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Deux mois après le putsch avorté : La Gambie perdue à Jammeh
Publié le vendredi 20 mars 2015  |  Le Quotidien
Ouverture
© Abidjan.net par Atapointe
Ouverture du 44è sommet de la CEDEAO à Yamoussoukro en présence de 14 chefs d`Etat
Le 44è sommet ordinaire de la Communauté économique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) s`est ouvert, vendredi, dans la capitale politique et administrative de la Côte d`Ivoire, Yamoussoukro en présence de 14 Chefs d`Etat de la sous-région ouest-africaine. Photo: Yaya Djammeh, président de la République du Gambie




Plus de deux mois après le putsch manqué, la Gambie est toujours dans un climat de terreur et de peur qui anesthésie les populations avides de liberté. Et de changement. Mais, Yaya Jammeh, qui a vacillé le 30 décembre dans son fauteuil de dictateur, a remis le couvercle dans ce pays abandonné à son triste sort.

Le temps n'a pas mangé l'affiche. Sourire ravageur, chapelet autour de la main, canne en l'air, Yaya Jammeh invite l'Afrique à respecter les droits de l'Homme. C'est le vestige du dernier Sommet de la Commission africaine des droits de l'Homme et des Peuples tenu à Banjul. C'était en 2013. L'usure a curieusement épargné le poster géant implanté à l'entrée de la capitale gambienne. Mais, la vérité n'a jamais quitté Jammeh qui confine son Peuple dans un huis clos pernicieux. Plus de deux mois déjà… Mais la traque des putschistes est-elle vraiment finie ? Pas pour leurs parents. Ni pour les citoyens. Les cauchemars, les souvenirs atroces, les questions sans réponse continuent de tourmenter la vie des Gambiens qui portent encore le deuil d'un pays perdu entre les mains d'un homme régnant en maitre absolu dans cette enclave abandonnée à elle-même. A Jammeh !

Aujourd'hui, les populations sont emmurées dans un silence conditionné par la peur d'un homme qui a préféré mythifier et mystifier son histoire plutôt que de l’écrire avec l'encre de la démocratie. Faisant du combat pour la pérennisation de son pouvoir est fait d’affrontements internes et de purges sanglantes, dont l’écho ne s’est pas tout à fait dissipé. 20 ans après son accession à la tête de l'Etat, il n'est pas encore temps pour lui de regarder l’histoire en face. Toute l’histoire. Sans peurs ni tabous. Mais le poids de la peur, qui a longtemps étouffé les témoignages, se fissure. «Les morts ne font pas de mal… Pourquoi, il continue de traquer les gens après le coup d'Etat. C'est étouffant", chiale un commerçant.
Depuis le coup d'Etat avorté du 30 décembre 2014, la chasse à l'homme n'a pas connu de répit. Il a déclenché une purge dévastatrice au sein de l’Armée. Et les civils ne sont pas épargnés. Jusqu'à présent, les parents, les amis des personnes impliquées dans le coup d'Etat sont embrigadés et jetés en prison. "Oui ! ça ne connait pas de répit. Pourquoi ? Les Papas et mamans des putschistes n'ont rien fait. Mais, le Président maintient la pression sur les gens pour décourager ceux qui risqueraient à tenter un autre putsch. Ce sont des exactions et des arrestations arbitraires. De toute façon, personne n'ose le dénoncer...", regrette un quinqua. Un autre : "Regardez l'histoire d'un élément du putsch qui a été tué deux mois seulement après son mariage. Il est venu de Londres. Heureusement que sa femme vit en Angleterre. Mais, les Nia ont arrêté son frère et un de ses amis. Comme s'ils étaient responsables de ses actes. C'est du n'importe quoi. Malheureusement, il n'y a personne pour dénoncer cette situation."
Aujourd'hui, le sujet est évoqué du bout des lèvres. Depuis deux mois, les agents de la National intelligence agency (Nia) sont lâchés pour retrouver les complices des effrontés putschistes. Fondée en 1995, la Nia, bras... secret du pouvoir de Yaya Jammeh, procède encore "arbitrairement", sans respecter les droits de l'Homme, et jette à la sinistre prison Milles 2 et sans acte d'accusation, les personnes citées dans le coup d'Etat.
En cette matinée du mardi, les soldats suent sous un soleil accablant même si leurs visages ne dégagent aucune expression. Ils filtrent la circulation sur l'axe Banjul-Serrekunda : Car, il faut traverser six barrages de Police et de l'Armée alternés le long du trajet. Peur au ventre, les passagers et les chauffeurs sont obligés d'emprunter plusieurs fois le chemin de la... "mort". C'est le nom donné à cette minuscule autoroute à deux voies. Toute la zone est intoxiquée par les «soldiers». Ils sont redoutés : Visages brûlés par le soleil, regards noirs et perçants, ils sont les piliers du régime de Jammeh. Chat échaudé...

Check-points : Passage de tous les dangers
Les consignes sont strictes : Il faut mettre les mains en évidence, garder les mobiles (portables) à l'intérieur des poches et afficher un calme olympien. Doigts sur les Kalachnikov, les soldats, sur les dents, fouillent les véhicules de fond en comble. Ensuite, ils donnent l'ordre de passer les barrières ou acheminent le véhicule au poste de contrôle. Pas de bol : De retour de Serrekunda, après un premier passage sans anicroche, le taxi est immobilisé devant le poste de contrôle improvisé à quelques mètres de cette route crevassée. On fouille les passagers, les malles arrières. Et même les portefeuilles. La peur anesthésie le plus intrépide. "Remontez ! Vous pouvez partir", ordonne le chef de poste. C'est la délivrance.
Dans le quotidien tourmenté des Gambiens, ces instants peuvent devenir fatals. N'est-ce pas ? "Il y a deux semaines (NDLR: Trois semaines), les soldats ont tiré sur un driver de (chauffeur) de taxi et son épouse parce qu'il a dépassé le check-point parce qu'il n'avait pas compris une consigne du soldat. Et ils ont péri comme ça...", révèle le chauffeur. Malgré la vague de répression, les infos circulent sous le manteau. Un interlocuteur : "Les gens suspects ou qui tentent de résister sont arrêtés et menottés avant d'être conduits à la police ou directement à Milles 2. C'est une situation horrible." Et pourtant... Ces dernières semaines, il aurait levé quelques restrictions. Les check-points ont été réduits sur l'axe Banjul-Serrekunda-Bakau. "Au lendemain du coup d'Etat, il fallait traverser une dizaine de barrages. En fin de compte, les chauffeurs refusaient d'aller à Banjul ou dans les autres villes parce qu'ils passaient la journée dans la circulation. C'est au moins, un acquis", sourit-on.
Il est vrai qu'il faut affronter un mur de protection jalonné sur un terrain soigneusement arasé pour dégager l’angle de tir. Il est aussi vrai qu'on ne croise pas des chars dans les rues gambiennes. Mais, les imposants bus des Gambian forces armed (Forces armées gambiennes) et des Gambian forces police (Forces de police gambienne) sillonnent la capitale sans arrêt. Sans oublier la procession de policiers et de militaires qui circulent sans destination dans les entrailles d'une capitale qui ploie sous le poids de ces habitations en décrépitude.
Ces images sont le reflet d'un régime dictatorial ou rongé par la peur et qui traque un ennemi invisible. Et elles ne sont pas visibles uniquement dans le cœur de la Gambie. De Borra à Amdallai, située dans le district du Lower Niumi de la région North Bank du pays, à la frontière avec le Sénégal-et inversement-, les states gardes sont les sentinelles d'un état de terreur.

Enlèvements et arrestations
Dès l'entrée dans le territoire gambien, un véhicule de l'Armée prend en filature le vieux minibus. Ce jour-là, le chauffeur s'est rendu coupable d'un délit de "surcharge". Sans aucune retenue ou formule convenue, le conducteur sort précipitamment de son véhicule, gronde et insulte le vieux driver qui se confond en excuses. "Si tu n'exécutes pas mes ordres, je te mets au gnouf...", enrage-t-il en réajustant son treillis flambant neuf. Et il poursuit son chemin comme... si de rien n'était. Partout, on y échappe pas : Il faut traverser les check-points, affronter le regard des militaires qui tiennent sans frémir leurs armes. Et c'est immuable : Le véhicule est fouillé. Les passagers montrent leurs pièces d'identité. Et parfois, les sacs passés au peigne fin. "On dirait une prison. Quel pays", soupire, à travers sa bouche édentée, un sexagénaire. L'expression de ce dépit n'est pas suivie de commentaires. "C'est la première fois que tu vas en Gambie ? Fais attention aux commentaires dans les véhicules ou avec les chauffeurs de taxi. La plupart sont des espions", avait prévenu un habitué du pays croisé à la frontière.

La peur des Nia
Mercredi de chaleur à Banjul. On tourne sur Wellington liberation avenue, Nelson Mandela street et Didier Goddar street. Il flotte un air de suspicion autour du rendez-vous. Etreints par la peur de la Nia, deux interlocuteurs, qui maitrisent les réalités gambiennes, savent que la capitale est infestée de ces agents. Ils vont, ils viennent, ils tournent, ils errent et rodent avec leurs armes cachées. Il dit: "La Gambie est un petit pays. On se connait tous. On connait les Nia parce qu'on est habitués à vivre avec eux. Ce sont les agents les plus dangereux parce qu'ils sont à la base de tous les enlèvements. Et il n'y a pas de procès. Par contre, personne ne comprend le silence de la communauté internationale par rapport à ce qui se passe dans pays qui abrite paradoxalement le siège de la Commission africaine des droits de l'Homme et des Peuples. D'autre part, ça se comprend parce la Gambie ne présente aucun enjeu pour les grandes démocraties." L'autre renchérit : "Personne n'ose remettre en cause ses décisions. C'est dieu sur terre. Récemment, il a interdit les cousinages à plaisanteries. Récemment, Dj Lama Lama, célèbre animateur, a été mis en quarantaine dans un camp parce qu'il a joué à ça. Les gens sont venus le cueillir à la radio. La Gambie est une prison à ciel ouvert même pour ceux qui sont en liberté." Mais, l'espoir fait vivre : Car, le temps, qui a épargné cette affiche géante du natif de Kanilai, lui jouera un sal tour un jour. "Peut-être bien sama bro (mon frère)...", répond-il. Le sourie est, par contre, figé dans l'optimisme.
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