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Le Quotidien N° 3542 du 22/11/2014

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Entretien avec... Serigne Fallou Dieng, président des intellectuels soufis : «Les politiciens contrôlent la cour des khalifes généraux»
Publié le dimanche 23 novembre 2014   |  Le Quotidien




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Serigne Fallou Dieng, président du Cercle des intellectuels soufis (Cis), est catégorique : le seul moyen d’éradiquer le terrorisme et autres actes de violence est le retour à la pensée soufie. A la veille du 2ème Colloque international sur le soufisme qui s’ouvre aujourd’hui à Dakar, le marabout-politicien demande aux guides religieux d’inciter les fidèles à la pensée soufie qui peut, selon lui, exorciser les maux de la société dans la Umma islamique.
Parlez-nous un peu de l’histoire du soufisme et son ouverture au Sénégal…
D’abord, le terme soufisme est dérivé du mot arabe «souf», qui signifie la laine. Dans le passé, les soufis portaient des tissus en laine, ils étaient un groupe d’érudits attachés au Prophète de la religion musulmane Mohamed (Psl). Plu­sieurs adeptes du soufisme tournaient le dos aux désirs mondains pour se consacrer exclusivement à Dieu. Aujourd’hui, le terme soufi a évolué et renvoie plus à la dimension mystique de l’islam. Au Sénégal par exemple, le soufisme a engendré plusieurs mouvements confrériques. Les confréries au Sénégal ont su asseoir leurs références sunnites, puisant dans les œuvres de grands islamologues. Et pour ce qui est de la confrérie mouride, la ferveur de ses fidèles ressemble à bien des égards à la pensée soufie.
Le marabout Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme, est un soufi accompli. A son départ d’exil, il a incité les fidèles au pardon ; donc à la non-violence. C’est pourquoi, lors de la célébration du grand magal, vous assistez à des actions de grâce à caractère carnavalesque. Vous verrez que le Colloque international sur le soufisme proposera des réflexions en ce sens.
Quels sont les objectifs du Colloque international sur le soufisme qui s’ouvre aujourd’hui ?
A travers le Colloque international sur le soufisme, les organisateurs veulent apparemment créer une confluence soufie mondiale pour exorciser les maux du monde et désamorcer la bombe djihadiste et les tentations de violence. Il est temps que le monde musulman s’inspire davantage de la pensée soufie. L’approche soufie doit dominer sur les mécanismes de pensée. Le soufisme est un moyen nécessaire pour lutter contre le radicalisme et joue un rôle important dans la société par les temps qui courent. Aussi, le soufisme aide-t-il les musulmans dans le domaine économique. Je vous dis que l’islam est entré au Sénégal et même en Afrique par la voie du soufisme. Donc, la pensée soufie demeure aujourd’hui le principal rempart contre le radicalisme religieux qui secoue plusieurs régions du monde. C’est là une preuve évidente que le soufisme joue un rôle socio-économique dans les différentes sociétés du monde.
En quoi la pensée soufie peut-elle exorciser les maux de société dans la Umma islamique ?
Aujourd’hui, nous assistons à la déroute des mécanismes de pensée unique et d’assimilation à outrance. C’est pourquoi l’initiative qui consiste à vulgariser le courant soufi, initiée par les autorités de Touba, est partie pour connaître un franc succès. Toutes les violences dites de cause juste sont en train de gagner du terrain. Le terrorisme gagne du terrain. La seule solution qui vaille est la pensée soufie. Il faut que le monde musulman entonne les refrains soufis pour trouver des solutions. Vous avez constaté que l’islam vindicatif n’a de cesse de faire parler de lui en Orient comme en Occident, alors que l’obscurantisme gagne du terrain. Des masses silencieuses musulmanes donnent l’impression de pencher dangereusement vers les partisans du jihad, le soufisme est là contre le terrorisme. Des gens sont de plus en plus victimes de brimades.
Au moment où le monde baigne dans une civilisation à l’inverse, marquée par le règne des attentats terroristes, le soufisme peut aider à désamorcer la bombe. Aussi, face à l’expansion des asymétries inverses qui sont les entités, corporations, organisations d’orientation communautariste, sectaire et exclusivisme comme le néonazisme, extrême droite, et extrême gauche, le soufisme est la seule solution. Par exemple, au moment où l’Occident se barricade de ses racines judéo-chrétiennes et ses origines gréco-romaines dans le sillage d’une identité nationale frelatée, l’islam devrait s’armer du soufisme. Parce que ces idéologies occidentales représentent en essence ce qu’on appelle un trompe-l’œil. C’est-à-dire une forme de vivre ensemble dans un monde libre coincé dans des contradictions d’une civilisation à l’inverse.
En dehors de l’aspect purement politique, le soufisme joue quel rôle dans la Umma islamique ?
Vous savez que l’entraide et la solidarité constituent le socle du soufisme. Ce courant qu’est le soufisme conduit les musulmans vers la quête intérieure de communion avec le créateur et de stabilité psychique et sociale. Au-delà même de nos frontières, je dirai même que le soufisme, fort de sa dimension mystique, offre aux Africains avides de symboles un moyen d’épanouissement religieux adapté à leur milieu. Toutefois, il pourrait effacer des incongruités, véhiculées par la conduite de certains chefs religieux. C’est qu’aujourd’hui l’affairisme et l’élitisme affectent significativement les capacités mobilisatrices des confréries con­cernées. D’autant plus que les politiciens contrôlent la cour des khalifes généraux à travers certains barons.
Mais il faut préciser que l’intrusion intempestive des chefs religieux qui incarnent le soufisme dans le champ politique, piégés par l’hameçon du pouvoir, pourrait occasionner un effritement sans précédent de l’aura des marabouts soufis auprès des masses.
Vous semblez dire que le monde musulman doit s’ins-pirer de la pensée soufie…
Effectivement ! L’avenir de la spiritualité et de la civilisation en Orient, en Afrique comme en Occident se trouve dans la compréhension intérieure et ésotérique de la pensée soufie. Compréhension qui ouvre la voie du cœur et qui embrasse le monde et l’altérité plutôt que d’emprisonner la conscience dans des dogmes stériles et mortifères. Le soufisme considère les terroristes comme des ennemis de l’islam. Les actes de terrorisme ne pouvaient avoir aucune justification au nom de l’islam. Je vous dis que les terroristes ne peuvent pas prétendre que leurs suicides sont des actes commis par des martyrs qui deviendront des héros de la Umma. La pensée soufie peut être considérée comme l’argumentaire théologique le plus complet contre le terrorisme islamiste à ce jour. Parce que le soufisme écarte complètement tout type d’excuse pour justifier la violence.

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