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Le Soleil N° 13197 du 22/5/2014

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Fuites des prises, problèmes environnementaux… : La pêche continentale en eaux troubles à Dagana
Publié le jeudi 22 mai 2014   |  Le Soleil


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© Autre presse par DR
Les pêcheurs débarquent le poisson


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Soumise à de nombreux aléas, la pêche continentale, dans le département de Dagana, vogue en eaux troubles pour plusieurs raisons exogènes. Les plus décriées sont la modification de l’habitat naturel de certaines espèces de poisson, l’envahissement des plantes aquatiques et les mauvaises pratiques de pêche qui seraient introduites par les quelque 600 pêcheurs maliens exerçant dans le département. Un autre inconvénient dénoncé par les pêcheurs locaux, c’est la chaine d’approvisionnement qui part du pêcheur malien sur le lac de Guiers, passe par la mareyeuse sénégalaise et se retrouve entre les mains des propriétaires de camions frigorifiques qui les convoient vers le Mali. Mais, cet argument est battu en brèche par les déclarations des concernés, appuyés par certains acteurs locaux.
À côté de l’agriculture, la pêche continentale est une excellente source de revenus pour les acteurs qui exercent cette activité dans le département de Dagana. Leur chiffre d’affaires tourne autour de 800 millions de francs Cfa avec des mises à terre de près de 4000 tonnes de poissons d’eau douce. Les menaces qui pèsent sur le secteur sont principalement l’utilisation des mono filaments qui font des ravages sur les ressources de la Taouey, du fleuve Sénégal, des principaux canaux d’irrigation et du lac de Guiers qui fait 420.000 ha. Il est vrai qu’un conseil de pêche s’évertue à mettre de l’ordre dans le secteur, appuyé par la gendarmerie fluviale, mais la principale difficulté réside en l’absence de moyens.
Dans le département de Dagana, la pêche, la plus commune, constitue la deuxième source de revenus après l’agriculture. Elle occupe 2800 pêcheurs, avec un parc piroguier de 800 embarcations. Dans cette zone, il a été enregistré une valeur commerciale estimée à 842 millions de FCfa, dont 65 % proviennent de l’investissement des mareyeurs étrangers. Sans compter que l’apport extérieur du mareyage dans le département, (espèces marines) se chiffre à 180 tonnes.
Pour Mamadou Sarr, l’inspecteur départemental des pêches de Dagana, l’activité de pêche artisanale continentale est dominée par les bouleversements de l’habitat naturel de certaines espèces de poissons (envahissement du typha et plantes aquatiques), les aménagements agricoles et les mauvaises pratiques de pêche qui mettent en selle l’emploi de mono filaments prohibés, de nasses et casiers dans les canaux d’irrigation, l’emploi de filets de 5 à 7 km de maille 20…
Cependant, la sécurité dans ce secteur revêt plusieurs aspects (sécurité du pêcheur et de ses biens, sécurité aux frontières…) et exige une harmonisation de la réglementation de la pêche entre pays riverains, a ajouté l’inspecteur des pêches.
Pour sa part, Serigne Ba, président du Conseil de pêche de la Taouey, a parlé, au cours de l’entretien de la structure, de 32 membres qu’il dirige et qui travaille d’arrache-pied pour lutter contre les mauvaises pratiques de pêche qui sont légion dans cette partie du département. Selon lui, les filets mono filament d’une longueur qui peut atteindre 7 km que des pêcheurs étendent dans le lac de Guiers est la principale cible de leur intervention. « Cet engin de pêche de maille 20 est formellement interdit à l’utilisation, car il ramasse les juvéniles et certains alevins en grossissement, donc cure le contenu du plan d’eau. D’autre part, certains pêcheurs utilisent les nasses et casiers qui sont formellement interdits dans le département d’autant plus que ce sont des pratiques qui nous viennent d’ailleurs », a relevé M. Ba qui a également ajouté que les pêcheurs utilisent des moteurs de pirogue hors normes, interdits à la circulation dans la zone. Le Conseil de pêche qui a saisi un nombre impressionnant de filets est souvent épaulé, pendant ses sorties sur le fleuve, par l’unité de gendarmerie fluviale. « Mais nous sommes limités dans notre travail dans la mesure où nous manquons cruellement de moyens », a ajouté M. Ba. L’autre point délicat constitue, selon ce dernier, les pratiques de pêche de nos voisins maliens qui sont environ au nombre de 600 qui « saccagent » les ressources. « Il y a un début de reconversion de mentalités certes, mais les pratiques subsistent tout comme la pêche, le long des canaux d’irrigation qui est formellement interdite », se réjouit-il.
Dans le respect du bon voisinage, les populations de la zone tendent vers des relations apaisées avec nos voisins qui, partant de campements de pêche, ont commencé à intégrer les villages traditionnels de la zone. Les premiers d’entre eux sont arrivés en 1987. Par ailleurs, M. Ba a fustigé l’acheminement des mis à terre vers le Mali. Explications. « En fin de journée, les intermédiaires, des femmes sénégalaises, viennent de Richard-Toll acheter le poisson sur place à un prix très élevé. Ensuite, elles retournent le revendre au marché de Khouma de Richard-Toll ajoutant une marge substantielle sur le prix d’achat ; ce qui met la denrée hors de portée des ménagères locales. Ainsi, les poissons atterrissent forcément entre les mains des convoyeurs maliens qui remplissent leurs camions frigorifiques et vont vendre le produit au Mali en passant par Ourossogui, Bakel, Kidira puis Kayes. C’est un système bien rodé qui est mis en place, mais n’en a pas l’air. L’élément principal, c’est le renchérissement du coût du poisson pour le marché local. »
Selon M. Ba, les pêcheurs maliens qui officient au lac de Guiers, dans la Taouey, les canaux d’irrigation et une large partie du fleuve sont souvent bozos, somono, massinankés ou sarakholés. Notons que le conseil de pêche qui est l’émanation des quatre villages riverains du lac de Guiers (Thiago, Temeye, Diameguene et Ndombo) ne dispose d’aucune subvention ou forme d’aide pour accomplir son travail. L’inspecteur départemental des pêches est d’avis que malgré les contraintes, le secteur continental, en particulier dans le département de Dagana, épaulé par une politique de développement (État du Sénégal, Pgire/Omvs), peut réagir positivement par une stratégie adaptative qui comprendrait une maîtrise et un contrôle de l’effort de pêche, réactualisation des textes de réglementation et redynamisation des conseils de pêche, valorisation des produits de pêche par une meilleure conservation et une transformation beaucoup plus rentable.

Temeye, point de chute de pêcheurs maliens
Essentiellement tourné vers la pêche et les produits de transformation, le village de Temeye compte 636 habitants composés de Pulars, Wolofs et Maliens. C’est une localité besogneuse où règne le calme. Le village surplombe le lac de Guiers qui étend son immensité liquide, à perte de vue. Les plantes aquatiques sont en train de gagner du terrain sur le plan d’eau qui est rempli à ras bord. De nos jours, la pêche ne nourrit plus son homme comme auparavant, à cause du typha et de certaines mailles de filets qui sont préjudiciables pour la survie des espèces de poisson. Se prononçant sur le mono filament, Balla Sarr a signalé que cet instrument de pêche porte beaucoup de préjudices à l’activité dans la zone. À son avis, les filets de maille 40 auraient suffisamment fait l’affaire. Cette taille permet aux alevins et juvéniles de passer à travers. Elle leur donne toutes les chances de perpétuer l’existence des espèces autochtones. Selon le chef de village, Temeye a été le premier point du département à recevoir des pêcheurs maliens. Leurs pionniers sont arrivés en 1992. Aujourd’hui, ils tissent de bons rapports de cohabitation avec les originaires du village. « Certains d’entre eux se sont mariés ici et ont des enfants qui fréquentent l’école. Après de nombreuses péripéties, nous avons pu harmoniser nos méthodes de pêche, car les pêcheurs maliens utilisaient les nasses « soucail » et des casiers. Nous nous sommes fermement opposés à cette forme de pêche qui est dévastatrice. Maintenant, ils se conforment aux mailles. Quoique leurs filets dépassent souvent les 300 mètres autorisés », a indiqué M. Sarr.


La pêche continentale en eaux troubles à Dagana (suite)
À côté de l’agriculture, la pêche continentale est une excellente source de revenus pour les acteurs qui exercent cette activité dans le département de Dagana. Leur chiffre d’affaires tourne autour de 800 millions de francs Cfa avec des mises à terre de près de 4000 tonnes de poissons d’eau douce. Les menaces qui pèsent sur le secteur sont principalement l’utilisation des mono filaments qui font des ravages sur les ressources de la Taouey, du fleuve Sénégal, des principaux canaux d’irrigation et du lac de Guiers qui fait 420.000 ha. Il est vrai qu’un conseil de pêche s’évertue à mettre de l’ordre dans le secteur, appuyé par la gendarmerie fluviale, mais la principale difficulté réside en l’absence de moyens.
Dans le département de Dagana, la pêche, la plus commune, constitue la deuxième source de revenus après l’agriculture. Elle occupe 2800 pêcheurs, avec un parc piroguier de 800 embarcations. Dans cette zone, il a été enregistré une valeur commerciale estimée à 842 millions de FCfa, dont 65 % proviennent de l’investissement des mareyeurs étrangers. Sans compter que l’apport extérieur du mareyage dans le département, (espèces marines) se chiffre à 180 tonnes.
Pour Mamadou Sarr, l’inspecteur départemental des pêches de Dagana, l’activité de pêche artisanale continentale est dominée par les bouleversements de l’habitat naturel de certaines espèces de poissons (envahissement du typha et plantes aquatiques), les aménagements agricoles et les mauvaises pratiques de pêche qui mettent en selle l’emploi de mono filaments prohibés, de nasses et casiers dans les canaux d’irrigation, l’emploi de filets de 5 à 7 km de maille 20…
Cependant, la sécurité dans ce secteur revêt plusieurs aspects (sécurité du pêcheur et de ses biens, sécurité aux frontières…) et exige une harmonisation de la réglementation de la pêche entre pays riverains, a ajouté l’inspecteur des pêches.
Pour sa part, Serigne Ba, président du Conseil de pêche de la Taouey, a parlé, au cours de l’entretien de la structure, de 32 membres qu’il dirige et qui travaille d’arrache-pied pour lutter contre les mauvaises pratiques de pêche qui sont légion dans cette partie du département. Selon lui, les filets mono filament d’une longueur qui peut atteindre 7 km que des pêcheurs étendent dans le lac de Guiers est la principale cible de leur intervention. « Cet engin de pêche de maille 20 est formellement interdit à l’utilisation, car il ramasse les juvéniles et certains alevins en grossissement, donc cure le contenu du plan d’eau. D’autre part, certains pêcheurs utilisent les nasses et casiers qui sont formellement interdits dans le département d’autant plus que ce sont des pratiques qui nous viennent d’ailleurs », a relevé M. Ba qui a également ajouté que les pêcheurs utilisent des moteurs de pirogue hors normes, interdits à la circulation dans la zone. Le Conseil de pêche qui a saisi un nombre impressionnant de filets est souvent épaulé, pendant ses sorties sur le fleuve, par l’unité de gendarmerie fluviale. « Mais nous sommes limités dans notre travail dans la mesure où nous manquons cruellement de moyens », a ajouté M. Ba. L’autre point délicat constitue, selon ce dernier, les pratiques de pêche de nos voisins maliens qui sont environ au nombre de 600 qui « saccagent » les ressources. « Il y a un début de reconversion de mentalités certes, mais les pratiques subsistent tout comme la pêche, le long des canaux d’irrigation qui est formellement interdite », se réjouit-il.
Dans le respect du bon voisinage, les populations de la zone tendent vers des relations apaisées avec nos voisins qui, partant de campements de pêche, ont commencé à intégrer les villages traditionnels de la zone. Les premiers d’entre eux sont arrivés en 1987. Par ailleurs, M. Ba a fustigé l’acheminement des mis à terre vers le Mali. Explications. « En fin de journée, les intermédiaires, des femmes sénégalaises, viennent de Richard-Toll acheter le poisson sur place à un prix très élevé. Ensuite, elles retournent le revendre au marché de Khouma de Richard-Toll ajoutant une marge substantielle sur le prix d’achat ; ce qui met la denrée hors de portée des ménagères locales. Ainsi, les poissons atterrissent forcément entre les mains des convoyeurs maliens qui remplissent leurs camions frigorifiques et vont vendre le produit au Mali en passant par Ourossogui, Bakel, Kidira puis Kayes. C’est un système bien rodé qui est mis en place, mais n’en a pas l’air. L’élément principal, c’est le renchérissement du coût du poisson pour le marché local. »
Selon M. Ba, les pêcheurs maliens qui officient au lac de Guiers, dans la Taouey, les canaux d’irrigation et une large partie du fleuve sont souvent bozos, somono, massinankés ou sarakholés. Notons que le conseil de pêche qui est l’émanation des quatre villages riverains du lac de Guiers (Thiago, Temeye, Diameguene et Ndombo) ne dispose d’aucune subvention ou forme d’aide pour accomplir son travail. L’inspecteur départemental des pêches est d’avis que malgré les contraintes, le secteur continental, en particulier dans le département de Dagana, épaulé par une politique de développement (État du Sénégal, Pgire/Omvs), peut réagir positivement par une stratégie adaptative qui comprendrait une maîtrise et un contrôle de l’effort de pêche, réactualisation des textes de réglementation et redynamisation des conseils de pêche, valorisation des produits de pêche par une meilleure conservation et une transformation beaucoup plus rentable.

Le poisson « exporté » au Mali
S’agissant de la « préférence malienne » par les pêcheurs venant du Mali, Balla Sarr a précisé qu’aucun pécheur malien de Temeye ne livre directement le produit de sa pêche à un propriétaire de camion frigo. Par contre, chaque pêcheur a ses clientes fidèles à qui il vend sa prise. Ce sont les sénégalaises qui se rendent à Khouma pour vendre leur poisson aux mareyeurs maliens. Et ces derniers vont les écouler au Mali à bord de camions frigorifiques.
Thiémokho Traoré est originaire du Mali. Il est de teint clair et de constitution robuste. Il s’apprêtait à aller pêcher sur le lac de Guiers, mais, auparavant, il a accepté de répondre à quelques questions. D’emblée, il note que le fait que les pêcheurs maliens soient indexés le touche profondément, car il n’y a aucune forme de vente de ce type organisée à sa connaissance. Le plus loyalement du monde, soutient-il, ses concitoyens et lui vendent leurs prises à leurs clientes qui viennent les acheter à Temeye. « Nous n’avons jamais été vendre du poisson à Richard-Toll, nous n’en avons jamais vendu ici à des camions frigorifiques. Je pense qu’on nous fait un mauvais procès à cause de nos méthodes de pêche ancestrales qui se pratiquaient à la nasse et au casier. Il y aussi le fait que le mono filament n’était pas interdit chez nous », souligne-t-il. « Mais, dès que nous avons senti que ces sujets nous conduisaient à un point de rupture, nous l’avons abandonné purement et simplement ; car il ne peut en être autrement. Nombre d’entre nos compatriotes ont pris épouses ici, ont des enfants qui vont à l’école. Il y a donc des liens de sang, c’est pourquoi nous avons aussi le devoir de veiller sur la ressource », a noté Thiémokho qui fit un geste de la main et s’enfonça vers le plan d’eau.

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