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Enquête Plus N° 1058 du 26/12/2014

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26 Décembre 1982 - 26 Décembre 2014: Casamance, 32 ans de violence, de souffrance et d’incompréhension
Publié le samedi 27 decembre 2014   |  Enquête Plus




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Entre autres crépitements d’armes, bombardements et ratissages, la crise en Casamance, qui n’en finit pas de charrier son lot de morts et de désolation, a connu une valse incessante d’ingénieurs de la paix ainsi que de porteurs de valises. Parmi eux, des affreux. EnQuête revisite, 32 longues années après, les éléments qui ont conduit au plus vieux conflit de l’Afrique de l’ouest. « Un véritable cas d’école » pour reprendre les propos de Abbé Diamacoune Senghor, un des théoriciens du mouvement indépendantiste.



Le conflit en Casamance dure depuis plus de 32 ans et oppose le Mouvement des forces démocratiques de Casamance au gouvernement du Sénégal. Ce conflit armé interne qui se déroule dans la partie sud du pays est l’un des plus vieux de l’Afrique au sud du Sahara. Le 26 décembre 1982, une marche populaire est organisée par le MFDC, dirigé à l’époque par son leader-Abbé Augustin Diamacoune Senghor qui n’a eu de cesse de revendiquer l’indépendance de la Casamance.

Arrivés à la gouvernance de Ziguinchor, les manifestants ont retiré le drapeau sénégalais et mis à la place un drapeau blanc. Devant cette foule qui avance et au sein de laquelle on a noté une forte présence de femmes, les forces de l’ordre n’ont eu d’autres choix que d’opérer une intervention rapide. La violence est inouïe. Selon l’Abbé Diamacoune, l’administration sénégalaise versait dans une marginalisation répétitive de la Casamance en se permettant même de dévier certaines infrastructures destinées à la région vers le centre du Sénégal. Une idée relativisée par des intellectuels comme le professeur Assane Seck qui soutient que l’éclatement du conflit en Casamance à surpris plus d’un observateur. Il souligne dans sa communication L’Afrique de l’ouest face aux défis de la sécurité humaine, Edition RADDHO, juin 2006 : ‘’Vers la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingts, la Casamance était, incontestablement, la région sénégalaise qui, après celle du Cap-Vert, avait fait le plus de progrès en matière d’équipements modernes’’.

Le MFDC remettait en cause des faveurs faites aux autres populations sénégalaises au détriment des Casamançais. Ce sont entre autres questions, l’expropriation des terres, les droits d’exploitation forestiers, la distribution des postes à l’administration publique centrale, des droits de pêche etc. Lors d’une conférence publique donnée après le premier cessez-le-feu de 1991, Sidy Badji qui a été chef d’état-major de la rébellion, confiait que la marche de décembre 1982 n’avait rien d’une déclaration de guerre.

Il explique que le point de non-retour de la violence a été atteint accidentellement le 6 décembre 1983 quand survint le drame qui fit trois victimes parmi les gendarmes sénégalais venus les disperser à leur réunion de Diabir, en haut de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Ziguinchor. Il s’agit du Lieutenant Amadou Tidiane GADIO, du Maréchal des logis chef Ignace DIOUSSE et du Gendarme Kalidou Diop (voir l’ouvrage du colonel Sidy Sady, La gendarmerie nationale sénégalaise, son rôle dans la consolidation de l’Etat, édition l’harmattan, 2011, 177p). Le Pr. Seck l’illustre si bien : ‘’Après ce drame suivi de la récupération des armes modernes des victimes, il n’échappait à personne que la répression allait être terrible, et qu’il fallait dès lors pour les responsables aller, à travers forêts et marigots, chercher refuge ailleurs et se préparer à une entrée effective dans le ‘’maquis casamançais’’, pour venger les morts des marches pacifiques et exiger l’indépendance promise par un prétendu accord entre Senghor et Emile Badiane‘’.

Ce qui est devenu plus tard la ‘’crise en Casamance’’ venait à peine de boucler un an d’existence. Appréciant sans doute « mal » la situation sur le terrain, Abdou Diouf, à l’époque, président de la République du Sénégal, estima qu’il pouvait régler la question à travers une simple « opération de police ». Ignorant sans doute que la descente, ce 26 décembre 1982, du drapeau national pour le remplacer par un autre (blanc) à la Gouvernance de Ziguinchor, n’était rien d’autre que la face visible d’une question à la fois profonde et complexe. Une «question, à vrai dire politique, qui trouve sa source dans des ramifications historiques, socio-économiques et culturelles appelant à une solution politique négociée.

Les bases idéologiques et sociales du MFDC

Le MFDC a été créé à Sédhiou, dans la région de Kolda, le 04 mars 1947. Il a été fondé par d’anciens cadres de la Casamance naturelle au rang desquels Victor Diatta, Edouard Diallo, Emile Badiane, Ibou Diallo, Souleymane Baldé. A l’origine, ce n’était pas un mouvement de lutte armée mais plutôt une organisation qui avait pour préoccupation l’affirmation de l’identité de la région, la défense des intérêts du terroir qu’ils considéraient comme laissé en rade par les autorités centrales de Dakar.

Une fois la rébellion ouverte, il fallait préparer ses bases idéologiques et sociales. L’abbé Diamacoune a joué un grand rôle dans cette œuvre en contribuant vers la fin des années soixante-dix à fouetter le sentiment régionaliste casamançais au sein de l’équipe de football du «Casa-Sport ». Le Professeur Assane SECK, dans L’Afrique de l’ouest face aux défis de la sécurité humaine, apporte ce témoignage : « La finale du 06 août 1980 contre la Jeanne d’arc, jouée en deux éditions après un nul à la première du 31 juillet, finale tendue parce que faisant suite à celle, victorieuse du 10 juillet 1979 contre le « Diaraaf » de Dakar, avait provoqué des bagarres épiques sur le terrain et abouti à la suspension temporaire de trois joueurs du « CASA » (Mamadou Teuw, Ousmane Ndiaye ‘’Compliqué’’, Bassirou Ndiaye) tandis que le plus talentueux, Jules François Bocandé, était suspendu à vie, avant d’honorer le Sénégal quelques années plus tard, dans une grande équipe française, NICE, avec le titre de meilleur buteur ».

L’Abbé Diamacoune a ressuscité le MFDC avec un nouveau contenu si l’on sait qu’après la naissance de ce mouvement en 1947, il a fait sa demande d’autorisation en 1949 avant qu’une partie ne se fonde dans le Bloc Démocratique Sénégalais (BDS). Sur deux éléments, l’Abbé s’est toujours considéré comme le théoricien du nouveau MFDC. Le premier est que la Casamance, ilot de résistance contre l’Etranger depuis le temps des Portugais, n’aurait pas fait partie du Sénégal colonisé. Elle aurait constitué une sorte de colonie à part, ce qui devait lui valoir le statut d’Etat indépendant à la fin de la colonisation.

C’est d’ailleurs ce qui a poussé la rébellion à demander le témoignage de l’ancienne puissance coloniale, la France. Le témoignage délivré par Jacques Charpy (Charpy, « La Casamance et le Sénégal au temps de la colonisation française », le soleil du 22 décembre 1993, pp. 10-14) au nom de la France a infirmé cette théorie, de même que la réponse contenue dans un document produit par les cadres casamançais répondant à la même question officiellement posée par le porte-parole du MFDC.

Le second argument de légitimation de la lutte armée serait, selon l’Abbé, la grande différence des cultures qui, loin de générer un enrichissement mutuel, aurait créé un mépris culturel de la part de «l’arrivant» et provoqué des frustrations profondes chez l’autochtone. Sur le plan social, on a évoqué une forte préparation dans les villages de l’ethnie Diola, prenant souvent des contours de menaces et de châtiments contre ceux qui ne voulaient pas s’engager à soutenir le MFDC. A l’étranger, l’obtention facile de la qualité de réfugié a favorisé la création d’une aile extérieure pour le MFDC.

CASAMANCE : Guide pratique d’un conflit qui dure depuis 32 ans

En plus de 30 ans, le conflit en Casamance a fait des centaines de morts. Tout a commencé le 26 décembre 1982 par la répression d'une marche de manifestants qui demandaient l'indépendance de cette localité agricole et touristique située au sud du Sénégal.

Zone réputée instable pendant les années de colonisation par les Portugais, ensuite les Français, la région naturelle de la Casamance, (28.350 km², soit 15% du territoire national et plus d’1 million d’habitants), semblait s'être calmée avec l'indépendance du Sénégal, intervenue en 1960.

Mais éloignée de Dakar, la Casamance s’est toujours sentie négligée par les différents régimes qui se sont succédé au Sénégal. Pour ne rien arranger, son enveloppement par la Gambie et sa proximité avec la Guinée-Bissau ont davantage marqué l’esprit d’isolement des populations de la région.

Les autochtones de l’ethnie diola ont mené la bataille indépendantiste dont les origines étaient liées, en grande partie, à l’attribution de terres aux fonctionnaires et autres personnes venus du nord du Sénégal.

La société diola animiste a vu ses traditions bousculées par une arrivée progressive de peuples du nord. Ils sont à majorité de confession musulmane, ont introduit de nouvelles cultures comme l’arachide, se sont accaparés des activités touristiques et tiennent le monopole du petit commerce.

Le Mouvement des forces démocratiques de Casamance, MFDC né en 1947 est une formation régionaliste qui, à ses débuts, n’avait rien d’indépendantiste. Entre 1982 et 1983, le mouvement se manifeste pour la première fois d'une manière violente à Ziguinchor, chef-lieu de la Casamance.

Le 26 décembre 1982, plusieurs centaines de manifestants envahissent Ziguinchor. Ils foncent sur la gouvernance, enlèvent le drapeau sénégalais et tentent de mettre à la place un drapeau blanc, symbolisant la Casamance indépendante. La réaction des forces de l'ordre est vite arrivée avec plusieurs dizaines d'arrestations et de tueries. La récidive, un an plus tard, marque le passage à la lutte armée.

Nouveau théoricien de l’irrédentisme, figure emblématique de la rébellion, le prêtre catholique, l'abbé Augustin Diamacoune Senghor est arrêté en décembre 1982, puis condamné à cinq ans de prison pour appel à la révolte.

En 30 ans de conflit, les affrontements ont été traversés par plusieurs cessez-le-feu entre le MFDC et l'armée sénégalaise, qui maintient en permanence plus de 4 000 hommes dans la région.

Le 31 mai 1991, à Cacheu en Guinée-Bissau, le premier accord de cessez-le-feu sur le conflit en Casamance est signé. De multiples accords suivront. Ils réussiront, certes, à diviser le MFDC en plusieurs factions, mais aucun d’entre eux n’est parvenu à ce jour à mettre fin aux combats.

Plusieurs milliers de Casamançais se sont réfugiés en Gambie et en Guinée-Bissau, des milliers de mines enfouies dans le sol ont sauté et sautent encore, causant un drame humain qui ne cesse d’enfler. Il faut accrocher au décor les agissements d’éléments supposés appartenir au MFDC, consistant à de multiples razzias, des attaques sporadiques, des braquages de véhicules et récemment des prises d’otages…

Fortement éprouvée par le conflit, la Casamance a aussi été durement touchée par le naufrage du navire Le Joola, intervenu le 26 septembre au large de la Gambie et faisant au moins 1 864 morts. Le bateau reliait Ziguinchor à Dakar.

Dans le processus de paix, le gouvernement du Sénégal a toujours envisagé la négociation comme ultime solution. Aujourd’hui, l’organisation catholique Sant’Egidio porte les espoirs de la résolution du conflit. Elle a été invitée par le gouvernement sénégalais à mettre en œuvre sa vaste expérience pour une résolution définitive du conflit. L’accalmie notée depuis deux ans porte l’espoir des Sénégalais.

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