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[Entretien] Ndèye Astou Ndiaye : “Le ministère de la Femme n’est pas une nécessité, il ne valorise pas les femmes”
Publié le mercredi 10 avril 2024  |  Seneweb
Ndèye
© Autre presse par DR
Ndèye Astou Ndiaye
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Ndeye Astou Ndiaye est Maîtresse de conférences titulaire à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD et docteure en Science politique. Secrétaire exécutive du cercle de pensée Nubianlane IRAP (Initiative de Recherche et d’Analyse Panafricaine), elle analyse pour Seneweb les premier pas du nouveau Président, Bassirou Diomaye Faye. Elle se prononce aussi sur la représentativité des femmes dans le gouvernement.

Comment, de manière générale, appréciez-vous les premiers pas du nouveau Président, Bassirou Diomaye Faye ?

Vous savez, il est difficile d'apprécier un régime politique qui prend ses marques. Visiblement, la rupture s’opère sous plusieurs angles avec notamment un discours concis et clair qui sort des développements qu’on avait l’habitude d’avoir avec notamment une traduction systématique en Wolof et même en langue des signes. Dans le fond du discours, l’expression “changement systémique” revient souvent prônant une reddition des comptes, la protection des « lanceurs d’alerte » que Sonko a été à ses débuts avant même l’impulsion du PASTEF. Le président Diomaye Diakhar est dans cette posture, devenu par la force des choses, le porteur du « projet ». C’est un chef d’État qui rompt avec une génération et un « type » de politique jusqu’ici ou au centre de l’arène. A mon avis, il faut suivre et tenter de signaler les faux pas de façon constructive, le temps que le moteur soit véritablement en marche. Je me permettrais par contre de mettre en avant l’enquête en cours concernant le décès du nommé Seydina Diop, c’est réconfortant de voir que les choses évoluent et que les responsabilités sont en train d’être situées. Dans la continuité de l’État et pour le respect de la dignité humaine, justice doit être rendue même au coupable.

“Il serait surprenant de voir le tandem Sonko-Faye reproduire la même chose que Dia et Senghor”
Il a nommé comme Premier ministre, Ousmane Sonko,une personnalité charismatique, dont l’aura a beaucoup joué dans son élection. Compte tenu de l'envergure de M. Sonko, qui a été le leader du Président au sein de PASTEF, ce couple exécutif peut-il fonctionner dans le temps ?

Premièrement Sonko/Diomaye en matière de tandem, n’est pas Senghor/Dia. Le dernier était constitué de deux hommes dans un régime parlementaire qui avaient deux visions, deux idéologies différentes de l’Afrique et du Sénégal. Les caractères n’étaient pas les mêmes non plus encore moins les types de relations qu’ils entretenaient. Le premier binôme par contre chemine ensemble depuis leur lieu de travail pour ensuite rentrer en politique. Les deux voient ensemble la nécessité de changer de « système ». Il se retrouvent d’abord dans un syndicat pour ensuite penser le PASTEF. Au-delà de la politique, ils sont amis par conviction. Il serait surprenant de les voir reproduire la même chose que Dia et Senghor.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que les Sénégalaises et Sénégalais ont élu un chef d’État, il relève d’un fauteuil, point d’un canapé. D’autant plus que nous sommes pour l’heure dans un régime présidentialiste, laissant dans les normes, peu de place au Premier ministre. Après les démons du pouvoir existent et sont capables de séparer des frères en politique.
Vingt-cinq ministres et cinq secrétaires d’État, c’est largement suffisant au Sénégal”



Un nouveau gouvernement de 25 membres a été formé. Un casting qui séduit la plupart des analystes et observateurs. Ce nouveau gouvernement est-il selon vous en phase avec les aspirations du peuple exprimées le 24 mars ?

Le candidat Diomaye Diakhar Faye en restant fidèle au « projet » avait promis un gouvernement promouvant la rupture et avec des profils séduisants. Dans une certaine mesure, c’est ce qu’ils ont tenté de faire. Mais il y a des choses à revoir pour ne pas dire un hic, sur lequel nous reviendrons. Vingt-cinq ministres et cinq secrétaires d’État, c’est largement suffisant au Sénégal. Mais le plus important c’est que les Sénégalaises et Sénégalais constatent et vivent les changements de façon holistique. Hormis l’absence quasi-totale de femmes qui reste dans la continuité systémique, nous restons optimistes s’agissant des profils. Après, ce n’est pas le diplôme qui fait le bon ministre non plus. Attendons de voir !

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[Entretien] Ndèye Astou Ndiaye : “Le ministère de la Femme n’est pas une nécessité, il ne valorise pas les femmes”
Par: Entretien réalisé par Adama NDIAYE - Seneweb.com | 09 avril, 2024 à 12:04:00 | Lu 10793 Fois | 101 Commentaires
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[Entretien] Ndèye Astou Ndiaye : “Le ministère de la Femme n’est pas une nécessité, il ne valorise pas les femmes”


Ndeye Astou Ndiaye est Maîtresse de conférences titulaire à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD et docteure en Science politique. Secrétaire exécutive du cercle de pensée Nubianlane IRAP (Initiative de Recherche et d’Analyse Panafricaine), elle analyse pour Seneweb les premier pas du nouveau Président, Bassirou Diomaye Faye. Elle se prononce aussi sur la représentativité des femmes dans le gouvernement.

Comment, de manière générale, appréciez-vous les premiers pas du nouveau Président, Bassirou Diomaye Faye ?

Vous savez, il est difficile d'apprécier un régime politique qui prend ses marques. Visiblement, la rupture s’opère sous plusieurs angles avec notamment un discours concis et clair qui sort des développements qu’on avait l’habitude d’avoir avec notamment une traduction systématique en Wolof et même en langue des signes. Dans le fond du discours, l’expression “changement systémique” revient souvent prônant une reddition des comptes, la protection des « lanceurs d’alerte » que Sonko a été à ses débuts avant même l’impulsion du PASTEF. Le président Diomaye Diakhar est dans cette posture, devenu par la force des choses, le porteur du « projet ». C’est un chef d’État qui rompt avec une génération et un « type » de politique jusqu’ici ou au centre de l’arène. A mon avis, il faut suivre et tenter de signaler les faux pas de façon constructive, le temps que le moteur soit véritablement en marche. Je me permettrais par contre de mettre en avant l’enquête en cours concernant le décès du nommé Seydina Diop, c’est réconfortant de voir que les choses évoluent et que les responsabilités sont en train d’être situées. Dans la continuité de l’État et pour le respect de la dignité humaine, justice doit être rendue même au coupable.

“Il serait surprenant de voir le tandem Sonko-Faye reproduire la même chose que Dia et Senghor”



Il a nommé comme Premier ministre, Ousmane Sonko,une personnalité charismatique, dont l’aura a beaucoup joué dans son élection. Compte tenu de l'envergure de M. Sonko, qui a été le leader du Président au sein de PASTEF, ce couple exécutif peut-il fonctionner dans le temps ?

Premièrement Sonko/Diomaye en matière de tandem, n’est pas Senghor/Dia. Le dernier était constitué de deux hommes dans un régime parlementaire qui avaient deux visions, deux idéologies différentes de l’Afrique et du Sénégal. Les caractères n’étaient pas les mêmes non plus encore moins les types de relations qu’ils entretenaient. Le premier binôme par contre chemine ensemble depuis leur lieu de travail pour ensuite rentrer en politique. Les deux voient ensemble la nécessité de changer de « système ». Il se retrouvent d’abord dans un syndicat pour ensuite penser le PASTEF. Au-delà de la politique, ils sont amis par conviction. Il serait surprenant de les voir reproduire la même chose que Dia et Senghor.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que les Sénégalaises et Sénégalais ont élu un chef d’État, il relève d’un fauteuil, point d’un canapé. D’autant plus que nous sommes pour l’heure dans un régime présidentialiste, laissant dans les normes, peu de place au Premier ministre. Après les démons du pouvoir existent et sont capables de séparer des frères en politique.



“Vingt-cinq ministres et cinq secrétaires d’État, c’est largement suffisant au Sénégal”



Un nouveau gouvernement de 25 membres a été formé. Un casting qui séduit la plupart des analystes et observateurs. Ce nouveau gouvernement est-il selon vous en phase avec les aspirations du peuple exprimées le 24 mars ?

Le candidat Diomaye Diakhar Faye en restant fidèle au « projet » avait promis un gouvernement promouvant la rupture et avec des profils séduisants. Dans une certaine mesure, c’est ce qu’ils ont tenté de faire. Mais il y a des choses à revoir pour ne pas dire un hic, sur lequel nous reviendrons. Vingt-cinq ministres et cinq secrétaires d’État, c’est largement suffisant au Sénégal. Mais le plus important c’est que les Sénégalaises et Sénégalais constatent et vivent les changements de façon holistique. Hormis l’absence quasi-totale de femmes qui reste dans la continuité systémique, nous restons optimistes s’agissant des profils. Après, ce n’est pas le diplôme qui fait le bon ministre non plus. Attendons de voir !





On se souvient que Abdoulaye Wade avait formé après son accession au pouvoir en 2000 un gouvernement composé de 26 membres. Macky Sall lui aussi avait misé sur des personnalités hors du sérail politique, notamment le Premier ministre Abdoul Mbaye. Au fur et à mesure néanmoins, le nombre des ministres a augmenté et des profils plus politiciens ont pris le relais. Y a-t-il un risque que le tandem Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko dérive vers cela ?

Y a-t-il un risque ou pas, je ne saurais dire. Mais je n’espère pas. Ce serait un mauvais signe et une grande déception. Après, la réalité politique n’est pas simple. Il faut des sacrifices et des femmes et hommes d’honneur. En réalité, c’est ce qui manque en Afrique. Et cette coalition, encore une fois, a promis d’y remédier, ayons confiance en attendant. Il me semble prématuré, de vouloir analyser en profondeur. Alors que le nouveau chef de l’État n’a fait qu’une semaine au palais.



“Plus de femmes dynamiques, incarnant le leadership féminin aurait été un grand signal de changement. Le Président doit y songer et impérativement”
La principale critique après la formation de ce nouveau gouvernement, vous l’avez évoqué, est venue des féministes qui ont déploré la faible représentation des femmes à leurs yeux. Partagez-vous leur déception ?

Je la partage et tout Sénégalais femme comme homme, devrait la partager. Des femmes et des jeunes femmes doivent être promues naturellement. Les compétences sont là, y compris au sein de la coalition Diomaye. Alors pourquoi, pourquoi les ignorer, en faire abstraction lors de la formation d’un gouvernement dit de surcroît de « rupture » et de changement “systémique”. La communication et l’image que pourraient renvoyer des femmes de qualité dans un gouvernement, auraient permis à des jeunes filles et même des garçons d’avoir des modèles, de travailler pour ensuite se dire que c’est possible d’exister loin des réseaux sociaux et dans la dérive. Plus de femmes dynamiques, incarnant le leadership féminin aurait été un grand signal de changement. Le Président doit y songer et impérativement.

“En lieu et place d’un ministère de la femme souvent très « politisé », il faut privilégier la recherche, les échanges autour des droits des femmes, les partages de savoirs de tous bords”

Elles regrettent aussi la disparition de l’intitulé ministère de la Femme. Est-ce réellement une régression ?
Contrairement à certains, le ministère de la femme ne me parle pas du tout. Surtout, je vois ce que les politiques en font. Et l’instrumentalisation qu’il y a derrière. Pour qu’il y ait le respect des droits des femmes, les changements doivent venir aussi bien du bas que du haut pour ne pas dire qu’il doit être systémique et institutionnel. En lieu et place d’un ministère de la femme souvent très « politisé », il faut privilégier la recherche, les échanges autour des droits des femmes, les partages de savoirs de tous bords. En termes de droits, nous trompons souvent d’occurrence. Et le patriarcat nous plonge dans la réaction plus que dans l’action. Des discussions doivent être engagées sur la question des femmes que beaucoup ne prennent pas au sérieux ou transforment en gag.

“Nous avons plus besoin d’une cellule familiale repensée notamment avec un code de la famille complètement revu. Donc le ministère de la famille me parle davantage”



Me concernant, je ne pense pas que le ministère de la femme soit une nécessité. Il n’y a pas une femme mais des femmes. Et ce ministère ne nous valorise pas. Le profil choisi pour l’occuper non plus. L’image reste celle des « femmes qui mobilisent », « les femmes et le folklore en politique » ou encore le 8 mars qu’on transforme en fête au point d’oublier les revendications. Pourquoi pas le ministère de l’homme ?

La famille c’est un tout. Et aujourd’hui, nous avons plus besoin d’une cellule familiale repensée notamment avec un code de la famille complètement revu. Donc le ministère de la famille me parle davantage.

Quels seront les principaux défis du nouveau régime à court et à moyen terme
?

Les défis sont nombreux. Mais essentiellement, la coalition avec à sa tête PASTEF, a vendu un projet. Il va falloir que ce projet soit mis en route, tel que proposé. Celui de l’éducation et du civisme reste aussi très prégnant.

La dissolution de l’Assemblée nationale sera-t-elle une nécessité ?

Oui, à partir de septembre 2024, il sera plus intéressant de dissoudre l’Assemblée nationale. Cela laisse du temps à l’électorat de voir s’il y a la volonté réelle de changer et vers où mène le changement. S’il est profitable, alors là, il sera plus aisé que la coalition Diomaye ait la majorité à l’hémicycle. Le cas échéant, le peuple décidera et apportera des transformations au niveau de la législature qui reste décriée à plusieurs égards.
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