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Enquête Plus N° 1078 du 21/1/2015

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Déficit en moyens humains et matériels...: Le service d’hygiène, un vieillard à genou
Publié le jeudi 22 janvier 2015   |  Enquête Plus


Ébola:
© aDakar.com par DF
Ébola: Un Grand Magal de Touba sous haute vigilance
Touba, le 10 Décembre 2014 - Le grand Magal de Touba se tient le jeudi 11 décembre 2014. Près de 3 millions d`individus sont attendus dans la cité religieuse. Dans le contexte où le virus ébola sévit dans la sous-région, les services médicaux de la ville sont en alerte. A l`hôpital Matlaboul Fawzayni, toute les dispositions sont prises pour faire face.


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A cause d’une négligence difficilement compréhensible, le service d’hygiène est presque devenu un vestige témoignant de l’existence ancienne d’un corps chargé de la prévention. Avec les effectifs dont il dispose et les moyens matériels, il est illusoire de penser qu’il peut avoir un impact réel sur la lutte contre l’insalubrité et la vente des produits impropres à la consommation. Le département de Dakar en fournit un bon exemple.



Un premier pas résonne sur la marche des escaliers puis un deuxième. Au troisième, l’attention du visiteur est attirée par un message. ‘’Sans hygiène, la bataille pour la santé est perdue d’avance.’’ Cet avertissement sur un tableau sous verre accroché dans les couloirs de la direction de l’hygiène montre la place prépondérante du service national d’hygiène dans la lutte contre les maladies, contagieuses notamment. Dans le contexte sous-régional dominé par la présence de la maladie à virus Ebola qui a fait déjà 8 429 (OMS, 14 janvier 2015), le service suscité a un rôle capital à jouer dans la prévention.

Le Sénégal a connu un cas importé de la Guinée et a réussi à le circonscrire. Il est cependant important, au-delà de cette ‘’bataille gagnée’’ (Awa Marie Coll Seck, ministre de la santé), de se demander ce qu’a été l’impact du service national d’hygiène. Mais surtout ce qu’il pourrait apporter si jamais le pays faisait face à la maladie et serait dans la position de livrer une guerre de longue haleine contre un virus aussi mortel et mobile.

Cheville ouvrière de la prévention, en principe, le service n’est certainement pas dans les conditions de remplir sa mission, tant le déficit qu’il connaît est énorme. C’est même un euphémisme de parler de déficit. En réalité, ce corps n’existe presque plus. Il a été oublié pour ne pas dire liquidé par les pouvoirs publics. En attestent les chiffres. Sur toute l’étendue du territoire national, il n’y a que 210 agents d’hygiène sur le terrain. L’effectif total lui est de 600 environ. L’on comprend mieux pourquoi l’époque où l’on voyait facilement les hommes en tenue marron arpenter les rues et ruelles des quartiers de Dakar semble lointaine. Aujourd’hui, ils sont presque devenus des fantômes. Pire, le personnel destiné à couvrir 194 712 km² est constitué majoritairement de vieux à la porte de retraite.

Paradoxalement, selon le bilan d’activité 2013 du service national d’hygiène, cet effectif réduit a en charge 1 300 000 lieux à visiter pour couvrir les 13 millions d’habitants. Cela fait un ratio d’un agent pour 61 904 habitants. Or, les capacités actuelles sont d’un agent pour 18 000 âmes. Autrement dit, chaque agent, malgré lui, laisse de côté chaque année 43 000 habitants qui auraient pu bénéficier de ses services. En guise de comparaison, le ratio national était de 1 711 individus par agent avant l’indépendance. Un chiffre donné par le directeur général du service national d’hygiène, le médecin colonel Moussa Dieng Sarr, dans un entretien accordé au magazine ''Vision africaine'' dans son numéro de juillet 2013 et repris par l’Agence de presse sénégalaise (APS, 17 juillet).

Ces chiffres cachent toutefois des disparités énormes révélées par le département de Dakar qui est pourtant de loin le plus doté en éléments. Ledit département comptait 1 169 633 habitants au 31 décembre 2011, selon le rapport annuel 2011 sur les activités de la sous-brigade départementale d’hygiène de Dakar. Or, l’effectif total des agents de service d’hygiène pour cette collectivité se limite à 35 éléments répartis comme suit : 8 sous-officiers d’hygiène, 26 agents et 1 auxiliaire d’hygiène. Ce qui fait un ratio de 33 418 habitants pour un agent. En plus, parmi ces 35 éléments, indique une source anonyme, il n’y a que 6 jeunes. Tout le reste traîne le poids de l’âge. ‘’La moyenne d’âge oscille entre 50 et 57 ans’’, se désole-t-il. Notre interlocuteur assure que la situation n’a pas changé jusque-là.

Une visite après plusieurs années

Les rédacteurs du document (rapport annuel 2011 de Dakar) attirent l’attention des autorités en ces termes : ‘’Si on prend le ratio d’un agent pour 2 000 habitants (le standard international), l’effectif normal de notre unité serait de 584 agents. Il n’existe que 35 agents, d’où un déficit de 549 agents’’. Pour mieux exprimer leur sentiment d’être abandonnés, négligés, ils font une comparaison avec le temps du colon. ‘’En 1952, pour contrôler une population de 324 000 habitants, le service d’hygiène colonial (du département) disposait de 187 agents toutes catégories confondues’’, tiennent-ils- à rappeler

Ainsi, du fait de ce déficit, le service d’hygiène n’arrive presque pas à accompagner la population dans la prévention des maladies. En effet, le service d’hygiène, sachant qu’il ne peut pas satisfaire les 13 millions d’habitants, se fixent des objectifs annuels. Mais là encore, le résultat est parlant. En 2013, il était prévu de visiter 234 000 concessions à travers le pays. A l’arrivée, les hommes en marron ne se sont rendus que dans 63 180 concessions, soit un taux de réalisation de 27%. En ce qui concerne les établissements recevant du public (ERP), l’objectif de départ se chiffrait à 117 000 établissements. Le résultat final a été de 79 560, soit 68%.

S’agissant du département de Dakar, le document mentionne 1 169 633 habitants vivant dans 74 703 concessions. Le département étant divisé en 14 secteurs, chaque agent effectue deux sorties par semaine pendant lesquelles il visite 15 concessions par sortie. Tout calcul fait, cela donne 21 840 maisons visitées pendant l’année, si aucune semaine n’est sautée. Rapporté aux 74 703 logements, on se rend compte qu’une concession visitée a besoin d’attendre plusieurs années pour revoir à nouveau les hommes en marron. Notre interlocuteur en tire la conclusion suivante : ‘’A ce rythme, il y a des gens qui vont faire toute leur vie sans recevoir la visite d’un agent de service d’hygiène.’’

Afin de gérer ce qui peut l’être, la brigade d’hygiène en charge de la capitale se focalise sur les établissements recevant du public et les contentieux. Ceux-ci portent essentiellement sur l’élevage de volaille dans les maisons, les poubelles dans les rues, les fosses septiques ruisselantes et les eaux usées déversées dans les rues. Quant à l’Etat, il est resté plus de 20 ans sans effectuer le moindre recrutement. Les derniers datent de 1980. Et comme pour montrer que le service d’hygiène occupe la première place à la queue dans le classement des priorités, l’autorité a refusé de recruter les promotions 2006-2008 et 2008-2010. Pendant au moins deux ans, ils étaient tous réduits à faire du bénévolat. De ce fait, quand en 2010 les gouvernants ont consenti à un recrutement de 90 éléments puis 50 en 2013, ça réconforte certes, mais ça amuse aussi. Un agent le constate avec ironie. ‘’Ils ont recruté ceux qui ont l’âge de nos fils.’’

Ce qui est valable sur l’effectif l’est aussi sur les moyens mis à leur disposition. Dans l’entretien ci-dessus, le colonel Sarr résume la situation en deux temps. D’abord pour les moyens de déplacement. Le colonel affirme : ‘’Sur 54 véhicules, déjà insuffisants en nombre, trois sont hors service, cinq en mauvais état, deux bien médiocres et sept passables. Faire fonctionner un service, en pareille situation, relève d’une prouesse inouïe’’. De façon spécifique, un agent indique par exemple que les brigades départementales ne disposent d’aucun véhicule. Il n’y a que les régions qui en ont. Pour faire leur travail, les agents des départements sont obligés de se faire transporter par les véhicules des structures sanitaires. Si l’on y ajoute le fait qu’ils ne disposent même pas d’un budget de fonctionnement, l’on comprend alors que la mission est presque impossible.

Deux véhicules maintenant contre 12 avant l’indépendance

A propos de la logistique, le colonel Sarr souligne : ‘’Au plan matériel, 66% des pulvérisateurs moteurs ne fonctionnement pas, 51% des pulvérisateurs manuels pareillement. S’agissant des kits d’analyse d’eau, 25% sont inutilisables. La logistique pour un service aussi sollicité affiche une triste mine’’. Une autre source indique que la difficulté se situe au niveau de la disponibilité des pièces de rechange. En effet, explique-t-il, à chaque fois qu’un matériel tombe en panne, il est difficile de trouver la pièce qui fait défaut. Les agents sont obligés de faire des échanges de pièces entre les différents appareils pour qu’il y ait au moins quelques-uns qui marchent.

A Dakar, le service d’hygiène se contente de deux véhicules, étant donné que le troisième est en panne. Au temps colonial, ceux-ci étaient au nombre de 12. Aujourd’hui que la population a bien augmentée, comparée à l’époque coloniale, l’idéal aurait été, selon un agent, de disposer, pour chacune des 14 secteurs, de 5 véhicules double cabine, d’un camion pour convoyer la marchandise saisie et d’un car pour l’équipe technique chargée des contentieux. Devant un déficit aussi criard, les rédacteurs du rapport 2011 susmentionné ont dressé un constat suivi d’un plaidoyer. «Le matériel est vétuste et insuffisant et nécessite un renouvellement pour motiver davantage», relèvent-ils en nota bene (NB).

Outre le personnel et le matériel, il y a aussi les locaux. Le dépôt est bien moins indiqué pour garder les produits saisis. A la direction nationale du service d’hygiène, l’on indique que le problème n’est pas aussi préoccupant que ça. Les dépôts permettent jusque-là de garder les saisies. Seulement, si ça arrivait que la quantité confisquée soit importante, la question se poserait, car les capacités de stockage ne sont pas grandes. Tout le contraire de ce qu’on pense dans le département de Dakar.

Là, on n’utilise pas le terme dépôt. On estime même que le déménagement des locaux actuels s’impose. ‘’Il y a une sorte de débarras derrière où on met le matériel saisi. On cherche même présentement des sacs pour les y mettre’’, confie t-on. Face à la situation, les agents, ‘’avec le mental du militaire’’, font ce qu’ils peuvent, sachant que l’âge et le déficit de moyen ont sérieusement corrompu les aptitudes d’antan. La formule finale de l’un d’eux dénote tout le fatalisme qui a gagné les troupes : ‘’A l’impossible, nul n’est tenu.’’

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