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Joola An 20 d’une tragédie : Naufrage de la justice
Publié le lundi 26 septembre 2022  |  Le Quotidien
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© Autre presse par DR
Le bateau-hôpital Mercy
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Les années 2000 étaient nées sous de bons auspices. Avec une alternance politique légendaire, des footeux qui ont porté haut les couleurs nationales au Mali, en Corée du Sud et au Japon. Elles annonçaient l’espoir après des décennies de doute. Mais, il sera effacé par un drame : dans la nuit du 26 septembre 2002, Le Joola, symbole de l’intégration du Sud, a sombré dans les profondeurs de l’Atlantique. Officiellement, 1863 personnes ont péri. Mais, il reste un drame sans visage. Pas de responsable. Le dossier est prescrit au Sénégal. Sans coupable, les familles seront toujours hantées par les démons de la solitude. Pourtant, la bêtise humaine ne devrait pas connaître la prescription. Ce matin, les familles vont se retrouver dans le deuil pour pleurer leurs morts. Seules. Comme une sorte de banalisation de l’évènement qui devrait étreindre tout un pays éploré. Finalement, rien n’a changé.

Par Bocar SAKHO – Ils ont embarqué à bord du bateau Le Joola pour vivre un voyage exceptionnel entre Ziguinchor et Dakar. Mais, ils ont été rattrapés par l’horreur au milieu de la grande bleue, transformée en un indicible cimetière marin. Dans la nuit du 26 septembre 2002, le géant transbordeur, qui reliait l’Ouest au Sud, a sombré dans les eaux de l’Atlantique. Pris à partie par un faible ouragan dans les eaux gambiennes, il s’enfonce dans les profondeurs de l’Atlantique en même temps que tous les passagers et membres de l’équipage. Le bilan est lourd : officiellement, il s’agit de 1863 morts et juste 64 survivants. Plus qu’un secret d’Etat, le nombre exact des victimes du naufrage est tabou. Dans l’histoire des catastrophes civiles mondiales, le naufrage du Joola devance le Titanic, qui avait fait «juste» 1500 morts.

Dans ce pays, le mot «Joola» est sans doute celui qui provoque les émotions les plus profondes dans toutes les couches de la société. Vingt ans après, les disparus du Joola hantent toujours le pays. Pour commémorer le naufrage, chaque année les familles des victimes refont le funeste cérémonial avec le cœur étreint de douleur, de mélancolie, d’incompréhension et aussi de questions. Vingt ans après, le Sénégal ravale chaque jour son sanglot de malheur et se replonge dans cette ambiance funeste. Comment un drame… humain d’une telle ampleur a-t-il pu se produire ? Comment Le Joola a-t-il pu sombrer aussi rapidement ? Comment et comment ? Vingt ans après, l’énigme n’a jamais été percée. Et les questions n’ont jamais trouvé de réponses, malgré l’étendue du drame. Selon l’Etat, le commandant du bateau, emporté par les houles, est parti avec ses secrets. L’histoire s’arrête là : pas de poursuites judiciaires, des enquêtes recommandées sont restées sans suite. En indemnisant les familles des victimes, l’essentiel est sauf, aux yeux de l’Etat, qui a donné à chacune d’elles, 10 millions francs Cfa. La promesse de l’érection d’un Mémorial jamais tenue.

Aujourd’hui, il faut le cœur et tout l’amour d’un pays pour garder la foi. Le drame n’a pas de visage, mais le calvaire est bien réel. Pourtant, l’ampleur de la tragédie est démultipliée par la bêtise humaine qui n’a jamais été mise en relief pour démêler les failles du système. Car les sordides révélations, contenues dans les différents rapports, montrent que la main de l’homme est derrière ce naufrage qui n’a pas livré tous ses secrets gardés toujours dans les profondeurs océaniques à cause du non-renflouement de l’épave.

Négligences en série
Conçu pour seulement 550 passagers, le bateau Le Joola en transportait près de 2000 personnes lors de la dramatique soirée du 26 septembre. Les différents rapports d’enquête technique sur le naufrage ont surtout insisté sur ces travers érigés en règle dans le fonctionnement du bateau, en soutenant que le ministre des Transports s’est toujours plaint de l’insécurité récurrente ré­gnant à bord du navire.

Tous les rapports l’attestent : Le Joola était en stabilité précaire au moment du sinistre. Sur le chemin, le navire a dû affronter le mauvais temps fait de fortes pluies et de rafales de vent. Surpris, les passagers se déplacent en masse vers le bâbord. Du coup, le centre de gravité se retrouve hors des limites permises alors que les manœuvres du barreur s’amorcent pour redresser le bateau qui s’est couché sur le flanc bâbord. Il est 23h. Entre Le Joola et la Marine nationale, le dernier contact a eu lieu le 26 septembre à 22h. Avant son chavirement. Même la vacation de minuit n’a pas été assurée. Finalement, tout est allé à vau-l’eau.
Aujourd’hui, les responsables sont peut-être «nébuleux», mais le calvaire des victimes, lui, est bien visible. Tant de cauchemars peuplent leurs écrans. Face à cette horreur ineffable, les familles des victimes et les survivants n’auront à y opposer que leur foi et leur résignation. Ce matin, pétrifiées, elles vont se replonger dans le deuil, le temps sera suspendu au-dessus de leur tête. Sans réveiller les fantômes du Joola qui peuplent la conscience sénégalaise. 20 ans après, ce dossier n’a pas dévoilé tous ses secrets. C’est une affaire d’Etat…
bsakho@lequotidien.sn
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