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Le Quotidien N° 3572 du 30/12/2014

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Dites «la Burda» et non «le bourde» !!!
Publié le mercredi 31 decembre 2014   |  Le Quotidien




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Mal nommer les choses ou les nommer de manière inintelligente ou de façon malheureuse est un travers bien sénégalais.

Nous ne parlerons pas ici des dénominations et autres appellations que certains de nos compatriotes utilisent pour «catégoriser» des Africains (Dringue, Niak, Naar) ou bien même leurs propres concitoyens. Nous aborderons uniquement dans cette contribution l’usage fait du vocable «bourde» (pour dire «burda» ou «burdatu») par certains locuteurs de la langue française (du français sénégalais) dans les médias et la presse nationale.
Mais avant d’en arriver au fond de notre pensée, survolons rapidement le contexte historique qui a fait surgir une pratique poétique dédiée au Prophète Mohammad (Psl). Commençons d’abord par signaler que l’Arabie de l’époque mouhamétane (7ème siècle après JC) était très fortement marquée par le goût de l’art oratoire et de l’exercice poétique. Les champs de bataille n’étaient pas les seuls théâtres d’affrontement entre les premiers musulmans et les idolâtres mecquois. Les joutes verbales occupaient également une place non négligeable dans cet univers d’adversité totale.
Aussi, le Prophète (Psl) avait-il lui-même des poètes «attitrés» dont les plus célèbres sont Kaab ibn Malick, Abdallah ibn Rawaha, Hassan ibn Thabit et surtout Kaab ibn Zuhayr. Et c’est ce dernier qui aurait le premier titré un de ses poèmes dédiés au Sceau des Messagers du substantif «Burda» (tunique, manteau). Et Idriss de Vos, dans son ouvrage intitulé «Eloges du Prophète, Anthologie de poésie religieuse», affirme que «c’est parce que ce poème valut à son auteur tant d’honneur que les poètes, au cours des siècles, s’ingénièrent à surpasser le poème de Ka’b et en reprirent le nom, dans l’espoir de recevoir à leur tour l’agrément du Prophète». C’est dans ce sillage qu’il faut placer quelqu’un comme Ahmad Shawqi (poète néoclassique égyptien) ou bien Busseïri auteur de la «Burda» récitée au Sénégal quelques jours avant la célébration de la naissance de l’Elite du genre humain, nous voulons nommer Mohammad (Psl).
Après avoir rapidement campé la genèse du mot «Burda» dans le territoire poétique arabo-musulman, venons-en maintenant au cheminement qui a conduit (dans les textes et propos des Sénégalais francophones) du terme «Burda» à celui de «Bourde».
Ainsi donc, le vocable «Burda» ou «Burdatu» est de l’arabe. Son emprunt par les wolofophones (ou pulaarophones et autres) a produit l’expression «Bourde». La racine du mot a été maintenue ; cependant une mutation vocalique s’est opérée au niveau du suffixe. L’emprunt est un procédé naturel qui s’effectue entre des langues qui sont en contact. Toutefois, ce qui est intéressant avec le terme «Bourde» -employé par les francophones sénégalais- c’est qu’il est le résultat d’un double emprunt : parti de l’arabe, le terme «Burda» est devenu «Bourde» en wolof et est réutilisé tel quel par les locuteurs du «français sénégalais» sans rien changer au mot.
L’emprunt de l’arabe au wolof ne pose pas de «problème» : il s’agit ici d’une opération linguistique réussie, simple et classique. C’est au niveau du glissement du wolof au «français sénégalais» que le transfert ne devrait plus laisser indifférents les linguistes ; ceci pour au moins deux raisons. Premièrement, le mot «Bourde» emprunté au wolof (langue de départ) trouvera un homonyme «une bourde» dans le français (langue d’arrivée) ; même si par ailleurs le genre a changé durant le transfert. Par exemple, on entend dire : «Le bourde de Tivaouane.»
Deuxièmement, la signification péjorative de l’homonyme français est aux antipodes du sens véhiculé par «Burda» qui a une place -comme nous l’avons vu- dans le lexique panégyrique du Prophète (Psl). Et notre avis est que dans la seconde phase s’est effectué un emprunt que nous qualifierions de «paresseux» et «d’irréfléchi».
Et c’est pour cette raison, profitant de ces quelques jours qui nous séparent du Mawloud -et durant lesquels le mot «Bourde» sera plusieurs fois répété et écrit- nous invitons modestement la communauté journalistique d’expression française de notre pays à dire désormais «Burda» et non «Bourde». Et c’est quelqu’un qui a consacré une thèse de doctorat à l’écriture journalistique qui le demande humblement.

Dr Malick WONE
Enseignant, correcteur et écrivain

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