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Tamsir Ndir, le chef cuisinier et DJ qui mixe les épices locales pour la valorisation de la cuisine africaine
Publié le lundi 26 aout 2024  |  bbc
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Il se définit comme explorateur culinaire et spécialiste des cuisines d’Afrique de l’Ouest. Il exerce cet art depuis bientôt trente (30) ans, confie-t-il à BBC Afrique.

C’est dans un restaurant au cœur de Dakar que nous rencontrons cet homme, grand de taille, teint noir, toujours souriant et portant des verres avec une monture verte.

Tamsir Ndir, puisque c’est de lui qu’il s’agit, après avoir eu son Master en ressources humaines et travaillé pendant longtemps au Canada, a décidé de tout laisser pour se consacrer à la cuisine.

Une décision qui a surpris ses parents et tout son entourage qui ont tenté, dans un premier temps, de le décourager. « Ma mère m’a toujours soutenu dans mes choix. Mais mon papa était surpris et m’a dit : on t’a envoyé au Canada faire des études et tu veux faire la cuisine ? », se souvient Tamsir Ndir.

Mais sa détermination et sa passion pour l’art culinaire ont eu raison de l’opposition de ses parents et surtout des préjugés des amis et proches qui s’y sont mêlés par la suite et qui le qualifiaient d’« artiste ». « On aime bien ce terme au Sénégal pour qualifier quelqu’un d’un moins que rien », explique-t-il.

Mais depuis 30 ans, Tamsir Ndir fait ses preuves et reconnaît aujourd’hui que ses premiers soutiens sont ces mêmes parents, amis et une partie de la famille qui, au début, l’avaient traité de tous les noms et tenté de le décourager.
Le Sénégalais qui vit actuellement à Dakar confie qu’il a commencé par avoir la passion pour la cuisine dès son enfance, auprès de sa grand-mère. Cela est né de l’admiration qu’il avait pour les différentes couleurs des légumes et autres ingrédients qu’il voyait au marché quand il accompagnait sa grand-mère ou sa mère.

« Depuis enfant, on le garde quelque part en nous, et quand on grandit, on le développe », assure-t-il.

Lorsqu’il était parti au Canada faire ses études en ressources humaines, Tamsir Ndir, naturellement comme tout étudiant africain en occident, a voulu faire une activité parallèle aux études pour subvenir à certains besoins immédiats. Et comme par hasard, il était tombé sur un restaurant libanais à Québec deux semaines après son arrivée.

Commence alors une amitié avec le propriétaire du restaurant. « D’abord j’ai commencé par la livraison. Un midi, le propriétaire me dit qu’il y a un de ses cuisiniers qui est malade et donc je devrais le remplacer. Je suis allé en cuisine et c’est de là que c’est parti », se rappelle le chef cuisinier.

Aujourd’hui, Tamsir Ndir allie bien ses connaissances en ressources humaines pour mieux gérer sa carrière de cuisinier, surtout en matière de gestion de son personnel et de la planification du travail dans le restaurant à Dakar. « Quand on est chef cuisinier, on fait de la gestion humaine. J’ai besoin de faire passer les entretiens, de faire la psychologie du travail. Mes études en ressources humaines m’aident au quotidien », affirme-t-il.

Et d’ajouter que cela lui permet de savoir les différents profils qu’il met en cuisine. « Parce que j’arrive à détecter les forces et les faiblesses de chacun ».
La cuisine, un métier à haute responsabilité
C’est un plaisir de cuisiner pour soi et pour la famille à la maison. Même si cela requiert une certaine attention par rapport à la qualité du repas du point de vue sanitaire, il est d’une grande responsabilité de faire à manger pour le public dans un restaurant. Cela relève presque d’un art en fait.

Pour Tamsir, c’est pas facile et évident. C’est une responsabilité qui est très lourde au quotidien. « On donne à manger à des gens. Il ne faut pas qu’il y ait un problème de santé lié à une intoxication alimentaire. Il faut faire très attention », reconnaît-il tout en soulignant que les gens ne se rendent compte de ça que lorsqu’ils voient le travail qui est derrière tout ce que le cuisinier fait pour mijoter un plat et maintenir la qualité du menu dans un restaurant.

Pour lui, c’est un métier noble dans lequel il a été confronté à beaucoup de préjugés. « Il y a 10 ou 15 ans, les gens nous traitaient d’homosexuel, d’efféminé. On a tout entendu. Mais d’autres aussi ont compris que c’est tout à fait normal pour les hommes de faire ce métier », dit-il, affirmant qu’il y a beaucoup de parents qui l’appellent aujourd’hui pour inscrire leurs enfants.

C’est également un métier qui nourrit bien son homme, puisqu’un chef cuisinier peut, dans un pays où ce travail est apprécié à sa juste valeur, gagner le salaire d’un cadre de l’administration.

Tamsir insiste sur les préjugés qui demeurent encore au Sénégal concernant les hommes qui font ce métier. « Le taux de divorce est élevé chez nous les cuisiniers, parce que dès fois la famille ou la belle-famille ne comprend pas. On nous catégorise malheureusement », regrette-t-il. « On devrait plutôt nous féliciter ».

C’est d’ailleurs pourquoi un chef cuisinier, poursuit-il, doit être organisateur, fédérateur, structuré, généreux, patient, attentionné et légèrement dictateur puisqu’il faut que les gens soient à l’écoute surtout que le cuisinier donne des émotions aux clients à travers les plats. Sans oublier l’esprit créatif qu’il doit avoir.
Tamsir Ndir crée ses plats à partir des épices locales, qu’il trouve dans les pays africains. Ces épices sont très présentes dans sa cuisine. Pour lui, le poivre reste l’épice incontournable. « J’en mets dans les plats, les entrées et même dans les desserts. On a la chance d’avoir sur le continent une variété de poivres assez extraordinaire », indique-t-il.

Le Cameroun a à lui seul plus de 250 épices, selon lui. Sans compter les variétés d’épices qu’on trouve dans les autres pays de l’Afrique centrale, de l’Ouest, de l’Est, etc. « La cuisine que je fais est à la base de ces épices, et nous sommes fiers de travailler ces épices dans la préparation des plats ».

Ce qu’on cherche en Europe, c’est la technique, continue-t-il. Mais la cuisine africaine crée à partir des épices du continent. Ce qui, selon lui, fait la force et la fierté de cette cuisine.

Le « désordre dakarois », une source d’inspiration pour la création des plats
Cet explorateur culinaire est connu pour la création de nouveaux plats à base de nouvelles recettes qu’il prend soin d’imaginer et de mettre à la table pour le plus grand bonheur de ses clients. L’inspiration lui vient de tout ce qui l’entoure dans la capitale sénégalaise.

Dakar est un lieu culturel, artistique, de création comme il l’indique. « Ce désordre dakarois m’aide beaucoup », confie Tamsir Ndir. « Quand je dois faire de nouveaux plats, m’inspirer, il suffit de sortir. On voit dans la circulation, les cars rapides bleus et jaunes qui passent, les couleurs, des étals dans la rue, les marchands ambulants… Toutes ces choses font penser à des plats, à des textures, des produits ».

Pour lui, l’inspiration est là au quotidien, aussi avec les tissus de différentes couleurs et surtout le marché qui est l’élément de base d’un cuisinier, où on voit des produits qui peuvent compléter une recette en création. Bref, l’écosystème de la ville de Dakar aide beaucoup ce chef cuisinier dans la création de ses plats.

Il explique que la cuisine africaine a sa place dans la gastronomie mondiale. C’est pourquoi Tamsir organise et participe à des festivals d’art culinaire pour promouvoir cette cuisine, surtout les épices de chez lui pour défendre la gastronomie africaine et la montrer « avec énormément de fierté ». « Nous sommes assez fiers de pouvoir montrer ce que nous faisons, comment nous le sublimons. Ces rencontres, ces festivals culinaires à l’étranger sont vraiment importants pour nous ».

Le spécialiste des cuisines d’Afrique de l’Ouest ne prétend pas être « un sait-tout » en matière d’art culinaire. Puisque selon lui, les femmes détiennent de petits secrets qui les amènent à mijoter des plats qu’on ne trouve nulle part ailleurs. « Elles ont leurs petits secrets qu’elles ne nous disent pas », parlant des grand-mères africaines. D’ailleurs chacun a sa manière de cuisiner, de maîtriser les ingrédients et les épices. Tant que le repas est bon, équilibré et simple, c’est bon, selon lui.

Retourner à la « cuisine des grand-mères »
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