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Amadou Makhtar Ba, président d’All Africa : «À travers un média, on peut faire du bien»
Publié le vendredi 17 mai 2024  |  Le Quotidien
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© Autre presse par dr
Amadou Makhtar Ba, président d’All Africa : «À travers un média, on peut faire du bien»
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La clôture du Sommet All Africa des leaders de médias en Afrique (Amls 2024) à Nairobi aura été l’occasion d’échanger avec une figure de proue de la communication sur le continent. Amadou Makhtar Ba, président du groupe de média panafricain All Africa, a profité de la tribune du sommet de Nairobi pour inviter les acteurs de la presse à jouer pleinement leur rôle dans le développement du continent et la promotion d’une image positive de l’Afrique. En donnant rendez-vous pour une nouvelle édition l’année prochaine, Amadou Makhtar Ba fait, dans cet entretien, un état des lieux sans concession de l’état des médias en Afrique.

Pouvez-vous revenir avec nous sur la tenue du Sommet All Africa media leaders 2024 de Nairobi au Kenya ? Qu’est-ce que vous retenez de ce sommet de façon générale ?
Après une pause de dix ans, le Groupe All Africa a repris cette initiative qui était très importante. C’est la seule dans le continent à mettre ensemble les patrons des médias, pas uniquement des journalistes, mais tous les patrons des médias, afin d’amener des décideurs économiques, des décideurs politiques, des universitaires, des membres de la Société civile autour d’une table pour discuter de l’avenir du continent, de l’avenir des médias et du modèle de business même qui sous-tend les médias.

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Il est extrêmement important qu’on ait des médias solides dans ce continent-là. Pendant longtemps, les journalistes ont dit que les médias ont une importance capitale, et tout le monde répétait ce discours qu’ils sont essentiels dans l’évolution du continent. Avec ce que nous avons eu hier (Ndlr : l’entretien a été réalisé le 10 mai) du discours du président de la Banque africaine de développement (Bad), cela donne encore un autre sens à l’importance majeure des médias et du rôle pivot qu’ils doivent jouer en Afrique. Le président Adesina de la Bad a dit dans son discours que chaque année l’Afrique perd environ 75 milliards de dollars, tout simplement parce que l’image renvoyée par le continent à l’extérieur est mauvaise. Et cette mauvaise image, elle doit être rectifiée. Quand elle sera corrigée, on pourra garder dans ce continent des ressources essentielles pour aider au développement économique et humain.



En parlant de ce postulat d’une mauvaise image du continent ou d’une image négative qui est projetée à l’étranger, vous avez dit dans votre allocution d’introduction qu’à votre niveau, il fallait un état des lieux. Après la crise du Covid-19 qui a grandement affecté les médias et dans un monde en plein changement avec beaucoup de crises touchant notre continent, comment percevez-vous en ce moment l’état des médias en Afrique ?
Je pense que l’état des lieux, aujourd’hui, pour être très poli et diplomatiquement correct, il est ce qu’il est. En d’autres termes, disons qu’il y a beaucoup de pays où il y a eu beaucoup de recul dans l’état des médias. Je ne veux pas mentionner des pays, mais on les connaît, on les voit. Et il n’y a pas de raison que cela soit ainsi. On est dans une ère, on est dans un moment où il faut favoriser l’implication d’où qu’elle soit et d’où qu’elle vienne. Il faut pouvoir aider à faire participer au développement économique de nos pays, et donc du continent en général.

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Il ne faut pas instrumentaliser les médias contre des personnes, contre des groupes. Il faut, au contraire, accompagner les médias et travailler avec eux pour faire éclore des opportunités afin de donner des voies aux gens qui sont porteurs de projets. Que ce soient des projets dans le domaine économique, dans le domaine social, y compris même dans le domaine politique. Il faut pousser à l’initiative et les médias peuvent avoir cet effet catalyseur. C’est de la confrontation des idées que naît le progrès.

J’ai retenu dans votre allocution que vous disiez qu’il y a une guerre de l’information et que la guerre d’influence dans ce monde se gagne à travers l’information et les médias. Pouvez-vous revenir davantage sur ce point ?
Si vous regardez aujourd’hui le monde, les plus grands pays savent que toutes les plus grandes défaites et les plus grandes victoires sont d’abord informationnelles. Même si vous prenez les conflits qu’on a actuellement en Europe de l’Est, le conflit entre Israël et la Palestine, et bien d’autres, il y a des armées virtuelles qui ne travaillent que dans la manipulation de l’information et l’orientation des contenus en vue de conquérir les esprits. Et une fois qu’on a conquis l’esprit ou sapé le moral de l’adversaire par le biais de la manipulation de l’information, c’est terminé. Vous aurez gagné la guerre parce que le pays est démoralisé. Alors, c’est pour ça que je dis que de plus en plus, il va en être ainsi. L’information, c’est crucial. L’information est capitale dans le monde actuel.

Vous faites une invitation aux médias africains de jouer leur rôle dans la construction de la paix, dans le développement économique et le progrès. Est-ce que cette sensibilisation, avec les retours que vous avez des acteurs des médias africains et des journalistes présents à cette rencontre, peut conduire à un changement de paradigme ?
Le changement de paradigme se fait déjà au niveau personnel. Il faut que les gens, surtout les leaders des médias, comprennent d’abord que ce sont des dirigeants et des responsables. Quand on est responsable d’un média, on est un leader. Parce qu’à travers un média, on peut faire du bien, beaucoup de bien. Tout comme à l’inverse, on peut faire du mal, beaucoup de mal. On l’a vu par exemple au Rwanda. Je pense qu’aujourd’hui, de plus en plus, ce qui faisait que les patrons des médias n’étaient pas aussi impliqués dans le développement économique humain de nos nations commence à changer, avec une meilleure prise en considération de leur rôle. Il faut que les patrons des médias se mettent ensemble, se connaissent et puissent échanger entre eux d’abord.

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Dans ce travail également, il faut qu’on se dresse en boucliers pour empêcher la manipulation des patrons de presse et autres. C’est la clé de tout. Et c’est pour ça qu’on a dit ici, qu’avec la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique qui est avec nous, il va falloir qu’on travaille sur ce renforcement des capacités pour outiller les leaders de médias. Nous disons qu’il faut tout mettre en œuvre pour éviter que des erreurs soient commises par certains journalistes ou par certains patrons de presse. Et même dans le cas où des erreurs se produiraient, nous pensons que leur place n’est jamais en prison. Quand un journaliste, quand un patron de presse est en prison ou perd la vie dans l’exercice de ses fonctions, ce n’est pas lui seul qui est en train de perdre, c’est la société tout entière qui perd.
C’est pour ça qu’une des recommandations qu’on a prise ici à Nairobi, c’est de mettre sur pied un groupe qui est dirigé par un ancien chef d’Etat, qui va jouer le rôle de médiateur dans tout pays d’Afrique où il y aura des journalistes en danger.

Qu’est-ce que vous proposez à votre niveau comme modèle d’autonomie et modèle d’indépendance économique qui vont rendre les médias viables ? On voit que beaucoup de médias font face à un problème de survie, car les modèles d’affaires ne sont pas opérants dans plusieurs pays.
Tout d’abord, il faut considérer les médias comme une industrie. Ça fait partie des industries créatives. En tant que tel, les médias sont un business. Et comme tout business, les médias ont besoin de capital. En tant que business, les médias ont besoin d’investir, aussi bien sur du matériel que sur l’humain. Cela coûte cher, c’est vrai. Mais dans les pays africains, chaque Etat doit comprendre que les médias ont un rôle important à jouer et il doit les aider par certaines mesures. Celles-ci peuvent être des mesures fiscales ou autres. Elles peuvent être également des aides à la presse, mais il ne faut pas que ce soit des aides qui soient contrôlées et qui soient attribuées comme une rétribution ou refusées en guise de punition. Ainsi, il est important que le mécanisme dont a parlé le président de la Banque africaine de développement (Bad) puisse être opérationnel et opérationnalisé, pour que les médias d’Afrique puissent bénéficier de ressources substantielles. Les patrons des médias doivent aussi savoir que d’autres dispositifs s’offrent à eux, notamment l’International Fund for Public Interest in Media, qui a fait, ici à Nairobi, une déclaration d’engagement pour financer chaque média jusqu’à hauteur de 250 000 dollars. Ce genre d’initiative, c’est très important.

Ce qui manquait, c’était l’accès aux ressources. La question de l’accès aux ressources va bientôt être réglée, il n’y aura plus d’excuses. Il faudra dorénavant que les médias soient de plus en plus professionnels et jouent de plus en plus un rôle déterminant dans la marche de nos nations. Là, je vais revenir sur la proposition du président de la Bad, le Dr Adesina, avec l’idée de créer un média panafricain fort.

Pour vous, quel plaidoyer le Sommet All Africa des leaders de médias devra partager un peu partout en Afrique, pour qu’il y ait une plus grande responsabilisation de nos Etats, pour comprendre que les médias ne sont pas forcément dans une logique antagoniste, et sont des alliés pour bien vendre nos pays, construire la paix et stabiliser nos économies ?
Non seulement nous sommes dans cette dynamique à All Africa, mais nous nous sommes aussi engagés auprès de la Bad et du président de la Banque africaine de développement pour dire que nous soutenons l’idée de médias promouvant une image positive de l’Afrique. Et nous allons travailler ensemble pour cela. C’est important. Les médias africains ne seront pas faits par d’autres personnes. Les médias d’Afrique, les médias du continent seront le fait exclusif de professionnels des médias du continent.

Un mot pour finir ?
Ecoutez, je voudrais vraiment souligner le fait qu’avoir ce groupe était une belle opportunité d’échanges. On a dû refuser du monde. Nous étions entre 250 et 300 personnes, qui se sont retrouvées pendant trois jours, avec des discussions de haut niveau, des présentations. Sur le plan du contenu, beaucoup de technologies avant-gardistes ont pu être partagées. Je suis optimiste. Au plaisir de nous revoir l’année prochaine dans un autre pays, avec encore beaucoup plus de succès pour les médias africains.
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