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Le Soleil N° 13101 du 27/1/2014

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Seydou Nourou SY, directeur Général de la BNDE : « La priorité sera donnée aux secteurs stratégiques comme l’agriculture »
Publié le mardi 28 janvier 2014   |  Le Soleil


Le
© Autre presse par DR
Le DG de la BNDE, M. Thierno Seydou Nourou Sy (gauche) et le DG de SENEGAL EXPORT (ASEPEX), Dr Malick Diop (droite)


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La Banque nationale de développement économique (Bnde) démarre ses activités aujourd’hui. Dans cet entretien, son directeur général, Thierno Seydou Nourou Sy, indique que l’institution financière se veut une banque de rupture aussi bien dans la démarche, dans l’approche, que dans l’accompagnement de l’économie sénégalaise. Pour ce faire, il a indiqué que la priorité sera donnée aux secteurs stratégiques comme l’agriculture, la pêche, l’artisanat, l’industrie extractive et de transformation, l’énergie, le textile, le tourisme, la culture, etc. Reçu avec quelques membres de son staff par le directeur général, Cheikh Thiam, et le rédacteur en chef central, Daouda Mané, M. Sy s’est prêté volontiers aux questions des journalistes de la rédaction du « Soleil ».

M. Sy, où en êtes-vous avec les préparatifs du démarrage de la Banque nationale de développement économique (Bnde) ?
Nous avons entamé un défi. Nous sommes presque à la fin de notre parcours qui a commencé en 2012 pour certains et avant pour d’autres. Aujourd’hui, nous sommes prêts à ouvrir cette banque tant attendue par les Sénégalais. Je porte ce challenge avec le soutien des autorités sénégalaises qui ont fait de ce projet un programme national, mais aussi de nos collaborateurs. Le problème du système bancaire sénégalais, c’est le financement des secteurs stratégiques. Pendant des années, le Sénégal a misé sur certains secteurs mais, à l’heure du bilan, on s’est rendu compte que cela n’avait pas donné les résultats escomptés. L’économie n’est pas accompagnée sur toute l’étendue du Sénégal. Fort de cela, les autorités ont décidé de mettre sur pied cette banque pour pouvoir marquer la rupture dans la démarche et dans l’approche de l’accompagnement de l’économie. Aujourd’hui, nous sommes sûrs que nous pouvons apporter ces ruptures. L’attente des Sénégalais est forte ; ce qui nous met un peu la pression. Avec l’aide de Dieu et avec l’apport de tous les Sénégalais, nous y arriverons.
On ne peut pas développer un pays avec une économie détenue à presque 95 % par des institutions financières étrangères. Nous devons faire du financement inclusif, et cela nécessite une dose de patriotisme et de nationalisme.

En quoi la Bnde va être différente de la Banque nationale de développement du Sénégal (Bnds) et du Fonds de promotion économique (Fpe) ? Et quelles ruptures comptez-vous apporter pour que les financements inclusifs dont vous parlez puissent prospérer ?
Les Banques de développement économiques, notamment l’ex-Bnds, avaient été créées dans les années 1980 dans pratiquement tous les pays de la sous-région. Jusqu’en 1990, elles ont permis le développement économique que l’on a connu durant cette période. Ces banques avaient réellement soutenu les économies de nos pays en mettant en place des structures industrielles qui ont appuyé les filières de développement. A partir de 1990, il y a eu des déviations dans leur stratégie et fonctionnement, car elles ont malheureusement été réorientées vers des opérations qui n’étaient pas des opérations de développement. Cela est dû au fait que, durant ces années, il n’y avait pas une autorité de tutelle qui contrôlait les activités bancaires comme c’est le cas actuellement avec la Commission bancaire.
Il n’y avait pas de maîtrise et de contrainte réelle dans la gestion de ces banques qui, bien sûr, remontaient peu ou donnaient peu d’informations à l’institution bancaire, à savoir la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Il n’y avait pas non plus les exigences en matière de bonne gouvernance qui suppose la mise en place de systèmes de contrôle, de gestion des risques et de procédures dans les banques, ainsi que des organes de gouvernance comme le comité d’audit. C’est ce qui les avait conduites à faire des crédits irrécupérables ayant finalement plombé le système bancaire vers les années 1990.
Cependant, les temps ont changé. Aujourd’hui, nous avons la Banque centrale, la Commission bancaire, les dispositifs prudentiels, les règles prudentiels, la loi bancaire... Auparavant, ces dispositifs n’existaient pas ou n’étaient pas opérationnels. C’est après la crise de 1990 que la Bceao s’est réorganisée en mettant en place des organes de contrôle et des règles de fonctionnement qui permettent dorénavant aux banques de remonter toutes les activités qu’elles font et de pouvoir aussi alerter en cas de problèmes.

Et le Fonds de promotion économique ?
Le Fpe n’était pas une banque, c’était un fonds créé dans les années 1990 avec pour mission d’accompagner les Pme-Pmi, mais à travers le système bancaire. Il devait refinancer des banques qui acceptent de financer les Pme-Pmi, garantir les prêts accordés et renforcer les fonds propres des Pme-Pmi par des frais participatifs. De 1990 à 2000, le Fpe a pu effectivement financer des entreprises qui, aujourd’hui, sont devenues des sucess stories. Mais, à partir de 2000, il y a eu une déviation de l’activité du Fpe. Cela est dû à un facteur important : le taux de refinancement que le Fonds a utilisé pour financer les crédits aux Pme n’était plus compétitif sur la place, car il y a eu l’avènement du marché monétaire et de la bourse. Donc, les banques avaient d’autres sources de financement. Se retrouvant avec des ressources non utilisées, le Fpe a revu sa stratégie avec l’invite des politiques et a fait des financements directs ; ce qui n’était pas son rôle. Il n’était pas créé pour faire des financements directs. Il n’avait pas les structures internes pour cela. Ainsi, des activités non bancaires ont été financées. Cela a valu aujourd’hui au Fpe un niveau de créances douteuses très élevé que nous avons assaini et provisionné lorsque nous sommes arrivés en 2012. La majeure partie des lignes a été utilisée pour financer des projets non rentables, certaines mutuelles non visibles, non reconnues. Nous sommes en train de les recouvrer. L’ensemble de ces créances ont été assainies et provisionnées. La Bnde va démarrer sur la base d’une situation saine qui lui permettra d’amorcer son développement. Nous avons mis à la Bnde des outils de gouvernance qui sont rattachés directement au conseil d’administration qui en pilote trois : le comité d’audit, le comité supérieur de crédit et le comité des ressources humaines. En interne, nous avons également mis en place ce qu’on appelle dans le jargon bancaire « la règle des quatre yeux ». On ne donne plus à une seule personne le pouvoir de faire des crédits. Ce dernier est décidé par un comité au pouvoir limité. Au-delà d’un certain niveau, c’est le comité du conseil d’administration qui va décider. Par exemple, si les crédits demandés émanent d’hommes politiques ou d’hommes religieux, c’est le comité de crédit du conseil d’administration qui va statuer. Le conseil d’administration est pluriel, puisque l’Etat et le privé y sont représentés. C’est un partenariat public-privé. Je ne pense pas que l’Etat et le privé tomberaient dans les mêmes travers que nous avons connus au début des années 1990.

Comment est configuré le capital de la Bnde ?
La configuration du capital est un élément qui, au début, constituait un blocage pour l’obtention de l’agrément bancaire. La Bceao avait émis quatre réserves, dont la composition de l’actionnariat et la gouvernance. C’est pourquoi je félicite les autorités pour avoir choisi un président de conseil d’administration (Théophile Turpin, Ndlr) qui a une expérience bancaire de renommée nationale et une crédibilité qui permet à la Bnde de pouvoir taper à toutes les portes. Le troisième point de blocage était en rapport à l’absence de cohérence du business-plan qui avait été soumis à la Bceao avant l’arrivée de la nouvelle équipe. Et le quatrième concernait l’assistance technique. On ne peut pas mettre une banque sur pied sans une bonne assistance technique, même si on est expert dans le domaine. La Bceao exige qu’on soit accompagnée par des banques au départ afin d’éviter certains risques opérationnels. Maintenant, en ce qui concerne la géographie du capital, il faut dire que l’Etat détenait en direct 62,5 % des parts en 2012 et 20 % en indirect avec l’Ipres et la Caisse de sécurité sociale qui détenaient chacun 10 %. Ce qui faisait au total 82,5 % pour l’Etat et ses démembrements. Depuis la crise de 1990, les pays de l’Uemoa se sont engagés auprès de la Banque centrale pour ne pas détenir plus de 25 % du capital des banques. Suite à l’injonction de la Bceao, l’Etat du Sénégal a fait appel au privé. Il a été obligé d’élargir le capital, de privatiser la Bnde. C’est une phase très importante qui a nécessité le déroulement de la loi 87-23 du 18 août 1987 sur la privatisation des entreprises publiques. Le gouvernement a tenu à faire en sorte que cette privatisation se fasse dans la plus grande transparence. C’est ainsi qu’une commission présidée par le secrétaire général du ministère de l’Economie et des Finances et regroupant toutes les structures concernées a été mise en place. C’est elle qui a défini les termes qui devaient permettre à l’Etat de céder 37,5 %, pour qu’il puisse revenir à un niveau de 25 %. Un appel d’offres a été ainsi lancé dans les journaux et des Sénégalais ont accepté de participer. Tous ceux qui ont répondu à cet appel ont été retenus sur la base de leur engagement d’abord, de leur notoriété ensuite. Ils sont au nombre de sept, dont un a été retenu comme partenaire financier de référence. Un partenaire financier de référence, c’est quelqu’un qui, lorsque la banque, demain, on ne le souhaite pas, rencontre des problèmes, est capable de renflouer le capital. Ce partenaire financier retenu par l’Etat, c’est le groupe de Yérim Sow. Derrière, il y a d’autres partenaires de qualité comme Ameth Amar du groupe Nma, Babacar Ngom de Sedima, le groupe Axa/Sénégal (5,4 %), le groupe Sedap qui s’investit dans la distribution d’engrais (2 %). En plus de ceux-là, nous avons des particuliers, c’est le cas de Mamadou Racine Sy, et des institutions, à savoir la Boad (9 %), l’Ipres, la Caisse de sécurité sociale. C’est sur la base de cet actionnariat que la Bceao a donné un agrément à la Bnde. Nous avons un modèle de partenariat public-privé où l’Etat a décidé de céder une partie de ses actions, mais à condition que la vision stratégique de la Bnde soit maintenue. Et tous les actionnaires ont accepté cette clause.

Quel est le montant du capital ?
Le capital de la Bnde était au départ, en 2010, de 6 milliards de FCfa. Aujourd’hui, nous en sommes à 11 milliards de FCfa avec des fonds propres qui se situent à 27 milliards de FCfa.

Avec ce niveau de fonds propres, pensez-vous pouvoir répondre aux besoins des Pme qui frappent déjà aux portes du Bureau de mise à niveau ?
En matière bancaire, il y a l’effet de levier qui permet de démarrer avec un fonds propre minimum, actuellement fixé par la Bceao à 5 milliards, qui va d’ailleurs évoluer bientôt à 10 milliards. Ces fonds propres doivent être bien utilisés pour assurer un bon retour des crédits octroyés à la clientèle. En outre, les demandes de crédit ne se font pas souvent en un seul moment, mais sur le temps. Aussi, nous n’avons pas l’intention de développer nos activités uniquement sur nos fonds propres. Notre rôle, c’est aussi de collecter de la ressource auprès des entreprises sénégalaises qui auront confiance en la Bnde, d’institutions de développement, etc. Au-delà de cela, nous chercherons des refinancements auprès des bailleurs de fonds internationaux. Nous avons déjà commencé à travailler avec la Boad et comptons déposer une demande de refinancement de l’ordre de 4 milliards de FCfa d’ici à la fin du mois de juin pour pouvoir adosser les crédits à moyen terme à ce refinancement-là. Nous cherchons aussi des refinancements sur des activités précises. Actuellement, nous sommes en train de finaliser une convention avec Eximbank Inde pour pouvoir prendre en charge le financement des matériels agricoles. Nous attendons ce financement pour très bientôt, parce que le dossier a été initié depuis très longtemps. Les fonds propres ne suffiront pas pour faire face à cet immense besoin de financement des Pme/ Pmi sénégalaises, mais nous allons chercher d’autres ressources avec l’aide de l’Etat et du partenaire financier. Il faut savoir que la Bnde est un vecteur d’émulation du secteur financier bancaire sénégalais. Si Dieu nous aide à réaliser nos objectifs et que les autres banques voient que finalement il n’y a pas de risques à financer tel ou tel secteur, en ce moment-là, c’est le besoin global du financement de l’économie qui va y gagner. Nous allons être un moteur pour les autres banques tout en continuant de chercher des moyens pour financer les activités de la Bnde.

Récemment, au Bureau de mise à niveau, il a été dit que les secteurs comme l’agriculture, la pêche…, n’occupent que 3 % des activités bancaires. Ne pensez-vous pas que la Bnde doit cibler ces secteurs, surtout l’agriculture où l’Etat compte créer plus de 300.000 emplois ?
L’agriculture ou l’agrobusiness fait partie des secteurs stratégiques dans lesquels nous allons nous positionner. Le financement que nous cherchons aujourd’hui auprès d’Eximbank Inde est dédié d’abord à la culture du riz dans la vallée. Notre rôle, c’est de favoriser le développement des filières comme le riz et l’arachide. Il y a aussi la filière banane et d’autres que nous allons essayer de booster. Donc, nous sommes appelés à sortir des sentiers battus en termes de financement de l’activité agricole. Nous n’allons pas chercher à financer uniquement un produit, mais nous voulons financer un secteur avec l’approche chaîne de valeurs. Ce faisant, nous avons mis en place des produits qui nous permettent de financer le producteur, le transformateur et le distributeur. Nous avons des mécanismes qui consistent à garantir l’objet du financement. Nous avons retenu de mettre en place des systèmes d’effets commerciaux qui nous permettent de pouvoir tirer sur le distributeur qui, derrière, va pouvoir acquérir les produits agricoles. Nous n’attendons que le démarrage pour le mettre en œuvre. Aujourd’hui, nous avons identifié tous les acteurs qui sont dans la filière riz. Et nous allons mettre en place un financement sur la chaîne des valeurs. Ces mesures sont valables pour tous les produits agricoles que nous allons financer.

Quelle touche particulière comptez-vous apporter dans le financement des petites et moyennes entreprises pour résoudre le problème récurrent d’accès aux financements ?
Nous avons conscience que nous sommes attendus sur ce terrain. Notre approche est simple. La difficulté d’accès aux financements des Pme s’explique par trois facteurs : l’absence de garantie, la structuration des Pme-Pmi et les taux d’intérêts. Le taux d’intérêt est le troisième facteur de blocage à l’accès au financement bancaire. Mais, c’est surtout la garantie qui constitue le plus important des contraintes. Si nous arrivons à trouver une solution à cette contrainte, les Pme pourront accéder au financement et travailler tranquillement pour honorer leurs engagements. Ces trois éléments vont constituer notre stratégie pour pouvoir faciliter l’accès aux financements. D’abord, en ce qui concerne la structuration des Pme, nous ne disposons pas encore d’une expertise sectorielle qui nous permet de pouvoir comprendre les secteurs d’activités et les Pme. Nous n’avons pas l’organisation qu’il faut, parce que nous sommes des banquiers. Nous ne faisons que recevoir des dossiers et les étudier. De ce fait, nous nous appuyons sur des structures qui existent déjà. Mais l’Etat du Sénégal a mis en place un dispositif d’accompagnement des Pme qu’on ne trouve pas dans les autres pays de l’Uemoa. D’ailleurs, ces derniers viennent copier nos mécanismes et les mettent en place chez eux. Nous avons également des structures d’accompagnement, telles que l’Adepme, le Bureau de mise à niveau. Nous en avons aussi d’autres qui interviennent de manière sectorielle. L’Agence nationale d'insertion et de développement agricole (Anida), l’Agence pour la promotion et le développement de l'artisanat (Apda), l’Agence sénégalaise de promotion des exportations (Asepex)..., en font partie.
Nous allons nous appuyer sur ces structures pour régler le problème de la structuration. Aujourd’hui, avec l’Adepme, nous avons plusieurs projets qui sont déjà à notre disposition. Maintenant, nous pouvons intervenir sur ces projets en termes d’offres d’accompagnement. Ils sont aujourd’hui évalués à 12 milliards de FCfa. En termes d’organisation, de compétitivité et de productivité, nous nous appuyons sur le Bureau de mise à niveau. Lorsqu’il s’agira d’accompagner des acteurs économiques qui sont dans des secteurs particuliers comme l’agriculture, l’Anida nous aidera. L’Asepex nous permettra, elle, d’organiser et de structurer les entreprises qui évoluent dans l’exportation. Pour ces entreprises, il s’agit de les accompagner en financement, en vue de leur permettre d’exploiter et d’exporter leur produit. Avec l’Apda, nous allons toucher ce domaine qui est un secteur à fort potentiel mais malheureusement pas bien accompagné. En dehors des structures d’appui, nous avons aussi retenu de ne pas exclure une frange d’acteurs économiques constituée de micro-entreprises. Quand une entreprise non structurée nous saisit sur un projet rentable, nous allons la renvoyer à l’Adepme. Nous nous sommes donné des délais de traitement pour qu’elles nous reviennent avec une structuration plus banquable. Notre approche peut être qualifiée de chaînes de valeurs financières. Nous avons des structures qui permettent à l’entreprise d’être bancable. Ce qui leur manquait, c’est une banque qui pouvait les accompagner. S’agissant de la garantie, l’Etat à mis en place le Fongip qui va garantir jusqu’à 70 % les crédits accordés aux Pme-Pmi. Cette garantie ne veut pas dire que l’argent sera jeté par la fenêtre. La banque va faire une étude pour voir si le projet est bancable, s’il est rentable, si le promoteur a les capacités pour gérer son projet, s’il est dans un secteur stratégique qui crée des emplois…. C’est après cela que nous allons saisir le Fongip qui va garantir le crédit. Cette garantie pourrait être complétée avec d’autres fonds de garantie comme le Fonds de solidarité africain (Fsa) qui nous accompagne jusqu’à 500 millions de FCfa. Nous sommes aussi en train de finaliser avec le Fagace et le fonds Gari. Ces fonds de l’Uemoa vont nous accompagner dans l’atténuation des risques.
Cela dit, il faut retenir que l’objet financé constitue la première garantie bancaire. Si nous finançons un distributeur ou un producteur et que nous avons la possibilité de saisir l’objet financé et de lui laisser le soin de vendre et de capter les recettes, c’est la garantie la plus sûre. D’autant plus que les objets qui seront financés peuvent être vendus à des tiers si le débiteur ne paie pas. L’autre garantie qui est aussi importante, c’est la connaissance du client et du type d’activité. Le risque se calcule sur le produit et le secteur. On met aussi en jeu le risque de contrepartie et de marché. D’ailleurs, c’est en raison de la baisse du risque que nous jouons sur le taux d’intérêt. Nous avons annoncé un taux d’intérêt de 7 %, mais nous pouvons même faire moins si nous avons des ressources concessionnelles qui nous permettent d’adosser le financement de ces Pme-Pmi. Nous n’allons pas financer le client et le laisser tout seul avec son financement. Nous allons le coacher, l’accompagner, chercher des moyens de résoudre ses problèmes et avancer avec lui. Si nous le lâchons, cela risque de plomber notre rentabilité. Nous avons mis en place un système de suivi des engagements internes et externes. Les structures d’appui non financières vont également nous accompagner dans le suivi des engagements. Voilà ce que nous pouvons apporter de nouveau dans le système bancaire. Nous voulons adopter une démarche inclusive qui ne s’arrêtera pas sur des niches, mais va intégrer tous les secteurs d’activités stratégiques pour permettre au Sénégal de pouvoir connaître une croissance économique viable et pérenne, et de développer des emplois. Ce sont les Pme qui développent les emplois, pas l’Etat. Accompagner les Pme, c’est favoriser la création d’emplois. Nous allons financer la création d’entreprises. Aujourd’hui, le grand problème, c’est les nouveaux projets. Nous allons aussi financer la restructuration d’entreprises. Il y a beaucoup de filières qui sont laissées en difficulté, parce que les entreprises qui s’y activent ne sont pas fonctionnelles. Il faut les faire revivre. Les clients, les Pme sénégalaises, les promoteurs doivent venir à la Bnde avec de la bonne foi. Ils doivent savoir que c’est leur banque et y venir avec un esprit sain pour nous permettre de pouvoir les accompagner. C’est un appel que je lance, parce que, généralement, lorsqu’une banque ouvre, on voit tout. Je dis à ceux qui veulent avoir un financement pour faire autre chose que ce n’est pas nécessaire de venir. Nous allons mettre un filtre pour que les financements soient bien utilisés et que les projets soient bancables.

Allez-vous ouvrir des succursales dans les régions ?
Nous avons retenu de nous implanter dans toutes les régions du Sénégal, mais de manière progressive. Nous avons d’ailleurs un plan de déploiement qui n’est pas fixe. Lorsque des opportunités de développement sont identifiées dans certaines régions, nous nous y rendrons rapidement. L’objectif en 2014, c’est d’abord être au nord, au sud et au centre en même temps. C'est-à-dire être à Saint- Louis, à Thiès et à Ziguinchor. Et au fur et à mesure, nous allons nous implanter dans les autres régions. Au-delà des Pme-Pmi, nous allons essayer de voir comment nous pouvons accompagner le développement des localités en créant des structures qui leur permettront de se développer, et aussi voir comment les accompagner dans leur développement.

Quels sont les secteurs d’activités qui présentent le moins de risques ?
C’est le secteur marchand. Le secteur agricole est aujourd’hui à risque. Mais nous, nous allons innover avec l’approche chaînes des valeurs qui nous permettra de juguler ces risques. L’agriculture est un secteur risqué, mais cela ne veut pas dire qu’il faut le délaisser. Les Pme agricoles doivent être organisées. Il faut aussi un accompagnement de l’Etat dans l’aménagement de terres et la vulgarisation de certains produits pour permettre à ce secteur d’être compétitif. Les secteurs industriels et ceux des services présentent moins de risques.

Avez-vous été saisi pour des projets de petites industries de transformation de produits agricoles ?
Nous avons beaucoup de microsociétés de transformation. Nous avons aussi l’intention d’accompagner les privés dans la mise en place de micro-industries dans le centre industriel de Diamniadio qui sera créé par l’Etat. Nous avons décidé, avec une société qui s’appelle « 5 k projets » 5.000 projets de jeunes qui sont étudiés et appréciés par cette structure. Nous avons retenu de les accompagner dans la mise en place de micro-industries. Nous comptons y travailler dès notre ouverture. Il y a déjà un travail qui est fait avec l’Inde et la Turquie pour mettre en place des micro-industries peu coûteuses. Avec un financement de 10 millions de FCfa, on peut créer deux ou trois emplois... Nous avons travaillé avec la Banque africaine de développement (Bad) sur un fonds appelé Papej que nous comptons redéployer auprès de ces jeunes et de ces femmes. Il est destiné aux activités agricoles pour les jeunes et les femmes. L’Anida devrait aussi nous accompagner dans ce genre de projets.

Dans le processus de l’octroi du crédit, des problèmes se posent souvent, comme l’apport personnel et la fixation du taux de sortie. Comment comptez-vous surmonter ces difficultés ?
L’apport personnel constitue un frein que nous avons constaté dans l’accès aux financements, mais surtout pour les entreprises en création. Pour celles qui sont fonctionnelles, c’est moins important. Mais le fonds Papej, sur lequel Il a été retenu de préfinancer à 40 % les projets de création sous forme d’apport personnel, devrait être opérationnel en février au plus tard. Les 60 % qui restent pourront être pris en charge par la banque avec une garantie du Fongip. Donc, la problématique de l’apport personnel est en train d’être résolue. Dans l’exemple de « 5 K projets » que nous allons mettre en place avec des promoteurs sénégalais, ces derniers vont donner 20 % d’apport personnel aux jeunes entrepreneurs du pays qui veulent créer des entreprises. La Bnde se chargera de financer les 80 % avec une garantie du Fongip. Si nous ne recevons pas d’apport, nous allons faire néanmoins une étude inclusive du dossier pour voir la viabilité du projet et sa rentabilité. Sur cette base, nous essayerons de nous couvrir au niveau du Fongip. La banque a une dose de risque à prendre. Le suivi des engagements permet de l’atténuer. Nous ne pouvons pas financer et laisser le promoteur en rade. Il faut le suivre et l’accompagner.
S’agissant du taux de sortie, il dépend du taux de la ressource. Actuellement, nous sommes capables d’accompagner les structures sur des taux de sortie compétitifs. Nous avons retenu de proposer des commissions ou des produits qui sont en deçà de la pratique du marché. Nous nous sommes penchés sur des conditions normales de la banque qui nous permettent de maintenir notre capacité de développement, mais aussi d’être compétitifs sur le marché. En termes de conditions de banque, nous allons être compétitifs par rapport aux autres institutions financières. Les taux que nous aurons seront en deçà du taux bancaire actuel qui tourne autour de 8 %.

Est-ce que la Bnde, dans l’avenir, compte se lancer sur le marché monétaire et celui des titres pour la mobilisation de ressources financières ?
Nous avons décidé, dans le cadre de l’accompagnement du développement du Sénégal, d’investir sur les titres du trésor et les emprunts obligataires de l’Etat. Ces derniers étant des instruments du marché monétaire, ils nous permettront certainement d’avoir des placements que nous pourrons utiliser au niveau dudit marché. Nous irons sur ce marché non pas pour rechercher de la ressource tout le temps, mais pour faire des placements également. Il nous permettra aussi de prêter à d’autres banques locales qui interviennent dans les secteurs stratégiques ; ce qui les aidera à combler des déficits de financement qu’elles rencontrent dans leurs activités de financement de secteurs stratégiques. Pour ce qui est du refinancement des titres sur le marché, nous allons y aller, parce que nous avons prévu de souscrire aux bons du trésor pour pouvoir assister l’Etat du Sénégal.

En dépit de la baisse du taux directeur de la Bceao, les taux d’intérêt appliqués par les banques commerciales ne suivent pas toujours. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
Il n’existe pas de liens entre le taux directeur de la Banque centrale et les taux appliqués par les banques commerciales. Dans les années 90, il y avait ce lien, parce que la banque était obligée de recourir à la Bceao pour refinancer ses crédits. Lorsqu’on mettait en place un crédit, il y avait un guichet de refinancement qui permettait de retrouver 90 % de la liquidité auprès de la Banque centrale afin de pouvoir continuer ses activités. Et sur la base de ce lien, la Bceao avait encadré le taux du crédit. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La Banque centrale n’intervient pas sur les crédits. Ce qui fait que le taux du crédit est déconnecté du taux de la Bceao, qui permet de réglementer le marché monétaire. Il faut que ce lien revienne. Tant qu’on ne le retrouve pas, il sera impossible d’avoir un impact de la baisse du taux directeur sur les taux de crédit des banques commerciales. Contrairement en Europe où lorsque le taux directeur baisse, les taux d’intérêt s’ensuivent.

Est-ce qu’il y a un montant plafond que vous allez fixer pour les prêts ?
Pour les prêts, nous avons deux niveaux. Le premier sera fixé par le comité de crédit interne. Il va de 0 à 300 millions de FCfa, et c’est pour les Pme et Pmi. Au-delà des 300 millions, c’est le conseil d’administration de la banque qui va accorder ce montant. Mais nous n’avons pas de limite dans l’accompagnement des Pme et Pmi. Notre limite se trouve dans la division des risques, un ratio que la Banque centrale a instauré. Elle est la première contrainte en termes de financement. Pour les institutions de microfinance, le conseil d’administration a fixé la limite à 250 millions de FCfa. Au-delà, le dossier est transféré au comité supérieur de crédit du conseil d’administration. Nous avons cherché à être large en termes d’intervention et à éviter la concentration sectorielle. Il faut éviter de concentrer les fonds propres de la banque sur un secteur ou une cible clientèle.

Qu’en est-il des taux de remboursement de la Bnde ?
Nous avons comme objectif d’avoir un taux de remboursement qui serait de l’ordre de 95 % avec un taux de dégradation du portefeuille d’au plus 5 %. Dans l’Uemoa, ce taux brut de dégradation du portefeuille se situait en 2011 autour de 15 % au niveau des banques. Nous pensons qu’avec un bon suivi des engagements internes et externes, une bonne analyse de crédit et l’appui des structures d’encadrement, telles que l’Adepme et le Bureau de mise à niveau, nous pourrons atteindre cet objectif.

Comment comptez-vous accompagner les microprojets dans la gestion quotidienne de leur comptabilité ?
Concernant les micro-entreprises, nous allons nous appuyer sur les centres de gestion agréée. Ces petites entreprises seront accompagnées. Nous allons leur exiger un minimum de documentation comptable pour pouvoir les apprécier. Et les centres de gestion agréée nous permettront d’avoir des états financiers conformes et exploitables.

En termes de partenariat pour mobiliser des fonds, est-ce que vous êtes entré, aujourd’hui, dans la sous-région pour négocier avec des structures qui ont de l’expérience dans ce domaine ?
S’agissant de la mobilisation des fonds, nous devons être accompagnés par deux partenaires techniques. L’un est le bras de l’assistance technique de la Banque de développement du Canada. Lorsqu’il a fallu chercher un partenaire, nous avons visité les pays qui avaient déjà développé le financement des Pme/Pmi selon un mode opératoire très original qui leur a permis de se développer et de créer un tissu économique pérenne. C’est par le contact de la Banque de développement du Canada que nous avons pu avoir un partenaire technique : Crédit international & Financier (Cif). Il nous accompagne dans la mise en œuvre de l’organisation des procédures. Nous avons également un autre partenaire technique qui se trouve en Afrique du Sud. Il s’agit de Industrial development corporation (Idc). C’est une institution financière dédiée au développement des Pme et Pmi. Au-delà de l’apport technique, il va nous donner la possibilité d’avoir des lignes de garantie. Nous avons également pris contact avec des bailleurs de fonds pour la mobilisation des ressources. Actuellement, nous avons des institutions qui disposent de ressources très importantes dédiées au financement des Pme et Pmi. C’est le cas notamment de la Caisse de dépôt et de consignation. En dehors de ces ressources, nous sommes en train de finaliser un partenariat avec un fonds de garantie qui se trouve en France et dont le rôle fondamental est de garantir le financement de la micro-entreprise, spécialement dans le secteur des Tics, de l’artisanat, de l’agriculture. Avec ce fonds, la Bnde pourra intervenir sur des sommes qui tournent autour de 30 millions de FCfa avec une garantie de 50 %. Enfin, le Fonsis nous permettra de régler le déficit de fonds propres notés dans les dossiers de financement des Pme/Pmi.

Propos recueillis par Elhadji Ibrahima THIAM, Abdou DIAW et Ndiol Maka SECK (Avec la Rédaction

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