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Enjeux amnistie: entre pardon, oubli et obstruction à la justice !
Publié le lundi 3 octobre 2022  |  Enquête Plus
Sénégal:
© RFI par DR
Sénégal: la possible amnistie de Karim Wade et Khalifa Sall fait réagir la classe politique
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Alors que les libéraux sont divisés sur une possible loi d’amnistie pour Karim Wade, Khalifa Sall, lui, a toujours clamé son indifférence. Des interrogations planent aussi sur les contours de la future loi d’amnistie. Va-t-elle couvrir certains supposés crimes commis sous le magistère de Macky Sall ? Quid des cas Barthélemy Dias et Khalifa Ababacar Sall ? Éclairage !

L’arène politique ne bruit plus que de ça. Depuis que l’annonce d’une amnistie a été faite par le président de la République en Conseil des ministres avant-hier, tous les regards sont tournés vers Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade, même si leurs noms n’ont pas été cités ; l’amnistie visant essentiellement des faits et non des personnes. Comment au Parti démocratique sénégalais on accueille cette décision ?

Jointe par téléphone, la secrétaire nationale chargée de la communication, Nafissatou Diallo, persiste sur la position toujours défendue par son parti. ‘’Au niveau du PDS, nous restons constants dans notre position. Nous l’avons toujours dit et nous le réaffirmons : l’amnistie, c’est une sorte d’amnésie collective qui vise à accorder le pardon à des coupables. Karim Wade, lui, n’est pas un coupable. Cela a été démontré partout dans le monde. Environ 14 décisions ont été rendues en sa faveur. La dernière en date est celle rendue au mois d’octobre dernier par la Cour d’appel de Paris. Et il faut être vraiment de mauvaise foi pour croire que ces juridictions-là peuvent rendre des décisions complaisantes pour les beaux yeux de Karim Wade. En France, par exemple, les mêmes juridictions ont eu à condamner de hauts dignitaires français, dont d’anciens présidents. On ne peut les soupçonner d’être partisanes’’, soutient la secrétaire à la communication.

Le PDS divisé sur la question

Pour elle, la seule chose qui vaille pour le Parti démocratique sénégalais, c’est la révision du procès du fils de l’ancien président. Elle insiste : ‘’Nous exigeons la révision du procès et que Karim Wade soit remis dans ses droits comme du reste cela a été demandé par l’ONU à travers un organe comme le Comité en charge des droits humains. Il ne faut pas l’oublier, l’État du Sénégal a même eu à prendre des engagements fermes dans ce domaine, même si par la suite, sous la pression de certains faucons, il y a eu une fuite en avant. Vous vous rappelez tous le limogeage de hauts fonctionnaires suite à des positions défendues devant le démembrement de l’ONU. Lesquelles étaient pourtant basées sur le droit et les engagements internationaux de l’État du Sénégal. On sait aussi aujourd’hui comment Aminata Touré a dissimulé des documents de la Banque mondiale attestant l’innocence de Karim Wade. Voilà pourquoi nous avons toujours réclamé et continuons de réclamer la révision du procès. Cela pourrait prendre du temps, mais la vérité finit toujours par triompher.’’

Mais au sein du PDS, la question ne fait pas l’unanimité. Selon ce responsable, il y a certes ceux qui s’arcboutent à la révision et qui disent ne pas vouloir de l’amnistie. Mais d’autres voix estiment que peu importe la forme, l’essentiel est que Karim puisse recouvrer sa liberté et tous ses droits civiques et politiques. Il ajoute : ‘’Ma conviction est que si Macky persiste dans la voie de l’amnistie, c’est qu’il a lui-même intérêt. Sinon, une simple modification du Code électoral aurait suffi pour permettre à Khalifa et Karim de se présenter. Mais qu’à cela ne tienne, si on n’a pas mieux que l’amnistie, on est preneur. Il ne faut pas oublier que c’est Macky qui a injustement rendu Karim inéligible. C’est ce même Macky qui veut tout effacer. On n’a qu’à le laisser faire. C’est la position de beaucoup de responsables. Le PDS a trop souffert de cette question. Nous nous sommes battus de 2012 à 2022, parce que nous sommes convaincus de l’innocence de notre leader maintes fois démontrée devant des juridictions indépendantes.’’

Chez les ‘’khalifistes’’, les responsables ont également toujours réclamé n’être demandeurs d’aucune amnistie. Interpellé sur une possible amnistie, il y a quelques mois, voici la réponse de l’ancien maire de Dakar : ‘’Je n’avais pas demandé pour aller en prison ; je n’ai pas demandé pour sortir de prison ; je ne vais pas demander une amnistie’’, soulignait-il sur RFI, non sans confier que lui et Karim Wade se parlent sans aborder une telle question qui n’était pas à l’ordre du jour.

Jurisprudence du Conseil constitutionnel

Aujourd’hui, par la force des choses, la question est sur la place publique, par la volonté du président de la République qui a donné des instructions fermes allant dans ce sens. Pour certains, il y aurait des non-dits dans cette nouvelle posture de la majorité. D’aucuns craignent même que ce projet d’amnistie soit utilisé dans le but de protéger de supposés ‘’crimes financiers et/ou de sang’’ de son régime. Les craintes sont d’autant plus justifiées que si Macky Sall veut absoudre, à travers le projet d’amnistie, certains faits commis sous son régime, il ne devrait en principe y avoir aucun obstacle. Dans une décision en date de 2005 – loi d’amnistie affaire Me Sèye - le Conseil constitutionnel avait estimé que ‘’ni la Constitution ni aucune loi de valeur constitutionnelle ne limitent le pouvoir du législateur d’amnistier des catégories quelconques d’infractions, qu’elles soient punies de peines criminelles, correctionnelles ou contraventionnelles’’.

Selon la haute juridiction, le législateur peut faire disparaitre pour l’avenir tout caractère délictueux à certains faits pénalement répréhensibles en interdisant toute poursuite à leur égard ou en effaçant les condamnations qui les ont frappés. ‘’Il appartient au législateur de déterminer les infractions amnistiées en fonction de critères objectifs’’.

Autrement dit, la Constitution offre une large possibilité au législateur, dans le cadre de l’amnistie.

Ainsi, même s’ils disent ne pas vouloir de cette amnistie, Karim et Khalifa ont peu de marge de manœuvre pour entraver la mise en branle du processus. Seule l’Assemblée nationale pourrait arriver à rejeter cette dynamique. Ce qui est peu probable.

Au-delà de la couverture des faits commis sous son magistère, certains se sont aussi demandé si Barthélemy Dias, dont la décision n’a pas revêtu le caractère de la chose jugée, et Ousmane Sonko, qui n’a pas encore été jugé, peuvent être concernés par la loi d’amnistie ? D’un point de vue juridique, rien ne semble s’y opposer, selon la jurisprudence du conseil de 2005. La loi d’amnistie peut non seulement avoir pour vocation d’effacer les conséquences d’une condamnation, mais elle peut aussi avoir pour objectif d’enrayer des poursuites déjà entamées ou non contre une personne.
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