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Panorama par Mame Talla Diaw: Faut-il brûler l’arène ?
Publié le mercredi 8 avril 2015  |  Enquête Plus
Lutte
© aDakar.com par DR
Lutte Sénégalaise: Eumeu Sène a dominé Balla Gaye 2




Dimanche 5 avril. Le pays est suspendu au combat au sommet entre Balla Gaye II et Eumeu Sène. Dans les médias, le discours, la veille de la fête nationale, du chef de l’Etat, malgré sa qualité, est noyé dans la passion qui entoure le combat. Le verdict est connu : c’est Eumeu Sène qui a terrassé Balla Gaye II après l’avoir roué de coups. Mais ces coups de poing et ce sang qui a coulé ont aussi atteint et fait mal à la société sénégalaise. Ces uppercuts ont touché et fait mal au corps social tout entier. Mais là où le bât blesse, c’est vraiment quand le vainqueur en l’occurrence Eumeu Sène accuse l’autre camp d’avoir profané la tombe de sa mère à des fins mystiques. On dénature notre vrai héritage culturel. La lutte : c'est notre sport national.

Le langage dans l’arène est un vrai danger pour la société sénégalaise. Profanation d’une tombe. Amulettes, gris-gris de toutes sortes, libations, des saletés, des pigeons blancs qui crèvent en se débattant au milieu de Demba Diop, dans un environnement digne des savanes ancestrales, devant les caméras du monde entier. C’est en tout l’image que notre pays a ‘’vendue’’ au monde ce jour-là. Le langage dans l’arène est négatif par son essence même car il impose un environnement contraire au progrès et à l’essor économique. C’est le contraire qui aurait dû se produire. On veut nous faire entrer dans les ténèbres.

Les images sont fortes. Balla Gaye II porte quatre fois plus de gris-gris que son inoubliable père, Double Less. Les anciennes gloires étaient visibles, et à travers leurs prestations, le sportif se découvrait et était avant tout des muscles qui s’exprimaient. On les voyait, les Mbaye Guèye, Pape Kane, et autres Mame Gorgui Ndiaye. On ne voit plus nos lutteurs actuels. L’esprit du sport même s’en trouve atteint car il est relégué au second plan. Le surnaturel a pris la première place. Ce n’est pas bon pour le pays. C’est contraire au progrès. Cette tendance est dangereuse quand elle minimise le culte de l’effort, de la réflexion, de la recherche de la performance et le travail pour progresser dans la vie. On est quand même en 2015 !

C’est un environnement nauséabond, comme sans doute leurs philtres et autres décoctions, dont ils s’enduisent devant les caméras du monde entier, devant nos enfants. Certains vont naturellement gloser sur le fait que ‘’ce sont les réalités de la société sénégalaise’’, bavant, comme le chien de Pavlov, devant le miroir du confort sociologique que leur apporte cet affaissement de nos vraies valeurs. Nos anciens, ceux qui ont pratiqué nos relations traditionnelles et entretenu leur sacré par des rites solennels, ne pratiquaient pas de la sorte.

Le mystique était caché. Maintenant, c’est tout simplement du marketing. On l’expose. On le vend. Il est ostentatoire et écrase tout sur son passage. Les médias refusent de poser le débat, jouent le jeu car ça rapporte. Selbé Ndome, une voyante en perte de vitesse et de crédibilité, devient ‘’un fait de vente » comme on dit dans le jargon des journalistes. Dans les maisons, on parle plus d’elle que de la situation de l’école ou même du prix du riz.

L’obscurantisme a atteint des proportions inquiétantes. Mais que faire ? Si c’est la lutte qui est exposée, tous les segments de la société sont touchés. Dans les entreprises, les familles, ne parlons pas des syndicats et autres partis politiques, dans le football, partout, la conviction que ce sont les pratiques mystiques qui vont (dé) faire les destins a emprisonné l’esprit des Sénégalais, l’écrasante majorité d’entre nous. Et pourtant, à l’issue de chaque combat de lutte, un marabout mord la poussière au même titre que son poulain défait. Ce qui n’empêche pas le lutteur de recourir à nouveau aux services d’un charlatan. Oubliant du coup que la lutte est avant tout un sport de combat et d’endurance. C’est dire que dans la victoire, le physique y occupe une place de premier choix.

Certains acteurs, et non des moindres comme le président du Cng, le Dr Alioune Sarr lui-même, ont posé la question sous l’angle de la législation. Faut-il légiférer ? La question se pose car nul ne pourra interdire à quelqu’un de croire et de pratiquer le fait mystique africain. C’est son exposition qui est inacceptable. C’est l’élargissement de ses tentacules, comme une pieuvre, qui accroît l’étouffement de la société sénégalaise, qui est insoutenable. Ce sont de mauvais modèles. Vous allez parler de Sénégal émergent à ces gens là ?
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