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Les femmes à l’assaut des BTP
Publié le jeudi 30 decembre 2021  |  Agence de Presse Sénégalaise
Marylis
© Autre presse par DR
Marylis Btp
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Dakar, Les métiers du bâtiment souvent associés à la force physique, par conséquent réservés aux hommes, sont de plus en plus pratiqués par les femmes qui tentent de repousser ces limites et stéréotypes pour s’épanouir pleinement dans ce milieu.

Entre les étais qui soutiennent la dalle, Astou Niang, dans son gilet orange, les chaussures de sécurité, un casque de protection blanc sur la tête et un bloc note à la main, ne semble pas une intruse dans ce milieu dominé par les hommes.

Le sourire aux lèvres, elle discute avec un petit groupe d’ouvriers tandis que d’autres, dans un travail à la chaîne, se passent les seaux pleins de béton armé.

La presque trentenaire originaire de Bambey supervise les travaux de la dalle sur le chantier de la mosquée de l’université Cheikh Anta Diop, en reconstruction depuis quelques mois.

’’J’ai de très bonnes relations avec les ouvriers du chantier. Bien que je sois la seule femme, je suis bien traitée. Ils ne me regardent pas en tant que femme, mais en cheffe d’équipe’’, explique celle dont l’amour pour le bâtiment est à rebours des stéréotypes, faisant des BTP un métier réservé aux hommes.

Astou Niang ne participe pratiquement pas aux travaux pénibles, mais elle a cette qualité de détecter toute faille dans les travaux. Le cas échéant, elle n’hésite pas à monter sur la dalle pour donner des instructions.

Après des études secondaires dans sa bourgade natale dans la région de Diourbel, elle dépose ses valises à Dakar pour suivre des études en bâtiments et travaux publiques, sanctionné par un Brevet de technicien supérieur (BTS).

Aucune incompatibilité avec le statut de femme

’’Au début, ma mère était un peu réticente, elle se souciait beaucoup de ma santé physique, parce qu’elle me voyait revenir à la maison avec des habits sales lors de ma formation’’, se souvient Astou Niang.

Certes, les stéréotypes n’ont plus la vie dure, mais les femmes qui décident de se faire une place dans les BTP doivent aussi faire avec les humeurs des ouvriers qui voient mal une femme leur donner des ordres. Ce qui installe par moments un climat de travail ’’très tendu’’ entre ouvriers et cheffes de chantier.

Travailler sur un chantier ne signifie pas ne pas prendre soin de soi. Au contraire. ’’Je prends soin de moi comme toutes les femmes une fois à la maison’’, indique d’emblée Astou Niang quand on lui pose la question sur comment elle allie son travail avec les ’’afterworks’’ pour toute jeune fille de son âge.

Mme Niang affirme ne voir aucune incompatibilité entre son travail et son statut de femme. Elle se dit même ’’suffisamment convaincue’’ que les femmes peuvent apporter de l’innovation et une touche personnelle à ce métier d’hommes.

Dieynaba Mané est topographe. Son métier lui amène à manager des hommes. Et souvent, cela se passe dans des ’’atmosphères tendues’’.

En effet, certains ouvriers n’acceptent pas de recevoir d’ordres venant d’une femme, préférant par moments, ’’s’offusquer et abandonner en plein dressage d’un mur’’, explique-t-elle.

La topographe, originaire de Kolda, comme sa consœur Astou, est tombée sous le charme du métier du bâtiment. Après son certificat d’aptitude professionnel (CAP) en génie civil, à Kolda, elle rejoint le Centre technique professionnel Maurice de Lafosse à Dakar pour l’obtention du brevet de technicienne (BT) en géométrie-topographie.

Séduite par le génie civil, depuis l’école primaire, Dieyna comme l’appellent ses amies a travaillé pendant un an dans une usine de poisson avant son recrutement en 2017 par une entreprise de BTP.

Sur les chantiers du Bus rapid transit (BRT), il est fréquent de rencontrer des filles au niveau des points de déviation.

Trouvée au rond-point ‘’Case ba’’ aux Parcelles Assainies dans la banlieue dakaroise, Bineta Diop, tout en sueur, est à pied d’œuvre pour orienter les chauffeurs.

Dans sa tenue recouverte de poussière, la jeune fille, sifflet à la bouche, se donne à fond pour faciliter la circulation des automobilistes qui ont la priorité.

’’Je suis recrutée depuis le lancement des travaux du BRT et je monte la garde dans ce poste de contrôle pour réguler la circulation des véhicules’’, explique-t-elle.

Contrairement à Astou et à Dieynaba, Bineta, elle n’a pas d’expérience dans les travaux publics. Elle a arrêté ses études en classe de terminale.

’’J’ai travaillé comme marchande ambulante pendant quatre ans. Je suis habituée à marcher sous le chaud soleil. Donc, je peux tenir’’, indique la jeune fille.

Repousser les limites pour plus de responsabilités

Bien que présentes sur plusieurs chantiers de construction et dans les travaux publics, les femmes occupent très souvent les seconds rôles dans ce milieu qui exige l’endurance et la force physique, en dépit de leurs connaissances.

Astou Niang dit avoir très tôt compris que pour se faire une place et mériter le respect dans ce milieu, il lui faudra ’’faire plus que les hommes, sans compter la bonne qualification technique’’.

’’Ce n’était pas facile au début sur ce chantier, car certains ouvriers digéraient mal le fait que je sois là en train de leur donner des tâches à exécuter’’, note-t-elle.

Omar Touré, chef ouvrier du groupe que dirige Astou Niang, joue un peu ’’le trait d’union’’ entre elle et les autres ouvriers.

’’Mon rôle est d’assurer qu’il n’y ait pas de débordement avec les ouvriers. Je reçois des ordres venant d’elle que je fais appliquer par les ouvriers’’, relève le quadragénaire qui dit être dans ce métier depuis une vingtaine d’années.

Il est d’avis également que la touche féminine peut bien être significative dans le métier.

’’S’il n’y avait pas la théorie dans ce métier nous serions très limités’’, reconnait le chef ouvrier en s’essuyant le visage rond.

En cela, ajoute-t-il, ’’on peut reconnaître aux femmes de par leur goût naturel pour le design et la mode, un savoir-faire à part soulever des charges lourdes’’.

’’C’est déplorable de penser que les femmes n’ont pas leur place ici’’, indique le quadragénaire, estimant que leur métier ’’a besoin autant de la théorie que de la pratique’’.

’’Ils (les ouvriers) n’aiment pas que je leur demande de faire ceci ou cela. Si je leur demande une fois et qu’ils refusent, je prends mes propres initiatives avec ma pelle et mes piquets ’’, témoigne pour sa part Dieynaba Mané.

Au-delà de la topographie, qui est son domaine de prédilection, Mané dit avoir beaucoup appris avec son équipe, par exemple en ce qui concerne les techniques de manipulation de la bétonnière.

’’Je n’accepte jamais que les hommes fassent le travail à ma place. Les gens n’en croient pas leurs yeux quand ils me voient sur du béton armé tenir une pelle au même rythme que les hommes sur un chantier. Je compte bien repousser mes limites pour avoir un poste de responsabilité mérité’’, affirme-t-elle avec fierté.

En attendant de vaincre tous ces stéréotypes et voir ce que va donner ce ’’mariage’’ entre épanouissement professionnel et féminité, il demeure évident que le milieu du bâtiment et des travaux publics (BTP) a ses exigences physiques que peut-être la seule formation théorique des femmes diplômées ne pourrait satisfaire.


LCS/SMD/OID/ASB
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