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Enquête Plus N° 952 du 18/8/2014

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Mary Teuw Niane, ministre de l’enseignement supérieur: Un professeur dans le mouvement
Publié le mardi 19 aout 2014   |  Enquête Plus


Le
© aDakar.com par DF
Le gouvernement dégage 180 millions de FCFA pour des projets de recherche
Dakar, le 21 Mai 2014- Le gouvernement a mis à la disposition des chercheurs une enveloppe de plus de 180 millions de francs CFA pour le financement de leurs projets qui cadrent avec les priorités fixées par l`Etat, a annoncé, mercredi à Dakar, le ministre de l`Enseignement supérieur et de la Recherche, Mary Teuw Niane. Mary Teuw Niane s`exprimait lors de la cérémonie officielle de remise symbolique de chèques et de signature de contrats de subvention entre son département et les chercheurs bénéficiaires du FIRST. Photo: Mary Teuw Niane, ministre de l`enseignement supérieur et de la recherche


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Depuis qu’il a été nommé ministre de l’Enseignement supérieur, Mary n’a presque jamais quitté les projecteurs de l’actualité. Qui est cet homme ? Les Sénégalais savent qu’il est un brillant intellectuel, mais ils connaissent sans doute moins sa personnalité. En tout cas, ses amis le retrouvent humble et constant dans ses idées, alors que ses pourfendeurs constatent un virement spectaculaire chez un mathématicien qui ne souffre plus la contestation.

Mary… Teuw… Niane. Un nom en trois mots, faisant écho à une vie qu’un de ses collègues en l’occurrence Samba Traoré veut résumer en autant de photos. Trois images représentant chacune un corps, une attitude et une conviction, selon ce dernier. La première d’entre elles date de l’ère Abdou Diouf. La personne qui y est s’appelait alors Professeur…tout court. Visage émacié, la tête détachée nettement du corps par un cou étiré. Mode afro et développant une barbichette, le professeur, habillé d’une chemise multicolore ‘’nage’’ dans un grand costume qui dépasse largement ses épaule.

Au-delà de la sobriété, cette photo symbolise également aux yeux de ceux qui l’ont connu le caractère de l’homme à l’époque. Amis et détracteurs restent unanimes sur ses qualités d’alors. ‘’Il reste toujours ce qu’il a été. Rien ne peut le changer’’, précisent tour à tour deux de ses amis Mme Guèye Aminata Ba et Amadou Makhoradia Diop, de même que son collaborateur depuis 20 ans : Abdou Sène.

Par contre, d’autres qui l’ont pratiqué il y a plus d’une décennie déclarent avoir noté un changement bien étrange. Saliou Ndour, enseignant à l’Université Gaston Berger, en fait partie. Il a été aussi son voisin à la cité Galène, mais surtout quelqu’un de très proche de l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. «Je peux même dire son bras droit», confit-il. En 2003, Mary Teuw Niane l’avait convaincu à intégrer le Parti démocratique sénégalais.

Auparavant, l’actuel ministre a milité d’abord au PAI clandestin (1976), puis au Parti de l’indépendance et du travail (PIT) qu’il a quitté en 1993, après que la formation dirigée par Amath Dansokho a accepté d’entrer dans le gouvernement des socialistes, selon Saliou Ndour. ‘’Il n’était pas d’accord avec ce qu’on appelait à l’époque l’entrisme’’. Le concerné lui préfère parler de raisons personnelles. Ce passé, il l’assume toujours. ‘’Je suis de gauche. Je crois à la solidarité sociale’’, avoue-t-il. En 1978, représentant le PAI au festival de la jeunesse, il fait un séjour de 15 jours à Cuba, pays dont il aime beaucoup la musique.

Avant une quelconque fonction politique, tout ce que Saliou voyait en son ‘’maître’’, c’était l’humilité, la compétence et la conviction. Saluant toujours avec les deux mains, l’homme, né le 15 juillet 1954 à Dakar Bango, était tellement modeste qu’il rasait les murs. Un jour, Saliou a accompagné son mentor rendre visite à des militants. Ces derniers ne l’ayant pas reconnu ont pris l’un pour l’autre. ‘’Comme j’étais bien habillé, ils m’ont dit :’’professeur, venez’’. J’ai dit non, ce n’est pas moi, c’est lui’’. Et notre interlocuteur de conclure : ‘’il m’arrivait de le regarder et de dire : ‘’kii moma gueune (celui-là vaut mieux que moi). Et j’étais prêt à mourir pour lui’’. Afin d’apporter plus de poids à ce témoignage, Amadou Makhouradia qui a vécu avec Mary Teuw Niane en France ajoute : ‘’Il n’entrait jamais dans la chambre des étudiants avec ses chaussures. Quand on lui demandait le pourquoi, il disait que c’était son éducation’’.

Cet homme maigrichon sur la photo n’était pas que modeste, il est aussi travailleur. Investit de la confiance de l’ancien président Abdoulaye Wade, il se consacre en 2001-2002 sur la Carte Universitaire du Sénégal dont il est le Président de Commission. Il abattit tellement de travail qu’il rentra malade à Saint Louis. Les enseignants, les unités de formation et de recherche (UFR), le recteur de l’époque Ndiawar Sarr ont dû batailler ferme pour qu’il soit pris en charge, si l’on en croit Oumar Diop, enseignant à l’UFR-SAT (sciences appliquées et technologie. Même le Saes devenu son plus farouche adversaire a dû observer une grève de 48h pour obliger l’Etat à l’évacuer en France. Cependant, Oumar Diop trouve que rien de ce travail-là n’a été gratuit. ‘’C’était juste pour arriver à ses fins. Il sait s’appuyer sur son entourage.’’

Affecté à l’école normale des jeunes filles

En ce qui concerne sa valeur scientifique, il faut la chercher dans ses nombreuses distinctions honorifiques et son cursus. Toujours premier de sa classe et admis au concours d’entrée en sixième en classe de CM1, son entrée à l’école française est pourtant le coup du Destin. ‘’J’ai perdu très tôt mon père. Il n’était pas prévu que j’aille à l’école publique. L’école était dans le camp et il n’y avait que les enfants des enseignants qui y servaient qui y étaient admis. Mais en 1963, l’école primaire du camp militaire manque d’élèves à tel point que l’inspection a menacé de la fermer à la prochaine rentrée’’, se rappelle-t-il.

Ce fut alors un recrutement massif qui lui ouvre les portes de l’éducation occidentale, avec un rajout d’un an, parce que trop jeune. Le coup du destin se répétera par la suite. Pour la petite anecdote, il a été affecté à l’école normale des jeunes filles à cause de son prénom (Mary). A l’époque, le chétif voulait devenir instituteur pour aider sa mère ménagère et commerçante. Il finit au lycée Charles De Gaule, grâce à l’intervention de Daouda Keita, directeur de CEG Cazeille de Saint-Louis.

Dieu avait donc déjà décidé de sa rencontre avec son ‘’ami’’ Samba Traoré. Dans la deuxième photo postée par ce dernier et datant de l’air Wade, le professeur semble avoir changé de physique. Habillé d’une toge noire au col blanc, le recteur a les joues rebondies et des cheveux mieux soignés. Ce changement normal pour le grand public se révèle chez certains collègues de l’UGB comme une mue de la personnalité. Pendant son séjour au rectorat de 2003 à 2012, ses collègues disent avoir découvert peu à peu des facettes inconnues. Adepte des méthodes cavalières, selon Oumar Diop, sa gestion devient solitaire. ‘’Quand il a une idée, il fonce. Il n’écoute personne. Il écarte systématiquement ceux qui n’ont pas la même vision que lui’’, affirme-t-il.

Pourtant sa nomination comme recteur de l’UGB avait suscité beaucoup d’espoir. Nombreux sont ceux qui se sont félicités de cette décision, le considérant comme un homme du sérail. Même le secrétaire général du Saes Seydi Ababacar Ndiaye avait salué sa promotion. Une ‘’précipitation’’ que ses camarades de Saint-Louis ont du mal à lui pardonner. ‘’A l’époque, nous à l’UGB, nous avions dit que ça ne concernait que lui et sa famille, puisqu’il avait obtenu ce poste par transhumance’’, objecte Oumar Diop.

Transhumance ! Militant du PDS en 2003, il gèle ses activités en 2009. Ce gel est pourtant la conséquence d’un acte qui traduit son courage et sa sincérité, selon ses amis. Dans un contexte très tendu, il écrit une lettre à Wade, confit-on, pour lui demander de ne pas se représenter à l’élection présidentielle de 2012. Mary Teuw confirme et avoue y avoir ajouté la dissolution du SENAT. ‘’Il faut être honnête avec les responsables. Le rôle d’un intellectuel, c’est la critique constructive. Nous avons écrit après une analyse objective de la situation. La suite m’a donné raison’’. Ce courage, il l’a réitéré à l’Ucad II quand il a demandé aux enseignants de corriger correctement la copie des étudiants au lieu de les sacrifier. Du PDS, il passe à l’APR. Beaucoup disent que c’est entre les deux tours. Lui se refuse à tout commentaire et prend date. ‘’Le moment venu, je vais écrire mes mémoires. Je parlerai de tout cela, avec le recul’’.

‘’Le temps de la discussion est terminée’’

Mais jusqu’ici, quoi que puissent penser de lui ses camarades de l’UGB, le commun des Sénégalais ne retenait pratiquement de lui que le mathématicien de renom. Arrive alors l’heure de la troisième photo. Sur l’image, c’est un Mary Teuw qui a de l’embonpoint. Visage bouffi, lunettes transparentes, cheveux bien taillés sur le front et la peau lumineuse, le ministre porte une veste bleu marine luisant avec une chemise blanche assortie d’une cravate rouge bordeaux bien nouée. Ses détracteurs l’accusent d’avoir non pas ‘’changé’’ mais ‘’retourné’’ sa veste. L’opinion publique découvre alors le ministre au discours ferme, à la méthode autoritaire. ‘’Le temps de la discussion est terminée’’ ou ‘’Force restera à la loi’’, répète-t-il. ‘’J’aime dire les choses telles qu’elles’’, se justifie-t-il.

Ses amis viennent en appui. ‘’C’est quelqu’un qui étudie la question dans tous ses aspects avant de prendre une décision. Il ne prend jamais de décision au pied levé. C’est pourquoi quand il se décide, il n’est pas facile de lui faire changer d’avis’’, renseigne Makhouradia Diop. ‘’Il faut lui opposer des arguments solides. Il ne supporte pas ceux qui critiquent pour critiquer’’, ajoute Abdou Sène.

Pendant ce temps, dans l’opinion, principalement la communauté universitaire, l’on ne supporte plus le poids de ses décisions. Sa pédagogie est ‘’arrogante’’ selon Birahim Seck du Forum civil. A chaque nouvelle mesure, il jette presque toute la responsabilité sur les étudiants. Il s’est vite fait vomir par le Saes, son ancien syndicat. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir les félicitations du président de la République. Une caution de taille qui fait qu’il est resté figé dans sa démarche, malgré les nombreuses interpellations à tel point qu’il s’est presque mis toute la communauté universitaire dans le dos.

A-t-il été trop enivré par ses certitudes ? Ou alors est-ce son 1,50 m environ qui ne lui a pas permis de voir venir ? Une certitude : sa situation actuelle n’est pas enviable. Finira-t-il par jeter l’éponge ou sera-t-il démis de ses fonctions ? Une équation à plusieurs inconnues pour un mathématicien de sa trempe et dont le sommeil est hanté depuis quelques jours par la mort tragique de l’étudiant Bassirou Faye. Cruel destin !

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