Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Senegal    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article



 Titrologie



Le Soleil N° 13332 du 3/11/2014

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Politique

Landing Savane, sg And-Jef Authentique : « Le Pse redonne un contenu aux espérances »
Publié le mercredi 5 novembre 2014   |  Le Soleil


L’ancien
© Autre presse par DR
L’ancien ministre Landing Savané


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Le Secrétaire général de And-Jëf/ PADS Authentique qui salue le Plan Sénégal émergent, soutient que celui-ci a redonné un contenu aux espérances. Toutefois, il estime que le travail du gouvernement doit être accompagné par une mobilisation sociale adéquate portée par les forces politiques qui sont derrière l’alternance pour expliquer aux populations et les convaincre de la pertinence des politiques menées sinon les difficultés ne manqueront pas. C’est pourquoi, il demande des discussions de la majorité sur les questions politiques. Landing Savané soutient aussi que des retrouvailles avec son ancien n°2 ne sont pas d’actualité.

Depuis 2012, vos prises de parole dans le débat politique sont rares. Est-ce par souci d’efficacité ou par recul stratégique ?
Le recul est plutôt tactique que stratégique. Depuis 2012, j’ai estimé qu’il fallait laisser les nouveaux dirigeants s’affirmer, faire leurs preuves. C’était mon option. Aujourd’hui, les choses sont en train d’évoluer puisque le chef de l’Etat a appelé ses partenaires de « Bennoo Bokk Yaakaar » à une concertation sur le Plan Sénégal émergent (Pse). Les échanges ont été fructueux. Sur les questions politiques aussi, des discussions auront lieu pour voir comment, ensemble ou séparément, nous travaillerons à préparer l’avenir. Nous allons donc vers une clarification dans tous les domaines.

Quelle lecture avez-vous des évolutions thématiques dans le champ politique, économique, social depuis l’arrivée de Macky Sall ?
Beaucoup de choses ont bougé. Avec le président Macky Sall, il y a une situation nouvelle, une volonté de matérialiser certains points de la plateforme sur laquelle il a été élu. Il y a la question des biens mal acquis, celle du renforcement du système démocratique et de l’amélioration de la gouvernance, les problèmes de développement du Sénégal sont posés etc. Bref, ça bouge dans différents domaines et globalement, cela va dans le bon sens.
Toutefois, il y a beaucoup à faire pour améliorer ce qui se fait. Et le temps joue toujours contre celui qui est au pouvoir parce qu’il faut se familiariser avec l’environnement et se mettre au travail. J’espère que le chef de l’Etat et son gouvernement réussiront avant la fin de son mandat à poser des actes qui vont rassurer les Sénégalais. La situation est d’autant plus difficile dans le pays que l’environnement mondial est défavorable. Mais le Sénégal a des opportunités de faire des avancées significatives dans un certain nombre de domaines. Les discussions sur le PSE nous ont réconfortés. Les ministres qui sont intervenus au cours du séminaire s’inscrivent dans une logique de développement endogène et durable.

Quels sont les secteurs dans lesquels ces améliorations doivent être apportées ?
Le gouvernement, en présentant le Pse, a décliné 27 projets prioritaires. Je considère l’agriculture comme l’incontournable priorité dans notre pays. C’est un secteur qui est effectivement pris en charge par le Pse. Le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (Pracas) manifeste une volonté de renforcer l’autonomie du pays dans les domaines céréalier, horticole, etc., sans abandonner la culture de l’arachide. L’autosuffisance en riz est l’un des axes majeurs du Pracas. Les Sénégalais de tous bords sont unanimes à penser qu’il faut atteindre l’autosuffisance en riz. C’est possible.
Il y a également le problème de la jeunesse. Le Sénégal est un pays jeune et l’on ne peut pas envisager le développement sans procurer des emplois aux jeunes. Je constate qu’il y a une volonté de résoudre ce problème et le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) met l’accent sur cette question. C’est une direction intéressante mais je ne me contenterais pas de ce projet malgré sa pertinence. Il faut développer notre potentiel dans d’autres secteurs.

Quels sont ces autres secteurs ?
Nous savons tous que, dans nos pays, ce n’est pas l’industrie qui nous permettra de résorber le chômage des jeunes. L’agriculture, les services et l’artisanat peuvent permettre de créer beaucoup d’emplois. Les artisans sénégalais produisent des articles de qualité. Ils sont présents dans tous les domaines mais le secteur n’est pas suffisamment structuré pour tirer tous les avantages d’un développement à moyen et long terme de l’artisanat.
Qu’est-ce qu’il faut faire pour arriver à ce développement organisé ?
Il y a peu de structures de formation professionnelle et artisanale. L’apprentissage familial est le plus répandu. Il faut donc une formation qualifiante pour les différents métiers et les différents niveaux, pour permettre à nos produits artisanaux d’être conformes aux exigences du marché mondial. Bref, je mets l’accent sur la nécessité de multiplier les centres de formation à tous les niveaux sans les concentrer à Dakar. Les populations doivent retourner à la conquête de l’intérieur du pays. C’est cela qui permettra au Sénégal de s’affirmer comme une économie viable et une économie saine engagée dans la voie de l’émergence.

Une fois formé, le Sénégalais veut être fonctionnaire ou…
Il faut être clair : tous les Sénégalais ne peuvent pas être des fonctionnaires ou employés dans de grandes entreprises. Cela n’est ni possible ni souhaitable. Il faut multiplier, comme dans les pays développés, les micros, les petites et moyennes entreprises. Je crois beaucoup au développement de la micro entreprise. Dans les pays d’Asie et d’Amérique Latine, ce sont des citoyens qui créent de petites entreprises, les développent et permettent à leur pays d’aller de l’avant. Mais, si l’on croit que c’est par la fonction publique qu’on y arrivera, ce sera l’échec parce que ce n’est pas cela qui peut développer un pays. La jeunesse éduquée, y compris celles des universités, doit comprendre que l’avenir du Sénégal se construit dans d’autres secteurs que la fonction publique. D’ores et déjà, nous constatons tous que c’est dans le secteur informel que les emplois les plus nombreux se créent. Il faut réformer ce secteur tout en préservant son dynamisme et sa créativité.

Quel travail faut-il faire pour arriver à ce changement des mentalités ?
L’Etat a un rôle d’explication à faire mais l’Etat au sens de structure soutenue et promue par des forces politiques. Les partis politiques membres de la mouvance présidentielle doivent se mobiliser pour faire comprendre cela à la population. La mobilisation sociale est importante et les partis politiques ont un rôle important à y jouer. Malheureusement, depuis longtemps, on a du mal à organiser la mobilisation des forces politiques pour aller vers les populations, leur expliquer ce qu’on veut faire et pourquoi elles doivent soutenir les actions de l’Etat. Et c’est dommage parce que sans ce travail d’information et de communication avec les populations, on aura des problèmes.

Le contentieux pour la paternité de And-Jëf a-t-il coûté beaucoup d’énergie à votre parti ?
Les gens se sont faits plus de soucis que moi sur cette question. Il y a eu, à l’époque, un complot de Me Wade, nous l’avons dénoncé mais cela n’a pas empêché notre parti de fonctionner. And-Jëf s’est formé dans la clandestinité. Ce n’est pas dans la situation de légalité actuelle que nous allons être mal à l’aise. Nous avons géré la situation dans la sérénité. Avec la deuxième alternance, après des concertations avec les autorités en place, nous avons estimé que le plus simple était d’ajouter le qualificatif authentique au nom du parti et de poursuivre normalement notre activité. Cette page est donc définitivement tournée et le parti retrouve son dynamisme d’antan. Nous allons d’ailleurs organiser, le 08 novembre 2014, un séminaire d’évaluation de notre participation aux élections locales de juin dernier et d’appréciation de la situation nationale en cette période de rentrée politique.

Quelle suite donneriez-vous à la main tendue de Mamadou Diop « Decroix » pour des retrouvailles ?
C’est une question qui n’est pas d’actualité dans notre parti. Comme dit l’autre, le « bissap » est tiré, il faut le boire. L’autre groupe doit aller au bout de sa démarche. Notre priorité aujourd’hui, c’est de voir comment on peut aider le président de la République et le pays à aller de l’avant. L’opposition, elle, doit continuer de s’opposer.

Quels sont les axes participatifs de And-Jëf dans la majorité ?
Pour l’instant, nous avons privilégié la restructuration de notre parti compte tenu du complot dont nous sommes sortis. Notre priorité était de reconstruire And-Jëf/PADS pour qu’il joue pleinement son rôle politique. Les élections locales ont constitué un premier test pour nous. Nous avons été présents dans tous les départements du pays. C’était un enjeu. Nous y avons participé en général dans la coalition « Bennoo Bokk Yaakaar ». Nous avons fait élire un maire dans la région de Kolda, quelques camarades ont été élus adjoints à des maires et nous avons des centaines de conseillers sur le plan national. C’est assez satisfaisant. Nous devons cependant redoubler d’efforts.

Comment définissez-vous l’articulation de la réélection de Macky Sall dans le Plan Sénégal émergent ?
La question de la réélection se pose, il est vrai, pour l’échéance électorale 2017. Mais le Plan Sénégal émergent dépasse ce cadre et porte sur une vingtaine d’années. Quel que soit le président qui sera là, il s’inscrira en toute logique dans la mise en œuvre de ce plan. Pour le président Macky Sall, il sera jugé bien sûr à partir de ses résultats. Au Sénégal, se pose toujours la question de la réalisation des plans et des promesses électorales. Entre un projet et sa réalisation, il y a parfois des difficultés. L’administration sénégalaise a de l’expérience, son professionnalisme ne fait pas défaut. Elle regorge de compétences mais elle n’est pas toujours fiable. La confiance n’exclut pas le contrôle. C’est un message fort que je fais au régime en place. Le gouvernement doit particulièrement veiller à la qualité du contrôle dans la mise en œuvre des projets.

En tournée économique, le président de la République a beaucoup parlé d’autosuffisance en riz. Est-ce des arguments majeurs dans la gouvernance économique et sociale ?
C’est une exigence qui se présente au pays depuis l’indépendance. Si l’on a voulu construire de grands barrages, c’est parce que le Sénégal s’est retrouvé dans une situation où tout le monde consommait du riz qui n’était produit pour l’essentiel qu’en Casamance. La majeure partie du riz consommé devait être importé. Il a fallu construire des barrages pour exploiter le potentiel rizicole du nord du pays. Si l’on ne valorise pas ce potentiel en eau, ce sera une contradiction injustifiable. Le riz représente des milliards de francs Cfa de déficit commercial par an pour le pays. C’est essentiel de travailler à ce que cette situation change. Tous les régimes l’ont dit. J’espère que le pouvoir actuel arrivera à régler ce problème.

Quel est l’apport de la gauche dans l’organisation, la mobilisation de l’intelligentsia pour la mouvance présidentielle ?
On ne peut pas parler de la gauche dans la mouvance présidentielle en ce qui nous concerne. Jusqu’ici, il n’y a pas de réflexions collectives de la majorité autour des objectifs et de la démarche du gouvernement. Et c’est une lacune que nous allons combler bientôt j’espère.

Avez-vous posé ce problème ?
Non. Le séminaire de Bennoo Bokk Yaakaar est la première réunion à laquelle nous avons participé et l’on s’est limité au Pse. Le volet politique n’a pu être abordé. Il va falloir attendre la prochaine réunion pour discuter de ces questions. Et de toute évidence, nous allons en parler. L’essentiel, c’est que ce débat est bel et bien prévu et que le président est conscient de son importance.

A mi-mandat, l’impatience des Sénégalais est un des adversaires du régime. Quels doivent-être, selon vous, les nouveaux caps ?
Ce ne sont pas de nouveaux caps. Les populations attendent des réalisations puisque les choses n’ont pas pu se faire comme on l’espérait. Le Pse est venu redonner un contenu aux espérances. Il faut concrétiser cet espoir. Mais le gouvernement doit comprendre que sans une mobilisation sociale adéquate, sans la participation des forces politiques qui sont derrière l’alternance pour expliquer aux populations et les convaincre de la pertinence des politiques menées, on sera confronté à des difficultés.

Comment faire pour arriver à cette mobilisation sociale adéquate ?
Le préalable, c’est d’abord une réunion des acteurs. Une campagne électorale, ce sont les partis politiques qui se réunissent pour définir le plan et le mettre en œuvre. Le développement, c’est aussi une campagne et celle-ci ne peut pas se concevoir sans une concertation des acteurs, la définition d’une stratégie et des résultats attendus. Sur le plan politique, les acteurs majeurs notamment les forces politiques doivent se concerter et trouver les voies par lesquelles il faut concrétiser tout cela rapidement. Il faut que les populations partagent les objectifs retenus et se mobilisent pour les atteindre. Les populations, ce sont aussi les militants des partis politiques qui doivent jouer le rôle d’avant-garde. Les partis politiques qui, par le suivi des projets de l’Etat, vont éviter au gouvernement de se trouver dans une situation où des administrations désincarnées peuvent ne pas exercer le contrôle nécessaire sur les activités prévues dans les projets. Les forces politiques peuvent jouer un rôle important dans ce contrôle de l’exécution des grands projets.

L’Afrique, d’une manière générale, l’Afrique de l’ouest en particulier fait face à la menace terroriste. Quels sont les préalables pour combattre efficacement ce phénomène ?
Le terrorisme se manifeste à travers des organisations qui se réclament à tort de l’islam et constituent aujourd’hui un danger pour l’ensemble du continent. Il faut une mobilisation générale pour lui barrer la route. En Afrique de l’ouest, compte tenu de ce qui se passe au Mali et au Nigéria, nous sommes directement interpellés. On avait annoncé la libération des filles otages de Boko Haram. Cette organisation a démenti et annoncé que ces dernières ont été données en mariage. C’est très grave et cela confirme l’exigence d’une bataille acharnée contre ce cancer qu’il faut éradiquer.

Comment cette mobilisation doit-elle se faire ?
La mobilisation passe d’abord par les Etats qui sont les principaux acteurs de la lutte contre le terrorisme. Malheureusement jusqu’ici, la coopération n’a pas été à la hauteur des objectifs. Le problème du terrorisme doit être abordé par les pays visés. En Afrique de l’ouest, nos pays sont tous concernés et la Cedeao doit être au cœur d’une stratégie efficace de lutte contre le terrorisme. Cela n’a pas été le cas avec la crise malienne où la France s’est substituée à nos pays. C’est une honte et une situation à corriger. Les structures d’intervention rapide doivent être mises sur pied.
Aussi, les populations et les partis politiques doivent rappeler aux Etats que l’Afrique est trop divisée. Les organisations sous régionale, c’est bien mais il faut aller plus loin et plus vite. Avant les indépendances, on parlait d’unité africaine, de fédéralisme, le Sénégal s’est engagé dans cette voie mais cela n’a pas marché. Aujourd’hui, des projets d’union doivent être repris puisqu’individuellement nos pays sont condamnés à l’échec. Il faut donc arriver à fédérer nos Etats et il faut commencer par sa région. En Afrique de l’ouest, nous avons des structures comme l’Umeoa, la Cedeao qui devraient permettre d’aller rapidement vers une fédération ou une confédération. Ainsi, nous allons nous doter des moyens de régler nos problèmes intérieurs et de faire face à toutes les agressions d’où qu’elles viennent.

Au-delà du terrorisme, la sous région fait face à un défi sanitaire Ebola. Est-ce que ce défi a été bien pris en charge par les Etats ?
Ebola n’est pas une nouveauté. Les gens ne s’en étaient pas préoccupés sérieusement. Depuis quelques mois, la maladie est revenue en force. En écoutant la presse, on a l’impression que le continent entier est frappé. Ce qui n’a rien à voir avec la réalité, même en Sierra Leone, en République de Guinée et au Libéria.
Il n’y a pas de raisons de stigmatiser ces pays frères. On nous annonce des vaccins. Ce qui montre qu’il n’y a pas lieu de paniquer comme on veut le faire croire à l’extérieur des pays touchés. Il faut garder la sérénité, avoir des stratégies concertées de lutte contre Ebola et faire avancer les tests et les recherches pour que le vaccin soit en place dans les meilleurs délais et que l’épidémie soit jugulée. Cela va venir et peut être plus vite qu’on ne le pense.

Il y a également la question des migrations qui est devenue préoccupante. Comment l’expliquez-vous ?
Le continent a pris trop de retard en développement. L’Afrique est la région du monde où la population s’accroit le plus rapidement. La jeunesse africaine désemparée cherche à s’en sortir par l’émigration vers l’Europe notamment. La méditerranée est devenue un véritable cimetière pour les enfants du continent. Tant que le développement restera inégal entre les régions du monde, rien ne peut arrêter l’émigration des régions les plus pauvres vers les zones de prospérité relative. La seule façon de combattre efficacement l’émigration clandestine, c’est une politique de coopération qui aide les pays de départ des émigrants à se développer. Ceux qui vont en Europe, ne le font pas par plaisir mais c’est pour vivre décemment et faire vivre leurs familles.

Quel contenu donnez-vous à l’aide efficace ?
La coopération euro-africaine a été inefficace. Quand une coopération dure des décennies et ne permet pas aux pays qui reçoivent l’aide de se développer, c’est un échec. Les responsabilités sont naturellement partagées entre occidentaux et africains.

Quels sont les facteurs qui ont favorisé cet échec ?
En réalité, la coopération a plus servi les intérêts des pays du Nord. Ils sont venus se servir davantage que nous servir. Ils sont venus prendre nos matières premières, acheter nos produits agricoles à bas prix (détérioration des termes de l’échange). En 1960, le niveau de vie du Sénégalais était équivalent à celui du Sud coréen. Cinq décennies après, la Corée du Sud est devenue un pays développé alors que le Sénégal continue de trainer le pas.

La société civile émet des réserves sur les Accords de Partenariat économique. Partagez-vous ces réserves ?
Je ne soutiens pas les Accords de partenariat économique qui sont des accords déséquilibrés et consolident les avantages des pays européens dans nos pays. Ces accords ne constituent pas un véritable partenariat, ils facilitent plutôt l’écoulement des produits européens dans nos pays. Malheureusement, les gouvernements sont confrontés à un dilemme parce qu’ils comptent beaucoup sur les appuis budgétaires de l’Union européenne.

Quand vous étiez aux côtés du président Abdoulaye Wade, vous vous plaigniez de ne pas être écouté. Aujourd’hui, avez-vous le plaisir d’être écouté par le président Macky Sall ?
Ce n’est pas la même chose. C’est important de le préciser. Avec le président Abdoulaye Wade, j’ai joué un rôle de premier plan dans son élection. En 1993, au moment de l’assassinat de Me Babacar Sèye, j’étais à ses côtés alors que tous les partis l’avaient abandonné. J’ai fait la prison avec lui en 1994. Je peux dire que je suis à la base de la stratégie victorieuse des élections de 2000. J’ai défini, avec mes camarades, les stratégies par lesquelles il fallait passer pour changer de régime. J’avais des relations étroites avec lui et j’étais en droit de m’attendre à une concertation et à une écoute plus importante parce qu’il devait savoir que je ne lui souhaitais que du bien et que j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour qu’il devienne président de la République.
Avec le président Macky Sall, c’est différent puisqu’il a été élu à partir d’une coalition (Macky 2012) dont je n’étais pas membre. J’ai rejoint « Bennoo Bokk Yaakaar » avec d’autres forces politiques. Au départ, il a privilégié la concertation avec les leaders de ces coalitions primaires.
Aujourd’hui, la situation a changé, de nouvelles échéances sont en vue, les alliances vont nécessairement se reconfigurer et nous nous efforçons de définir les conditions qui vont permettre au président Macky SALL de faire les meilleurs résultats possibles.

Vous êtes un panafricaniste convaincu. Au Burkina Faso, le président Blaise Compaoré a dû démissionner pour avoir voulu se maintenir au pouvoir après 27 ans par une modification de la constitution. Que pensez-vous de la situation dans ce pays ?
Il ne faut pas être un génie pour voir que le peuple du Burkina Faso s’est inspiré de l’expérience sénégalaise, notamment du M23 pour combattre le président Blaise Compaoré. Nous devons féliciter le peuple de ce pays pour le bel exemple qu’il vient de donner à l’Afrique. Le président Compaoré lui-même a compris qu’il fallait éviter l’irréparable et il a démissionné. Les conditions sont réunies pour l’organisation d’une transition pacifique au Burkina Faso. Le dernier obstacle qu’il faut surmonter réside dans la définition du rôle que l’armée doit jouer dans la transition. C’est une question difficile que le peuple burkinabé doit régler. De toute façon, la communauté internationale, la Cedeao et l’Uemoa sont là pour aider ce pays frère et favoriser une solution civile, démocratique et pacifique de la crise actuelle par l’organisation d’élections libres et démocratiques dans les 3 prochains mois.

Quelles leçons tirer pour l’Afrique noire ?
Il faut d’abord saluer les progrès significatifs qui sont enregistrés sur le continent en termes d’avancées démocratiques. Il faut ensuite appeler les chefs d’Etat africains à faire preuve de plus de fermeté à l’égard de leurs collègues pour le respect des constitutions afin d’éviter que des situations semblables à celles que nous vivons actuellement au Burkina Faso ne puissent se reproduire.
Ces exigences sont d’autant plus importantes que la démocratisation plus poussée de nos pays favorisera des avancées plus rapides du panafricanisme et du fédéralisme à un moment où les yeux de la totalité des puissances majeures de la planète se tournent vers l’Afrique considérée comme la véritable région émergente du monde du XXIe siècle. J’appelle la jeunesse sénégalaise en particulier et la jeunesse africaine en général à se réapproprier les drapeaux du fédéralisme et du panafricanisme pour faire avancer notre continent dans le sens de l’unité qui nous permettra de devenir, au cours de ce XXIe siècle, une des premières voire la première puissance du monde. C’est à mon avis, sa mission historique. La jeunesse africaine doit l’assumer.
Landing Savane, sg And-Jef Authentique : « Le Pse redonne un contenu aux espérances »
LAST UPDATED ON MONDAY, 03 NOVEMBER 2014 11:27 MONDAY, 03 NOVEMBER 2014 10:32 WRITTEN BY AMA Write e-mailPrintPDF
Le Secrétaire général de And-Jëf/ PADS Authentique qui salue le Plan Sénégal émergent, soutient que celui-ci a redonné un contenu aux espérances. Toutefois, il estime que le travail du gouvernement doit être accompagné par une mobilisation sociale adéquate portée par les forces politiques qui sont derrière l’alternance pour expliquer aux populations et les convaincre de la pertinence des politiques menées sinon les difficultés ne manqueront pas. C’est pourquoi, il demande des discussions de la majorité sur les questions politiques. Landing Savané soutient aussi que des retrouvailles avec son ancien n°2 ne sont pas d’actualité.

Depuis 2012, vos prises de parole dans le débat politique sont rares. Est-ce par souci d’efficacité ou par recul stratégique ?
Le recul est plutôt tactique que stratégique. Depuis 2012, j’ai estimé qu’il fallait laisser les nouveaux dirigeants s’affirmer, faire leurs preuves. C’était mon option. Aujourd’hui, les choses sont en train d’évoluer puisque le chef de l’Etat a appelé ses partenaires de « Bennoo Bokk Yaakaar » à une concertation sur le Plan Sénégal émergent (Pse). Les échanges ont été fructueux. Sur les questions politiques aussi, des discussions auront lieu pour voir comment, ensemble ou séparément, nous travaillerons à préparer l’avenir. Nous allons donc vers une clarification dans tous les domaines.

Quelle lecture avez-vous des évolutions thématiques dans le champ politique, économique, social depuis l’arrivée de Macky Sall ?
Beaucoup de choses ont bougé. Avec le président Macky Sall, il y a une situation nouvelle, une volonté de matérialiser certains points de la plateforme sur laquelle il a été élu. Il y a la question des biens mal acquis, celle du renforcement du système démocratique et de l’amélioration de la gouvernance, les problèmes de développement du Sénégal sont posés etc. Bref, ça bouge dans différents domaines et globalement, cela va dans le bon sens.
Toutefois, il y a beaucoup à faire pour améliorer ce qui se fait. Et le temps joue toujours contre celui qui est au pouvoir parce qu’il faut se familiariser avec l’environnement et se mettre au travail. J’espère que le chef de l’Etat et son gouvernement réussiront avant la fin de son mandat à poser des actes qui vont rassurer les Sénégalais. La situation est d’autant plus difficile dans le pays que l’environnement mondial est défavorable. Mais le Sénégal a des opportunités de faire des avancées significatives dans un certain nombre de domaines. Les discussions sur le PSE nous ont réconfortés. Les ministres qui sont intervenus au cours du séminaire s’inscrivent dans une logique de développement endogène et durable.

Quels sont les secteurs dans lesquels ces améliorations doivent être apportées ?
Le gouvernement, en présentant le Pse, a décliné 27 projets prioritaires. Je considère l’agriculture comme l’incontournable priorité dans notre pays. C’est un secteur qui est effectivement pris en charge par le Pse. Le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (Pracas) manifeste une volonté de renforcer l’autonomie du pays dans les domaines céréalier, horticole, etc., sans abandonner la culture de l’arachide. L’autosuffisance en riz est l’un des axes majeurs du Pracas. Les Sénégalais de tous bords sont unanimes à penser qu’il faut atteindre l’autosuffisance en riz. C’est possible.
Il y a également le problème de la jeunesse. Le Sénégal est un pays jeune et l’on ne peut pas envisager le développement sans procurer des emplois aux jeunes. Je constate qu’il y a une volonté de résoudre ce problème et le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) met l’accent sur cette question. C’est une direction intéressante mais je ne me contenterais pas de ce projet malgré sa pertinence. Il faut développer notre potentiel dans d’autres secteurs.

Quels sont ces autres secteurs ?
Nous savons tous que, dans nos pays, ce n’est pas l’industrie qui nous permettra de résorber le chômage des jeunes. L’agriculture, les services et l’artisanat peuvent permettre de créer beaucoup d’emplois. Les artisans sénégalais produisent des articles de qualité. Ils sont présents dans tous les domaines mais le secteur n’est pas suffisamment structuré pour tirer tous les avantages d’un développement à moyen et long terme de l’artisanat.
Qu’est-ce qu’il faut faire pour arriver à ce développement organisé ?
Il y a peu de structures de formation professionnelle et artisanale. L’apprentissage familial est le plus répandu. Il faut donc une formation qualifiante pour les différents métiers et les différents niveaux, pour permettre à nos produits artisanaux d’être conformes aux exigences du marché mondial. Bref, je mets l’accent sur la nécessité de multiplier les centres de formation à tous les niveaux sans les concentrer à Dakar. Les populations doivent retourner à la conquête de l’intérieur du pays. C’est cela qui permettra au Sénégal de s’affirmer comme une économie viable et une économie saine engagée dans la voie de l’émergence.

Une fois formé, le Sénégalais veut être fonctionnaire ou…
Il faut être clair : tous les Sénégalais ne peuvent pas être des fonctionnaires ou employés dans de grandes entreprises. Cela n’est ni possible ni souhaitable. Il faut multiplier, comme dans les pays développés, les micros, les petites et moyennes entreprises. Je crois beaucoup au développement de la micro entreprise. Dans les pays d’Asie et d’Amérique Latine, ce sont des citoyens qui créent de petites entreprises, les développent et permettent à leur pays d’aller de l’avant. Mais, si l’on croit que c’est par la fonction publique qu’on y arrivera, ce sera l’échec parce que ce n’est pas cela qui peut développer un pays. La jeunesse éduquée, y compris celles des universités, doit comprendre que l’avenir du Sénégal se construit dans d’autres secteurs que la fonction publique. D’ores et déjà, nous constatons tous que c’est dans le secteur informel que les emplois les plus nombreux se créent. Il faut réformer ce secteur tout en préservant son dynamisme et sa créativité.

Quel travail faut-il faire pour arriver à ce changement des mentalités ?
L’Etat a un rôle d’explication à faire mais l’Etat au sens de structure soutenue et promue par des forces politiques. Les partis politiques membres de la mouvance présidentielle doivent se mobiliser pour faire comprendre cela à la population. La mobilisation sociale est importante et les partis politiques ont un rôle important à y jouer. Malheureusement, depuis longtemps, on a du mal à organiser la mobilisation des forces politiques pour aller vers les populations, leur expliquer ce qu’on veut faire et pourquoi elles doivent soutenir les actions de l’Etat. Et c’est dommage parce que sans ce travail d’information et de communication avec les populations, on aura des problèmes.

Le contentieux pour la paternité de And-Jëf a-t-il coûté beaucoup d’énergie à votre parti ?
Les gens se sont faits plus de soucis que moi sur cette question. Il y a eu, à l’époque, un complot de Me Wade, nous l’avons dénoncé mais cela n’a pas empêché notre parti de fonctionner. And-Jëf s’est formé dans la clandestinité. Ce n’est pas dans la situation de légalité actuelle que nous allons être mal à l’aise. Nous avons géré la situation dans la sérénité. Avec la deuxième alternance, après des concertations avec les autorités en place, nous avons estimé que le plus simple était d’ajouter le qualificatif authentique au nom du parti et de poursuivre normalement notre activité. Cette page est donc définitivement tournée et le parti retrouve son dynamisme d’antan. Nous allons d’ailleurs organiser, le 08 novembre 2014, un séminaire d’évaluation de notre participation aux élections locales de juin dernier et d’appréciation de la situation nationale en cette période de rentrée politique.

Quelle suite donneriez-vous à la main tendue de Mamadou Diop « Decroix » pour des retrouvailles ?
C’est une question qui n’est pas d’actualité dans notre parti. Comme dit l’autre, le « bissap » est tiré, il faut le boire. L’autre groupe doit aller au bout de sa démarche. Notre priorité aujourd’hui, c’est de voir comment on peut aider le président de la République et le pays à aller de l’avant. L’opposition, elle, doit continuer de s’opposer.

Quels sont les axes participatifs de And-Jëf dans la majorité ?
Pour l’instant, nous avons privilégié la restructuration de notre parti compte tenu du complot dont nous sommes sortis. Notre priorité était de reconstruire And-Jëf/PADS pour qu’il joue pleinement son rôle politique. Les élections locales ont constitué un premier test pour nous. Nous avons été présents dans tous les départements du pays. C’était un enjeu. Nous y avons participé en général dans la coalition « Bennoo Bokk Yaakaar ». Nous avons fait élire un maire dans la région de Kolda, quelques camarades ont été élus adjoints à des maires et nous avons des centaines de conseillers sur le plan national. C’est assez satisfaisant. Nous devons cependant redoubler d’efforts.

Comment définissez-vous l’articulation de la réélection de Macky Sall dans le Plan Sénégal émergent ?
La question de la réélection se pose, il est vrai, pour l’échéance électorale 2017. Mais le Plan Sénégal émergent dépasse ce cadre et porte sur une vingtaine d’années. Quel que soit le président qui sera là, il s’inscrira en toute logique dans la mise en œuvre de ce plan. Pour le président Macky Sall, il sera jugé bien sûr à partir de ses résultats. Au Sénégal, se pose toujours la question de la réalisation des plans et des promesses électorales. Entre un projet et sa réalisation, il y a parfois des difficultés. L’administration sénégalaise a de l’expérience, son professionnalisme ne fait pas défaut. Elle regorge de compétences mais elle n’est pas toujours fiable. La confiance n’exclut pas le contrôle. C’est un message fort que je fais au régime en place. Le gouvernement doit particulièrement veiller à la qualité du contrôle dans la mise en œuvre des projets.

En tournée économique, le président de la République a beaucoup parlé d’autosuffisance en riz. Est-ce des arguments majeurs dans la gouvernance économique et sociale ?
C’est une exigence qui se présente au pays depuis l’indépendance. Si l’on a voulu construire de grands barrages, c’est parce que le Sénégal s’est retrouvé dans une situation où tout le monde consommait du riz qui n’était produit pour l’essentiel qu’en Casamance. La majeure partie du riz consommé devait être importé. Il a fallu construire des barrages pour exploiter le potentiel rizicole du nord du pays. Si l’on ne valorise pas ce potentiel en eau, ce sera une contradiction injustifiable. Le riz représente des milliards de francs Cfa de déficit commercial par an pour le pays. C’est essentiel de travailler à ce que cette situation change. Tous les régimes l’ont dit. J’espère que le pouvoir actuel arrivera à régler ce problème.

Quel est l’apport de la gauche dans l’organisation, la mobilisation de l’intelligentsia pour la mouvance présidentielle ?
On ne peut pas parler de la gauche dans la mouvance présidentielle en ce qui nous concerne. Jusqu’ici, il n’y a pas de réflexions collectives de la majorité autour des objectifs et de la démarche du gouvernement. Et c’est une lacune que nous allons combler bientôt j’espère.

Avez-vous posé ce problème ?
Non. Le séminaire de Bennoo Bokk Yaakaar est la première réunion à laquelle nous avons participé et l’on s’est limité au Pse. Le volet politique n’a pu être abordé. Il va falloir attendre la prochaine réunion pour discuter de ces questions. Et de toute évidence, nous allons en parler. L’essentiel, c’est que ce débat est bel et bien prévu et que le président est conscient de son importance.

A mi-mandat, l’impatience des Sénégalais est un des adversaires du régime. Quels doivent-être, selon vous, les nouveaux caps ?
Ce ne sont pas de nouveaux caps. Les populations attendent des réalisations puisque les choses n’ont pas pu se faire comme on l’espérait. Le Pse est venu redonner un contenu aux espérances. Il faut concrétiser cet espoir. Mais le gouvernement doit comprendre que sans une mobilisation sociale adéquate, sans la participation des forces politiques qui sont derrière l’alternance pour expliquer aux populations et les convaincre de la pertinence des politiques menées, on sera confronté à des difficultés.

Comment faire pour arriver à cette mobilisation sociale adéquate ?
Le préalable, c’est d’abord une réunion des acteurs. Une campagne électorale, ce sont les partis politiques qui se réunissent pour définir le plan et le mettre en œuvre. Le développement, c’est aussi une campagne et celle-ci ne peut pas se concevoir sans une concertation des acteurs, la définition d’une stratégie et des résultats attendus. Sur le plan politique, les acteurs majeurs notamment les forces politiques doivent se concerter et trouver les voies par lesquelles il faut concrétiser tout cela rapidement. Il faut que les populations partagent les objectifs retenus et se mobilisent pour les atteindre. Les populations, ce sont aussi les militants des partis politiques qui doivent jouer le rôle d’avant-garde. Les partis politiques qui, par le suivi des projets de l’Etat, vont éviter au gouvernement de se trouver dans une situation où des administrations désincarnées peuvent ne pas exercer le contrôle nécessaire sur les activités prévues dans les projets. Les forces politiques peuvent jouer un rôle important dans ce contrôle de l’exécution des grands projets.

L’Afrique, d’une manière générale, l’Afrique de l’ouest en particulier fait face à la menace terroriste. Quels sont les préalables pour combattre efficacement ce phénomène ?
Le terrorisme se manifeste à travers des organisations qui se réclament à tort de l’islam et constituent aujourd’hui un danger pour l’ensemble du continent. Il faut une mobilisation générale pour lui barrer la route. En Afrique de l’ouest, compte tenu de ce qui se passe au Mali et au Nigéria, nous sommes directement interpellés. On avait annoncé la libération des filles otages de Boko Haram. Cette organisation a démenti et annoncé que ces dernières ont été données en mariage. C’est très grave et cela confirme l’exigence d’une bataille acharnée contre ce cancer qu’il faut éradiquer.

Comment cette mobilisation doit-elle se faire ?
La mobilisation passe d’abord par les Etats qui sont les principaux acteurs de la lutte contre le terrorisme. Malheureusement jusqu’ici, la coopération n’a pas été à la hauteur des objectifs. Le problème du terrorisme doit être abordé par les pays visés. En Afrique de l’ouest, nos pays sont tous concernés et la Cedeao doit être au cœur d’une stratégie efficace de lutte contre le terrorisme. Cela n’a pas été le cas avec la crise malienne où la France s’est substituée à nos pays. C’est une honte et une situation à corriger. Les structures d’intervention rapide doivent être mises sur pied.
Aussi, les populations et les partis politiques doivent rappeler aux Etats que l’Afrique est trop divisée. Les organisations sous régionale, c’est bien mais il faut aller plus loin et plus vite. Avant les indépendances, on parlait d’unité africaine, de fédéralisme, le Sénégal s’est engagé dans cette voie mais cela n’a pas marché. Aujourd’hui, des projets d’union doivent être repris puisqu’individuellement nos pays sont condamnés à l’échec. Il faut donc arriver à fédérer nos Etats et il faut commencer par sa région. En Afrique de l’ouest, nous avons des structures comme l’Umeoa, la Cedeao qui devraient permettre d’aller rapidement vers une fédération ou une confédération. Ainsi, nous allons nous doter des moyens de régler nos problèmes intérieurs et de faire face à toutes les agressions d’où qu’elles viennent.

Au-delà du terrorisme, la sous région fait face à un défi sanitaire Ebola. Est-ce que ce défi a été bien pris en charge par les Etats ?
Ebola n’est pas une nouveauté. Les gens ne s’en étaient pas préoccupés sérieusement. Depuis quelques mois, la maladie est revenue en force. En écoutant la presse, on a l’impression que le continent entier est frappé. Ce qui n’a rien à voir avec la réalité, même en Sierra Leone, en République de Guinée et au Libéria.
Il n’y a pas de raisons de stigmatiser ces pays frères. On nous annonce des vaccins. Ce qui montre qu’il n’y a pas lieu de paniquer comme on veut le faire croire à l’extérieur des pays touchés. Il faut garder la sérénité, avoir des stratégies concertées de lutte contre Ebola et faire avancer les tests et les recherches pour que le vaccin soit en place dans les meilleurs délais et que l’épidémie soit jugulée. Cela va venir et peut être plus vite qu’on ne le pense.

Il y a également la question des migrations qui est devenue préoccupante. Comment l’expliquez-vous ?
Le continent a pris trop de retard en développement. L’Afrique est la région du monde où la population s’accroit le plus rapidement. La jeunesse africaine désemparée cherche à s’en sortir par l’émigration vers l’Europe notamment. La méditerranée est devenue un véritable cimetière pour les enfants du continent. Tant que le développement restera inégal entre les régions du monde, rien ne peut arrêter l’émigration des régions les plus pauvres vers les zones de prospérité relative. La seule façon de combattre efficacement l’émigration clandestine, c’est une politique de coopération qui aide les pays de départ des émigrants à se développer. Ceux qui vont en Europe, ne le font pas par plaisir mais c’est pour vivre décemment et faire vivre leurs familles.

Quel contenu donnez-vous à l’aide efficace ?
La coopération euro-africaine a été inefficace. Quand une coopération dure des décennies et ne permet pas aux pays qui reçoivent l’aide de se développer, c’est un échec. Les responsabilités sont naturellement partagées entre occidentaux et africains.

Quels sont les facteurs qui ont favorisé cet échec ?
En réalité, la coopération a plus servi les intérêts des pays du Nord. Ils sont venus se servir davantage que nous servir. Ils sont venus prendre nos matières premières, acheter nos produits agricoles à bas prix (détérioration des termes de l’échange). En 1960, le niveau de vie du Sénégalais était équivalent à celui du Sud coréen. Cinq décennies après, la Corée du Sud est devenue un pays développé alors que le Sénégal continue de trainer le pas.

La société civile émet des réserves sur les Accords de Partenariat économique. Partagez-vous ces réserves ?
Je ne soutiens pas les Accords de partenariat économique qui sont des accords déséquilibrés et consolident les avantages des pays européens dans nos pays. Ces accords ne constituent pas un véritable partenariat, ils facilitent plutôt l’écoulement des produits européens dans nos pays. Malheureusement, les gouvernements sont confrontés à un dilemme parce qu’ils comptent beaucoup sur les appuis budgétaires de l’Union européenne.

Quand vous étiez aux côtés du président Abdoulaye Wade, vous vous plaigniez de ne pas être écouté. Aujourd’hui, avez-vous le plaisir d’être écouté par le président Macky Sall ?
Ce n’est pas la même chose. C’est important de le préciser. Avec le président Abdoulaye Wade, j’ai joué un rôle de premier plan dans son élection. En 1993, au moment de l’assassinat de Me Babacar Sèye, j’étais à ses côtés alors que tous les partis l’avaient abandonné. J’ai fait la prison avec lui en 1994. Je peux dire que je suis à la base de la stratégie victorieuse des élections de 2000. J’ai défini, avec mes camarades, les stratégies par lesquelles il fallait passer pour changer de régime. J’avais des relations étroites avec lui et j’étais en droit de m’attendre à une concertation et à une écoute plus importante parce qu’il devait savoir que je ne lui souhaitais que du bien et que j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour qu’il devienne président de la République.
Avec le président Macky Sall, c’est différent puisqu’il a été élu à partir d’une coalition (Macky 2012) dont je n’étais pas membre. J’ai rejoint « Bennoo Bokk Yaakaar » avec d’autres forces politiques. Au départ, il a privilégié la concertation avec les leaders de ces coalitions primaires.
Aujourd’hui, la situation a changé, de nouvelles échéances sont en vue, les alliances vont nécessairement se reconfigurer et nous nous efforçons de définir les conditions qui vont permettre au président Macky SALL de faire les meilleurs résultats possibles.

Vous êtes un panafricaniste convaincu. Au Burkina Faso, le président Blaise Compaoré a dû démissionner pour avoir voulu se maintenir au pouvoir après 27 ans par une modification de la constitution. Que pensez-vous de la situation dans ce pays ?
Il ne faut pas être un génie pour voir que le peuple du Burkina Faso s’est inspiré de l’expérience sénégalaise, notamment du M23 pour combattre le président Blaise Compaoré. Nous devons féliciter le peuple de ce pays pour le bel exemple qu’il vient de donner à l’Afrique. Le président Compaoré lui-même a compris qu’il fallait éviter l’irréparable et il a démissionné. Les conditions sont réunies pour l’organisation d’une transition pacifique au Burkina Faso. Le dernier obstacle qu’il faut surmonter réside dans la définition du rôle que l’armée doit jouer dans la transition. C’est une question difficile que le peuple burkinabé doit régler. De toute façon, la communauté internationale, la Cedeao et l’Uemoa sont là pour aider ce pays frère et favoriser une solution civile, démocratique et pacifique de la crise actuelle par l’organisation d’élections libres et démocratiques dans les 3 prochains mois.

Quelles leçons tirer pour l’Afrique noire ?
Il faut d’abord saluer les progrès significatifs qui sont enregistrés sur le continent en termes d’avancées démocratiques. Il faut ensuite appeler les chefs d’Etat africains à faire preuve de plus de fermeté à l’égard de leurs collègues pour le respect des constitutions afin d’éviter que des situations semblables à celles que nous vivons actuellement au Burkina Faso ne puissent se reproduire.
Ces exigences sont d’autant plus importantes que la démocratisation plus poussée de nos pays favorisera des avancées plus rapides du panafricanisme et du fédéralisme à un moment où les yeux de la totalité des puissances majeures de la planète se tournent vers l’Afrique considérée comme la véritable région émergente du monde du XXIe siècle. J’appelle la jeunesse sénégalaise en particulier et la jeunesse africaine en général à se réapproprier les drapeaux du fédéralisme et du panafricanisme pour faire avancer notre continent dans le sens de l’unité qui nous permettra de devenir, au cours de ce XXIe siècle, une des premières voire la première puissance du monde. C’est à mon avis, sa mission historique. La jeunesse africaine doit l’assumer.


 Commentaires