aussi d’un centre d’accueil l’espace « Yaakaaru Guneyi » (l’espoir des enfants en Wolof) implanté non loin de la maison d’accueil Dar As Salam pour répondre d’une façon efficace à toutes les demandes concernant la protection holistique des enfants en situation de vulnérabilité et particulièrement des enfants en danger, victimes ou en conflits avec la loi. Ce centre effectue la mise à l’abri et la prise en charge d’urgence des enfants perdus, d’enfants en fugue et d’enfants errants.
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