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Seydi Ababacar Ndiaye (Secrétaire général du Saes): "Le recteur de l’Ucad n’est pas habilité à être recteur"
Publié le samedi 21 mars 2015  |  Enquête Plus
Ucad:
© aDakar.com par MBN
Ucad: Le SAES et les étudiants ont participé à une procession silencieuse à la mémoire de Bassirou Faye
Dakar, le 21 Août 2014- Une semaine après la mort de l`étudiant Bassirou Faye à l`université Cheikh Anta Diop de Dakar, le Syndicat Autonome de l`Enseignement Supérieur (SAES) a organisé une procession silencieuse à la mémoire du défunt étudiant. Ce Rassemblement a été l`occasion pour étudiants professeurs et syndicalistes de plaider pour une Université sans violence.




Le syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) a trouvé, depuis lundi, un accord avec le gouvernement. D’où la suspension de son mot d’ordre de grève. Dans cet entretien, le secrétaire général du Saes, Seydi Ababacar Ndiaye, revient sur les péripéties des négociations. Et tient à rappeler qu’il n’y a pas d’accord sur le volet relatif à la nomination du recteur.



Les enseignants du supérieur ont signé lundi un protocole d’accord avec le gouvernement. Qu’est-ce qui a vraiment pesé pour que le Saes paraphe cet accord ?

Il faut commencer d’abord par féliciter l’esprit d’ouverture du gouvernement qui a accepté de discuter d’une loi déjà votée. J’approuve quelque part le niveau élevé de la démocratie dans ce pays. C’est une expression réelle de notre démocratie. Ailleurs, personne ne peut imaginer ce genre de situation. Mais ce qui nous a emmenés à signer cet accord, quand on discute, chaque partie à des concessions qu’elle doit faire pour essayer de trouver des solutions.

Nous, nous n’avons jamais prétendu en temps qu’universitaire que la version que nous voulions était la meilleure. Nous pensions qu’elle était la meilleure mais nous n’avons jamais prétendu que c’était ça ou rien. C’est pour dire que le Saes est un syndicat responsable comme j’aime à le répéter. Nous ne demandons jamais des choses impossibles. Le Saes sait exactement ou s’arrêtent ses prérogatives. Mais il faut dire qu’il y a eu beaucoup d’implications et le plus déterminant était la présence des députés. Ce qui a fait qu’on a le triangle, gouvernement-parlement-enseignants chercheurs, parce qu’il ne faut pas oublier que nos amis du Sudes, section enseignement supérieur, étaient totalement en phase avec nous.

Dans cette loi cadre, la pomme de discorde était surtout la composition du conseil d’administration. Qu’est-ce qui va changer dans la nouvelle reconfiguration de ce conseil ?

Il faut dire aussi que quelque part, le ministre de l’Enseignement supérieur a joué sa partition dans ces négociations. Parce que, quand on a commencé à discuter en disant que c’est lui qui allait nommer les 10 membres externes, je l’ai écouté dire et redire que non, ce n’est pas lui qui nomme ; on va prendre l’avis des instances et surtout faire venir les parents d’élèves. Il a donné un ensemble de personnalités du monde socio-économique.

En quoi la présence de gens venant du privé vous dérangeait ?

Si vous prenez 10 membres qui viennent de l’entreprise, ce sont 10 privés qui viendront. Cela peut amener à changer complètement les missions de l’université pour les adapter au bon vouloir de ces privés. Or, l’ouverture de l’université dans le monde extérieur ne veut pas dire le monde strictement des entreprises. On a ouvert pour les parents d’élèves, les collectivités locales… Ce qui fait qu’après, on aura trois membres qui viennent réellement du monde des entreprises. D’autre part, les privés n’en sont pas au point où ils peuvent exiger la parité.

Quand on suit le raisonnement que le ministre lui-même donne, quand il dit : vous voulez élire le recteur alors que c’est l’Etat qui vous donne 90% des moyens ; on lui repose la même question. Puisque vous voulez mettre 50% du privé qui ne donne strictement rien alors que nous, par les ponctions de service, on donne quelque chose. A ma connaissance, les privés n’ont encore rien donné, excepté le Pca de l’université de Thiès qui donne pas mal de choses à cette institution. Mais dans nos universités, à l’Ucad particulièrement, il n’y a pas un seul franc venant du privé.

Donc aujourd’hui, vous êtes satisfaits de la composition actuelle du Conseil d’administration ?

Oui parce qu’il est bien équilibré. Si vous regardez, finalement, il y a 7 enseignants chercheurs de rang A et B. Ça fait à peu-près le 1/3 du collège. Ensuite, on a augmenté le nombre d’étudiants qui passe de 2 à 3, on n’a pas oublié le Pats (personnel administratif, technique et de services) qui passe également de 2 à 3. Finalement, on a les 7 enseignants chercheurs plus les 3 Pats et les 3 étudiants plus le recteur. Ce qui fait 14 qui sont du monde universitaire. C’est ça qui est une composition normale.

Dans cette loi cadre, y a t-il un point sur lequel les deux parties ne sont toujours pas tombées d’accord ?

Oui.

Lequel ?

C’est notamment sur l’élection du recteur. Dans le texte originel du 21 décembre 2011, il était question que les recteurs soient élus par les représentants des enseignants dans les différents organes à savoir les conseils d’Ufr ou conseil de facultés, les représentants au niveau du conseil académique et les représentants au niveau du conseil d’administration. Entre-temps, il y a eu la Cnaes (Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur). Au sortir des débats, il a été proposé dans les recommandations que les recteurs soient nommés par le président de la République mais après appel à candidatures.

Ce qui a été confirmé au moment du conseil présidentiel par les décisions présidentielles elles-mêmes. Entre-temps, certainement de mauvais esprits sont allés raconter des choses qui ont fait que le président de la République, quelque part, ait reculé, il faut le dire. Avec tout le respect qu’on lui doit, il a quand même reculé sur ce point. Même pour la deuxième université de Dakar, Unidak 2, il y a eu un appel à candidatures avec une short list de 3 personnes. Pourquoi on recule ? On a peur de quoi ? J’ai argumenté en disant que ceux qui sont allés voir le président, ils ont dû lui dire que ces gens du Saes veulent contrôler l’Université en ayant un recteur à leur guise. Mais ils se trompent de nom. Je donne un exemple et je l’ai dit au Premier ministre quand il nous a reçus, c’est le Saes qui s’est battu pour qu’on élise les doyens et les directeurs d’Ufr.

Tous quasiment sans exception sont membres du Saes, pourtant la plupart d’entre eux ont des positions adverses par rapport au syndicat. Il y a même un à Saint-Louis qui s’est permis de porter plainte contre son secrétaire général parce que celui-ci avait diffusé la lettre qu’il avait envoyée pour demander aux enseignants de s’auto-dénoncer par rapport à la grève du Saes, quand ils ont fait leur bêtise de gel des salaires. Ce n’est pas écrit que si nous votons pour quelqu’un, il sera notre pote. S’ils disent qu’ils veulent un nouveau type de management, nous sommes d’accord et nous l’avons proposé avant eux. On a proposé même que le Pca ne soit pas un salarié de l’université.

Donc il n’y a pas de manager dans nos universités ?

Les recteurs actuels ne sont pas des managers, c’est des administrateurs simplement. Quand on a vu, il y a quelques mois, comment on les a permutés les trois recteurs de Saint-Louis, Bambey et Thiès, c’est une permutation ridicule, excusez-moi du terme. Cela se fait avec les préfets et les gouverneurs mais à l’université, ça ne se fait pas. Cette catégorie de recteurs est une catégorie en voie de disparition. Je pèse mes mots parce que ce sont de simples administrateurs qui ne sont pas capables de créer des partenariats avec d’autres institutions, qui ne sont pas capables de drainer des fonds, de hisser nos universités actuellement.

Alors que, aussi bien au Sénégal qu’au niveau de la diaspora, il y a énormément de talents qui sont capables de mettre nos universités sur la rampe du développement. Si on continue dans cette lancée, on va continuer à nommer les gens parce qu’ils sont amis de tel ou tel ou parce qu’ils font de la politique… Je ne vais pas donner de nom parce que ce sont des collègues mais on sait que c’est comme ça ; ce n’est pas par leur talent parce qu’on les rencontre sur le terrain. La dernière forfaiture montre que ces recteurs ne sont pas au niveau. Comment peuvent-ils avoir violé la loi sans s’en rendre compte ?

Vous êtes alors pour l’appel à candidatures?

Je conseillerais au président de la République qu’il accepte, pour le bien de nos universités, surtout pour drainer tout le monde, qu’il remette l’appel à candidatures. A partir de là, nous on lui donne 3 noms. Je pense que ce serait la meilleure chose. Il faut qu’on ait l’habitude de faire l’appel à candidatures. Ça correspond à notre niveau de démocratie. A l’université, tout le monde est élu sauf le recteur. Comment se fait-il qu’un recteur puisse se sentir à l’aise dans une assemblée où tous ceux qui sont là sont élus sauf lui ? Par exemple, le recteur de l’université de Dakar qui n’est même pas habilité à être recteur d’ailleurs.

Pourquoi ?

Il n’est pas docteur d’Etat. Figurez-vous que nul ne peut être recteur à l’université de Dakar s’il n’est pas membre de l’enseignement supérieur et s’il n’est pas titulaire d’un doctorat d’Etat.

Et le recteur actuel ne remplit pas tous ces critères ?

Non, il est simple professeur titulaire mais il n’est pas docteur d’Etat. Il a la thèse unique donc il n’est pas habilité à être recteur de l’université de Dakar. Ce même recteur, il a brigué pour être l’assesseur à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Ucad mais il n’a pas été élu. Il n’a pas eu la confiance de ses pairs. Maintenant, si on le nomme, il peut avoir tendance à régler des comptes. Quelqu’un qui n’a pas la confiance de ses pairs dans sa propre faculté, il ne peut pas diriger l’université. Il a un double handicap. Statutairement il ne peut pas être recteur et j’ai eu à le lui dire de vive voix. Les textes sont violés parce qu’il ne peut pas être recteur.

La question qui se pose après la signature d’un accord, c’est le respect par l’Etat des engagements. Est-ce que vous êtes optimiste sur ce point ?

Personnellement, je respecte les institutions de notre pays. D’abord je me dis a priori que l’Etat va le faire. J’ai entendu et j’ai lu aussi que le ministre a dit que l’Etat va faire tout ce qu’il a dit avec le Saes. Nous avons aussi la caution des députés. Il y a aussi le fait qu’on est en train de mettre en branle les comités de suivi qui étaient en dormance depuis un an. Je pense que le ministre a maintenant compris qu’il ne peut pas dérouler des choses sans la concertation. Il faut aussi comprendre que ce n’est pas un nouveau protocole, c’est la mise en œuvre d’un protocole qui date bientôt de 4 ans. Moi je suis optimiste. J’attends. J’ai un préjugé favorable parce que je considère que le gouvernement est de bonne foi ; le Parlement était là et je pense que les choses vont se passer normalement.

Avec la signature de cet accord, peut-on dire qu’il n’y aura plus de perturbations à l’université par le fait des enseignants du Saes ?

Le Saes a 30 ans. Nous ne sommes pas un syndicat va-t-en-guerre. Des fois, on nous fait porter un chapeau qui n’est pas le nôtre. J’ai lu hier dans une interview où le ministre parle de notre grève de 2012. Ça fait 3 ans. Il oublie sciemment que d’octobre 2013 à février 2014, il a reconnu que l’Etat s’est entêté. C’est lui qui s’est entêté en voulant changer les critères d’attribution et de conservation des bourses. Il s’est battu avec les étudiants jusqu’au protocole. S’il y a quelqu’un qui est comptable de ça, c’est bien lui. Il faut laisser le Saes tranquille dans cette affaire.

Notre syndicat n’est pas parti en grève depuis le 23 mars 2012. Nous avons observé une pause et tout le monde est témoin. Personne ne nous a entendus. Pourtant ils ont déroulé toute la Cnaes en dehors du Saes et personne ne nous a entendus. Il a fallu qu’on cherche à saper le fondement de l’université, violer l’autonomie de l’université, offrir l’université aux entreprises, à la limite aller vers une privatisation rampante qu’on s’est mis debout. Je pense que le peuple doit nous rendre grâce pour ça. On n’est pas allé en grève pour le protocole pourtant qui nous concerne au point de vue financier ou autre, mais c’est pour défendre un principe qu’on est allé en grève. La grève, pour nous, c’est la dernière chose à faire.
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