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Le Quotidien N° 3485 du 13/9/2014

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Pape Birahim, chanteur : «Celui qu’on ne pirate pas n’est pas bon»
Publié le lundi 15 septembre 2014   |  Le Quotidien




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A 30 ans seulement, Pape Birahim Ndiaye est parvenu à faire son trou dans le paysage de la musique au Sénégal. Sur les plages, dans les radios, ou les télévisions, le jeune artiste est incontestablement l’une des stars du show-biz de cet été. Il fait chavirer son public. Dans cet entretien, qu’il a accordé au journal Le Quotidien dans les locaux de son label Prince Arts, le chouchou de la Médina entend néanmoins garder les pieds sur terre, non sans écarter ceux qui l’accusent d’instrumentaliser sa voix. Pourtant, la trajectoire de l’homme aux dreadlocks est pour le moins inédite. Transfuge du RnB et du reggae, Pape Birahim s’épanouit aujourd’hui dans le mbalax.
Pouvez-vous faire brièvement un résumé de votre parcours ?
Avant tout, permettez-moi de saluer tout le monde, aussi bien au Sénégal qu’en Europe. Je remercie tous les fans de Pape Birahim. Cela dit, j’ai un long parcours. J’ai commencé à chanter lorsque j’étais à l’école franco-arabe. En fait, je m’amusais à le faire. Parfois lorsqu’on revenait de l’école, c’était moi qui dirigeais les récitals des versets de Coran. J’avais un oncle qui s’activait dans ce milieu de chants religieux. Parfois c’est moi qui le secondais. Je chantais dans les séances de faux lion, dans les séances de lutte traditionnelle. Cependant, je n’avais jamais pensé que je pouvais un jour être musicien. Je ne le faisais que pour me divertir, mais le bon Dieu en a décidé autrement
Quand avez-vous donc décidé de vivre de la musique?
A l’époque, j’avais fait un duo avec un ami qui s’appelle Doudou Kaïré. J’assurais le rôle de choriste dans ce tube. Ensuite, j’ai continué à chanter dans les écoles. J’ai rencontré une femme, prénommée Juliette, qui m’a dit qu’elle allait m’emmener à Prince Arts. Au début, j’étais un peu réticent car je n’y croyais pas tellement. J’ai hésité plusieurs fois, et finalement j’en ai parlé à un ami qui m’a donné son approbation. En ce moment-là, le label se trouvait au niveau des Almadies. J’y suis allé et j’ai fait des tests en chantant en studio. L’amour de la musique commençait à s’introduire en moi. Et je me suis dit que peut-être c’est mon destin qui est en marche.

On vous a connu aussi dans le milieu du RnB et du reggae…
Effectivement, je faisais du rap avec groupe Klan de l’Ouest de la Medina. Dans ce groupe, j’assurais les refrains. J’ai aussi été Reggae man dans beaucoup de groupes, comme Timshell Band et tant d’autres. Je rappelle que lorsque Richie Spice venait au Sénégal, c’est moi qui avais assuré la première partie. Quand Adia man est venu au stade Ibar Mar Diop, je faisais partie de ceux qui chantaient la première partie. J’avais un groupe de reggae qui se dénommait Osez family. J’étais le lead vocal et les autres comme Papis, Issa, Lamine Kaolack, Tacko et Iba complétaient le groupe.

Toujours dans la musique reggae vous avez sorti Africa Unity dans le groupe Black Light
Exactement, c’était avec l’ami dont je vous ai parlé tout à l’heure, Doudou Kaïré. J’étais son choriste dans un Cd de reggae et après on est venu au Prince Arts. Ce tube, on l’a produit lors d’un concours qui a eu lieu sur la chaîne Africable. Au finish, c’est nous qui avons remporté la timbale.
Mais ce n’est qu’en 2007 que vous vous êtes révélé aux Sénégalais, dans le morceau Sa Rimbam avec Babacar Seck et Pape Dali Ndiaye. Pouvez-vous revenir un tout petit peu sur ce tube qui avait fait grand bruit dans le milieu du show-biz ?
En ce moment-là, je venais d’intégrer Prince Arts. Et dans les règles du label, il faut impérativement faire des duos pour les nouveaux venus. Il fallait que je compose des duos avec d’autres chanteurs du label pour me faire connaître du public. C’est pourquoi, j’ai partagé avec eux (Babacar Seck et Pape Dali Ndiaye. Ndlr). Je dois avouer qu’au début, ils ne me connaissaient pas. C’est Ibou Ndour qui me les avait proposés, en leur faisant comprendre que j’avais du talent. J’avais fait avec eux ce tube Sa Rimbam.
En dépit de ce succès, vous avez pris sept années pour sortir un album. Pourquoi cette longue absence de la scène musicale ?
Je ne partage pas votre avis. Après le tube Sa Rimbam, j’étais le choriste de Titi. Avant cela, depuis 2004, je suis au Prince Arts. Donc cela fait dix ans que je n’ai pas quitté la musique. Durant cette décennie, je secondais d’autres chanteurs du label, par modestie. Ce n’était pas par manque d’ambition. Loin s’en faut ! Pour moi, quand on veut devenir, il faut accepter d’être un élève. J’assurais ce rôle secondaire. A cause de cela, j’ai eu à essuyer certaines critiques. Parfois, on disait que j’étais meilleur que ces gens que je secondais. Néanmoins, je ne me suis pas monté la tête. J’ai su garder les pieds sur terre en me disant qu’à partir du moment que le label m’a demandé de les accompagner, je devais assurer sans broncher. Aujourd’hui je ne regrette pas de l’avoir fait. D’ailleurs, je suis fier d’eux parce que ce sont de grands artistes et ce sont des amis qui vraiment, ont de la reconnaissance envers moi.
Venons-en maintenant à votre album From Médina, qui a fait son trou dans le show-biz. D’abord pourquoi ce titre ?
Avant tout, Médina représente beaucoup pour moi : c’est ma fierté. J’ai grandi là-bas. J’ai étudié également dans cette commune. Au Sénégal, c’est la première fois qu’un album porte le nom de Médina. Souvent, les autres chanteurs sortent des titres comme Ndortel (premier album de feu Ndongo Lo), Aduna, Jamm etc. Moi, j’apporte une touche originale avec From Médina. Pourquoi ? Parce que, Médina était jadis un quartier très peuplé. Maintenant, la plupart des premiers habitants ont déménagé. J’ai senti que les gens commençaient à se désintéresser de la Médina. Par devoir de rappel à la conscience collective envers la beauté de cette commune, j’ai produit cet album histoire de ressusciter la Médina. Bien entendu, Youssou Ndour a été le premier à chanter Médina et cela avait un grand succès. Comme il est mon idole, j’ai aussi voulu faire de même. Je me suis porté volontaire avec l’aide des gens de la Médina, pour produire cet album avec mon label Prince Arts.
Donc vous vous identifiez à Youssou Ndour ? Est-ce qu’il vous aide ?
Youssou Ndour est tout pour nous. Si j’ai aujourd’hui le courage de chanter, c’est à lui que je le dois. Je lui dois une fière chandelle.
Vous avez évoqué une originalité dans votre musique. Pourtant vous insistez sur le thème de l’amour que l’on retrouve dans les autres morceaux des chanteurs de Mbalax. A part le titre de l’album, où se trouve votre originalité ?
Pourtant dans l’album de 9 titres, vous ne pouvez pas me citer plus de deux morceaux relatifs à l’amour. C’est le tube Ki ma doon set en version mbalax et acoustique et Love you forever. Les autres morceaux s’intitulent Jogalfight, la manière dont l’homme doit préserver sa femme, Nitt, From Médina, Jamm Jusaax où je relate les problèmes qui existent dans les familles : un thème d’actualité, Naby ou le prophète Mahomed (Psl) qui est l’exemple de tout musulman. Cependant, les gens font la confusion en disant que je ne parle que d’amour.
Est-ce que ce ne sont pas les plus écoutés ?
Peut-être mais alors, qu’on arrête de dire que Pape Birahim ne chante que l’amour. Les titres que j’ai énumérés tout à l’heure sont des sujets d’actualité.
Est-ce que cette diversité dans votre musique vous conduit à produire avec le rappeur Pps dans le morceau Love you forever ?
Absolument. Je suis un produit du Rnb et du reggae. Je ne pouvais pas laisser ce passé en rade. Surtout que Pps est un jeune très talentueux et promu à un bel avenir dans la musique. Parfois je change ma musique. Bref, je suis polyvalent.
Aujourd’hui, vous avez écarté les genres Rnb et reggae au profit du Mbalax ?
Pas du tout. On est au Sénégal et je fais ce qui plaît aux Sénégalais. Je ne vais pas chercher à me casser la tête. Je ne suis ni un Américain encore moins un Jamaïcain, je suis un Sénégalais.
Qu’est ce qui plaît aux Sénégalais ?
Le Mbalax ! (Il répète avec des éclats de rires) Vous savez que les gens aiment cette musique bouil­lonnante. Ce n’est pas pour rien qu’on la met lors des baptêmes et toutes les autres fêtes. Les gens vous invitent et vous jouez avec votre groupe. Sur le plan international, je peux faire autre chose mais ici, je produis du mbalax pur, avec du piment dedans. Je vous assure que je peux transformer mes sons mbalax en d’autres genres musicaux. Quand je joue au Just 4 U, je ferai autre chose que du mbalax.
On s’aperçoit que le mbalax non seulement ne s’exporte pas ailleurs, vous l’avez-vous-même admis. Aujourd’hui Pape Birahim a du succès mais demain, vous serez forcément victime de l’usure qui frappe cette musique, comme vos prédécesseurs. Qu’allez-vous faire pour pérenniser votre album auprès du public ?
Je suis un fan de Youssou Ndour, un monument de la musique. Comme c’est notre référence, on va voir ce qu’il a fait pour s’en sortir. Je rappelle que les sons de Youssou sont toujours d’actualité parce qu’il a eu le courage, le sérieux, et la discipline pour réaliser l’image qu’il incarne aujourd’hui. L’artiste doit gérer sa carrière avec ses vertus que je viens d’énumérer. Le métier d’artiste est un peu dur. Mon objectif n’est pas de produire un album et avoir du succès. J’œuvre dans le sens de faire une grande carrière. Par conséquent, je ne vais pas limiter ma musique au Sénégal. Je prie Dieu de me donner la santé pour réaliser ce projet d’envergure, car rien ne sera facile. Quelqu’un qui se réfère à Youssou Ndour n’ira jamais à gauche.
En dehors de la musique, qu’est-ce que vous faites pour aider les jeunes de la Médina?
J’ai prié Dieu de me donner quelque chose pour que j’aide mes jeunes frères. Pour l’instant, je viens de débuter une carrière musicale. Après, le futur appartient au Tout-Puissant.
Maintenant, vous chantez les louanges du prophète Mahomed (Psl). Un domaine qu’on croyait réservé aux chanteurs religieux avec un style très oriental ?
Vous pouvez vous-même chanter les louanges du prophète. C’est un champ qui n’est réservé à personne. Si la musique ne vous plaît pas, vous pouvez l’écrire en poème. Les chanteurs religieux n’aiment pas Naby plus que nous. Le prophète n’est pas seulement pour eux. Tout musulman peut chanter Mahomed s’il le sent. Je vais vous raconter une anecdote. J’ai une fan chrétienne qui m’a dit que le son Naby lui va droit au cœur. Il la fait pleurer. Un Français m’a dit aussi la même chose.
Maintenant on dit que la voix de Pape Birahim n’est pas naturelle. Autrement dit, la beauté de votre voix n’est que le fait d’instruments de musique.
(Il éclate de rires) Est ce que vous le croyez ?
Je n’en sais rien. Vous êtes devant les Sénégalais. Alors, édifiez-les !
La musique est faite à base de techniques. Ma voix est un don de Dieu. Je n’ai pas la plus belle voix du Sénégal. Je ne fais rien d’extraordinaire. J’ai travaillé pour la rendre plus belle. Cette beauté parfois induit les gens à croire que j’instrumentalise ma voix, parce qu’il y a un écho que produit cette voix.
Donc vous convenez avec moi qu’il y a des gens qui affirment cela ?
Bien sûr ! Ce que je peux dire, c’est qu’il y a plusieurs manières d’appréhender la musique. On peut chanter sans se fatiguer. C’est pourquoi, j’utilise ma voix comme je le veux (il se met à chanter). Vous voyez que ma voix est naturelle. Elle n’est pas le fruit de mon travail mais un don du Ciel. Parfois, j’ai du mal à réaliser ce que produit ma voix.
Fatalement, vous souffrez de la piraterie en ce qui concerne votre album ?
Évidemment ! Mais ce n’est pas grave. Quand on pirate ton album, c’est parce que ton produit est bon. Celui qui fait cela, achète l’album en question avant de s’adonner à cette pratique illicite. Un artiste qu’on ne pirate pas doit se regarder dans un miroir. Pour moi, la piraterie n’est pas une tragédie. Dans cet album, grâce à Dieu, on s’en sort tant bien que mal financièrement.
Quel âge avez-vous ?
Je suis né en 1984. Par conséquent j’ai 30 ans.
Etre-vous marié ?
Je suis célibataire sans enfant.
Pourquoi ?
Le temps ne me permet pas d’avoir une vie de famille. Il faut que je me concentre sur mon album qui vient de sortir. Je dois être patient car je ne veux pas me causer du stress.
Mais Pape Birahim a une petite amie qui s’occupe de lui quand-même ?
Je cherche toujours mais je n’ai pas encore trouvé.
Mais vous subissez donc les harcèlements des filles ?
Je n’en sais rien. En tout cas, je cherche une fille qui pourrait me convenir.
Quels sont vos projets ?
En fait, après la promotion de l’album le 7 septembre dernier à la Maison de la culture Douta Seck, on prévoit aussi d’autres séries de promotion. Pour moi, l’album From Médina est un album international
Pourquoi ?
Mais parce que les Européens l’écoutent. D’ailleurs, certains parmi eux doivent venir me rendre visite parce que le style et l’harmonie de l’album leur plaisent. Au début, ils croyaient que je n’étais pas un Sénégalais à cause de la mélodie que j’ai produite. Avec cela, je me suis dit tout simplement que la musique du Sénégal peut s’exporter, cela dépend de la manière de la faire. Les Européens me disent comment je peux utiliser certains rythmes. Par conséquent, je m’inscris en faux contre ceux qui disent que le mbalax ne peut dépasser les frontières du Sénégal. Cela dépend de la manière de l’arranger. Je peux même produire un album avec des tam-tam tout court. On peut aussi produire des albums en reggae ou en Rnb.

Votre passage du rap au mbalax ne va-t-il pas vous créer des ennuis avec vos ex-camarades du rap ? On l’a vu avec Fata qui subit des critiques de la part des rappeurs ?
Le reggae et le rap sont des genres très jaloux. Y sortir des albums et vouloir migrer vers des genres comme le mbalax est souvent source de critiques. Mais heureusement, je n’ai pas pu sortir des albums dans ces genres musicaux. Autrement dit, je ne me suis pas fait un nom dans ces milieux.
En tant qu’artiste, quel est le message que vous lancez aux autorités ?
D’abord, j’exhorte mes fans à m’appuyer pour tout ce qui concerne cet album. Je lance un appel aux autorités à œuvrer dans le sens de réussir l’union pour que chacun ne soit pas lésé et apporte sa pierre à l’édifice. Le public aussi ne doit pas t’aimer aujourd’hui et t’oublier demain. C’est ce qui freine l’exportation de la musique. Le public doit aider les artistes en les poussant vers le succès pour que les gens nous considèrent avec respect à l’extérieur. C’est important. Aujourd’hui les Nigérians sont en train de cartonner au niveau mondial (comme P-Square). Ils sont poussés et aidés par leurs fans. Même en Guinée, les gens le font. Les autorités doivent aussi aider les jeunes artistes qui n’ont pas les moyens de sortir des albums. Tous les chanteurs sont d’égale dignité.

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