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Sud Quotidien N° 6225 du 28/1/2014

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Victimes de 31 ans de conflit, les femmes brise la glace: Le visage horrible du drame casamançais
Publié le mardi 28 janvier 2014   |  Sud Quotidien


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Avec ses 24 pages, le livret pour la paix intitulé : «Paroles de femmes » : au cœur du conflit en Casamance, se veut un signal fort pour informer sur le drame intérieur que vivent les femmes de la région méridionale du Sénégal du fait d’un conflit trentenaire. Ce livret qui porte la signature de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance(Pfpc), grâce à l’appui de l’Ong USIFORAL, est un recueil de témoignages poignants des victimes du conflit casamançais. Souvent l’on a l’habitude d’oublier la femme dans cette crise et ce livret lève un coin du voile sur un conflit qui a laissé grandement ouverts des blessures et des traumatismes au niveau de la gent féminine. « Paroles de femmes » a été présenté le vendredi dernier au Cices, à l’occasion du symposium sur : «Les rôles des femmes dans le conflit et la paix en Casamance».

«Paroles de femmes » : au cœur du conflit en Casamance, est un livret pour la paix élaboré par la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance(Pfpc) avec l’appui de l’Ong USIFORAL, présenté à l’occasion du symposium tenu au Cices le vendredi dernier.

La coordinatrice de la Pfpc, Mme Ndèye Marie Thiam, explique dans le préambule de ce livret de 24 pages, qu’il s’agit d’un recueil de témoignages de femmes victimes du conflit armé qui secoue la Casamance depuis plus de trois décennies. «Ce document rapporte le vécu poignant de femmes ayant connu la violence sous ses aspects les plus terrifiants et dégradants.
A travers ces témoignages, des femmes s’épanchent sur les blessures et traumatismes ressentis dans leur cœur et leur chair ». Ces tranches de vie tragiques conduisent, dit-elle, le lecteur à une prise de conscience de la situation en Casamance.

« Paroles de femmes », ce sont ces mères de familles pleurant leurs enfants, ces veuves qui ne verront plus leurs conjoints, ces femmes « se retrouvant brutalement sans ressources, vivant dans le dénouement le plus total et victimes de sévices sexuels, prisonnières de leur honte ». Celui ou celle qui lira attentivement ce livret, découvrira entre les lignes que la souffrance au féminin revêt plusieurs visages : «les graves séquelles physiques et psychologiques de toutes les vicissitudes vécues se traduisent par des pathologies diverses telles que les infections sexuellement transmissibles, les handicaps, les troubles de la personnalité inhérents aux stress», dira Mme Ndèye Marie Thiam.
Sud a sélectionné pour vous quelques témoignages

Témoignage d’une ancienne combattante du Mfdc

« J’ai beaucoup de choses dont je ne suis pas particulièrement fière aujourd’hui, tout cela à cause des souffrances que j’ai infligées aux miens. C’est ma souffrance et celle des miens qui m’ont conduite à rejoindre « ATIKA », la branche armée du Mfdc. Vous avez entendu parler de l’histoire de la grande et ravissante jeune fille qui arrêtait les convois sur la route du sud, cette fille, c’était moi (…) On parle toujours des souffrances que les combattants du Mfdc ont infligé aux autres, mais on ne parle jamais de celles des familles de rebelles qui ne sont en rien responsables (…) En tant que femme j’ai vécu certaines choses que je ne pourrai jamais raconter. J’ai dû subir une opération à cause d’un gotre, une maladie que je pense causée par le stress et la malnutrition »

Témoignage de JB

« (…) Les maquisards étaient de retour (dans notre village) exigeant qu’on leur indique l’endroit où étaient parqués nos troupeaux. Les hommes ayant fui à nouveau, ils braquèrent leurs armes sur nous et nous obligèrent à les conduire jusqu’à nos bêtes dont ils s’emparèrent. Depuis lors, nous sommes pauvres, c’est au cours de cette attaque qu’ils ont disparu amenant avec eux ma fille aînée. A son retour, elle nous informa qu’ils l’avaient abandonné dans un lieu inconnu et qu’ils l’avaient violée. C’est un vieil homme qui l’avait hébergée durant la nuit. Elle est revenue complètement traumatisée, sursautant au moindre bruit. Jusqu’à présent j’ignore ce qu’ils lui ont fait subir ce jour-là. Elle a toujours refusé d’en parler, elle est partie depuis se réfugier en Gambie. La même année, ils sont revenus pendant la nuit de Noël et ont violé des femmes enceintes. L’une d’entre elles a été conduite d’urgence à l’hôpital régional de Ziguinchor ».

Témoignage de AD

« J’ai subi toutes sortes de vicissitudes. Un jour (…) mon mari a été capturé et ligoté à un arbre, la tête au-dessus d’un feu pour le faire parler. Il était entre le marteau et l’enclume, puisqu’en tant que conseiller rural les maquisards le considéraient comme un suppôt de l’Etat. On l’avait mis à mal avec les militaires qui l’ont torturé. Après cela, il s’est résigné à abandonner sa famille et à aller s’installer à Ziguinchor. Par la suite, les maquisards sont venus tout piller. Il ne nous restait plus que nos vêtements. Ce sont mes enfants qui ont porté le butin de leur razzia jusqu’à leur champ.
Un jour, les maquisards nous ont trouvé dans notre champ et ont menacé de nous tuer tout simplement parce que mon fils portait une casquette militaire (…) »

Témoignage anonyme

« (…) Quelques temps plus tard, le même homme revint nous sommer de quitter notre maison comme étaient en train de le faire tous les habitants du village. Je ne pouvais pas partir avec mes jumeaux, je devais m’échapper qu’avec un seul d’entre eux car mes forces me manquaient pour les porter tous les deux. Je me trouvais face à un choix particulièrement odieux pour une mère : choisir de partir avec Assane ou Ousseynou. Ne pouvant me résoudre à abandonner l’un d’entre eux, je décidais de m’enfermer avec eux dans ma chambre. Peu après, j’ai entendu des balles crépiter tout en sachant que c’était les rebelles. Ma tante revint finalement pour prendre l’un des enfants et nous pûmes nous enfuir (…)

L’homme qui était à la source de nos malheurs est encore revenu, cette fois pour me harceler sexuellement, j’ai tenu bon et repoussé ses avances, il s’en est alors pris à mes poteries qu’il a brisées. Ce n’est que bien des années plus tard qu’il est revenu me présenter ses excuses, m’expliquant qu’il regrettait tout ce qu’il m’avait fait »

Témoignage d’une Prêtresse du bois sacré

« (…) Un jour, on a encerclé ma maison, des hommes sont venus me soulever de mon lit et m’ont jeté dans la cour comme un baluchon, la cour était pleine de monde. Je leur ai alors demandé ce que j’avais fait, sans me répondre ils m’ont sauvagement battue puis se sont mis à me poser des questions tout en me reprochant de les avoir insultés. Ensuite, ils me révélèrent qu’ils étaient des combattants de Diamacoune et qu’ils tenaient leurs informations d’une femme qui m’avait dénoncée. Pendant que je parlais avec mes assaillants, l’un deux s’impatienta et leur ordonna de faire leur travail. Ils me soulevèrent à bout de bras et me jetèrent brutalement à terre. Ils m’apprirent qu’ils s’étaient spécialement réunis pour statuer sur mon cas, car ils savaient que j’avais fait des sacrifices au bois sacré afin de faire échouer mystiquement leurs actions. Après cela, ils se livrèrent à un simulacre d’égorgement sur moi. Dieu merci, aucun d’eux n’avait de couteau sur lui (…)
Tout cela ne nous empêche d’aller jusqu’à présent dans la forêt pour prier la paix car nos enfants sont dans les deux camps qui s’affrontent (…) »

Témoignage de SD

« Mon village était fréquenté par les mareyeurs et les pêcheurs de crevettes et les gros poissons abondaient dans l’eau. Les incursions régulières d’éléments armés ont fini par le dépeupler. A cause de cette situation, dès l’aube, les hommes prenaient leurs pirogues et se fondaient dans la nature laissant les femmes (surtout les plus jeunes) à la merci des maquisards qui les violaient. J’ai été moi-même plusieurs fois violée. Beaucoup de sang a coulé aussi à cause des meurtres. Selon notre tradition celui qui voit du sang versé doit se purifier, car le sang répandu peut aussi ôter à la terre toute sa fertilité »

Témoignage anonyme

« (…) Ma mère et les enfants de ma sœur tentèrent de sauver quelques vêtements, mais les hommes armés les ont repris et les ont jetés dans les flammes.

Ma mère a couru s’installer près de mon frère tombé sous les balles, c’est à ce moment précis que nous avons entendu le coup de feu qui a tué mon cousin pris en otage. Cette nuit a été longue , l’intervention militaire a eu lieu à l’aube. Le dernier sur qui on a tiré, a pu être sauvé , les militaires sont intervenus rapidement et ont organisé son évacuation sur Dakar.
Dans une telle situation, je ne travaille pas, ma maman atteint un âge avancé et je suis son aînée, c’est très dur. Le lendemain, après avoir enterré nos quatre morts, nous avons décidé d’aller nous installer à Ziguinchor. Notre séjour à Ziguinchor n’a duré qu’une semaine, il nous fallait trouver un logement, payer le loyer, nous nourrir. Nous avons dû retourner vivre au village. Quand le sang a été versé, il y a certains rituels à accomplir. Malheureusement nous n’avons jamais été en mesure financièrement de faire les rituels nécessaires ».

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