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Possible amnistie ou réhabilitation de Karim Wade et Khalifa Sall, en vue de 2024: Macky Sall mise sur le choc des ambitions et des égos pour dynamiter l’opposition
Publié le lundi 13 decembre 2021  |  Enquête Plus
Karim
© aDakar.com par DR
Karim Wade et Khalifa Sall
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Dans une sortie médiatique sur Radio France internationale (RFI) et France 24, avant-hier, Macky Sall s’est dit ‘’favorable’’, dans l’esprit, à une ‘’réhabilitation’’ de Karim Wade et de Khalifa Sall. Le retour dans le jeu politique de ces fortes personnalités de l’opposition risque de rebattre les cartes, en vue des Législatives et de la Présidentielle de 2024. Si pour certains, cette mesure vise à apaiser le climat, d’autres y voient un moyen de casser la dynamique unitaire de l’opposition qui risque de faire face à un choc des ambitions, en vue de 2024.

C’est un bruit sourd qui résonne jusque dans les arcanes du palais de la République. Depuis quelque temps, le président Macky Sall ne rate jamais l’occasion de rappeler qu’il n’est pas contre l’idée d’’’amnistier’’ ou de ‘’réhabiliter’’ Khalifa Sall, ancien Maire de Dakar, et l’ancien ministre de l’Energie, Karim Wade, tous les deux condamnés pour des faits de détournement de deniers publics et de corruption, pour le premier (2018) et d’enrichissement illicite, pour le second (2015). Des condamnations qui les avaient exclus du jeu politique.

Si les deux bannis de la vie politique sénégalaise ont bénéficié de la grâce présidentielle, néanmoins, ils doivent recouvrer leurs droits civils et politiques pour être inscrits sur les listes électorales ou être candidats à un quelconque scrutin. En une forme détournée, le président Macky Sall s’est dit avant-hier, au micro de France 24 et RFI, ouvert à leur réhabilitation ou amnistie.

‘’Le débat s’est posé au Sénégal aussi. Est-ce que c’est une amnistie ou une sorte de réhabilitation ? Je ne sais pas trop. Moi, je ne suis pas opposé, dans le cadre d’un dialogue, qu’on trouve une solution. Mais qui respecte le droit et la loi. Oui, j’y suis favorable, je l’ai déjà dit au Cadre unitaire de l’islam au Sénégal qui intervient beaucoup pour pacifier le milieu politique. Non, je ne suis pas opposé à l’esprit, mais il faut trouver la bonne formule’’, a-t-il déclaré devant la presse française.

De ce fait, au nom de la concorde nationale et de la cohésion sociale, à l’orée des élections locales et législatives (2022) et Présidentielle (2024), le locataire du palais entend bien rabattre les cartes du jeu politique sénégalais.

Qu’est-ce que le président peut gagner, en faisant revenir ces deux personnalités politiques de l’opposition dans l’arène politique ? A quelle forme de recomposition peut-on s’attendre avec le retour de ces personnalités politiques ? Y a-t-il une volonté d’éviter une agrégation des forces de l’opposition autour de Sonko – Khalifa - Karim susceptible de faire vaciller tout le ‘’Macky’’ ?

Les réticences de Karim Wade pour une amnistie, la face cachée de cette mesure

En remettant au goût du jour ce vieux serpent de mer, le patron de l’APR entend aussi réveiller les vieilles ambitions au PDS et à Taxawu Ndakaru pour mieux isoler Ousmane Sonko qui apparaît comme le vrai épouvantail de l’opposition, en ce moment. Le retour du secrétaire général adjoint du PDS de son exil doré de Doha peut aussi pousser certains cadres libéraux à ranimer le vieux fantasme des retrouvailles de la famille libérale entre l’APR et le PDS, longtemps théorisées par l’ancien ministre Serigne Mbacké Ndiaye. Une démarche dont l’ancien Premier ministre Idrissa Seck risque d’en faire les frais.

L’ex-maire de Thiès, dont il se dit sous certaines chaumières qu’il n’est plus en bons termes avec Macky Sall, serait marginalisé par ce nouvel attelage politique. Les discussions pour une éventuelle amnistie de ((Njoomborton’’ (NDLR : lapereau) butaient sur la forme de cette réhabilitation. Le président Macky Sall serait favorable à une amnistie, alors que l’ex-ministre d’Etat réclame la révision de son procès devant la Crei.

Dans cette démarche, le chef de l’Etat ne risque pas de prendre un retour en flamme, avec le vote d’une loi d’amnistie pour des personnes condamnées pour des délits économiques et financiers ; ce qui serait une première au Sénégal. Une tache d’huile dans le magistère de Macky Sall qui avait fait de la reddition des comptes et la lutte contre la corruption son principal argument de campagne en 2012.

Sur ce, une loi d’amnistie permettrait de passer sous le tapis différents scandales qui ont éclaboussé plusieurs hauts responsables du régime : affaire Petrotim (Aliou Sall), 94 milliards du Prodac (Mame Mbaye Niang et Amadou Ba), gestion du Coud (Cheikh Oumar Hann).

Le choc des ambitions comme source de division au sein de l’opposition

En outre, le retour dans le “Game” d'un Khalifa Sall, lesté de son carcan judiciaire qui le frappe d’inéligibilité, ne manquerait pas de pousser son avantage et ses ambitions en vue de 2024. Une démarche qui risque de dynamiter l’opposition qui tente de se coaliser.

Selon Momar Dioungue, analyste politique, une amnistie ou une réhabilitation de ces deux personnalités politiques va nécessairement redistribuer les cartes au sein de l’opposition. Des plaques tectoniques risquent de s’entrechoquer au gré de l’affirmation des ambitions qui composent cette opposition. ‘’La meilleure stratégie que peut faire Macky Sall, est de travailler à un choc des ambitions au sein de l’opposition. Si Karim Wade et Khalifa Sall reviennent dans le jeu politique, par l’intermédiaire d’une loi d’amnistie - ce qui leur permettra d’être à nouveau éligible - cela va changer complètement la donne. En effet, le PDS et Karim Wade voudraient afficher leurs ambitions et, de la même manière qu’un Khalifa Sall qui ne se permettra plus d’adouber une Soham El Wardini ou un Barthelemy Dias. Il se repositionnera dans le jeu, en vue des Législatives, mais aussi en direction de 2024. Cette dynamique unitaire entre Sonko et Khalifa Sall va forcément se briser. De ce fait, cette situation risque, à terme, de nuire à Ousmane Sonko qui faisait figure d’épouvantail de l’opposition dont le boulevard pour 2024 va rétrécir. Khalifa Sall et Karim ne manqueront pas de marcher sur ses plates-bandes et, en définitive, de grignoter son électorat’’, affirme-t-il.

Poursuivant son propos, le journaliste considère que cette éventualité ne va pas empêcher Macky Sall de toujours demeurer maître du temps, en mettant en œuvre la théorie du diviser pour mieux régner. ‘’C’est toute la structuration du jeu politique qui va changer, avec beaucoup de camps et d’ambitions qui vont s’entrechoquer et ils vont se neutraliser et bénéficier au camp du pouvoir. Il va utiliser la vieille méthode du diviser pour mieux régner. Car il ne faut pas oublier : plus l’opposition va être divisée, plus les ambitions vont s’afficher et plus ils vont se disperser et le camp du pouvoir se portera mieux’’, soutient Momar Diongue. Qui ajoute que cette balkanisation de l’opposition pourra être bénéfique au camp présidentiel qui se verrait ainsi offrir une voie royale pour désigner et installer un potentiel dauphin pour Macky Sall en 2024.

Macky Sall veut éviter cette dualité avec Ousmane Sonko

‘’La division de l’opposition permettra à Macky Sall de préparer au calme son prochain dauphin. Il a fallu à Macky Sall quatre ans pour se construire un destin présidentiel, entre 2008 et 2012. On est à trois ans de 2024 ; il peut travailler à installer un dauphin. Il va rétablir le poste de Premier ministre. Il se peut que ça aille dans ce sens-là. Il aura l’occasion de l'exposer, de le mettre à l’épreuve et de le présenter aux Sénégalais. Dans cette optique, il peut utiliser les leviers du pouvoir pour bien affiner cette candidature et ensuite, de l’accompagner dans le cadre de la majorité pour en faire son dauphin’’, informe-t-il.

Pour sa part, Ibrahima Bakhoum indique que la réhabilitation ou une loi d’amnistie pour Khalifa Sall et Karim Wade épouse parfaitement la volonté du président Macky Sall d’éviter une dualité avec Ousmane Sonko qui fait preuve de résilience face aux nombreux obstacles qui se dressaient sur son chemin politique.

‘’Au début des coalitions, bien avant qu’on ne parle de Wallu et de Yewwi Askan Wi, j’avais dit que Macky Sall va être le premier à la casser. Dès qu’il réhabilitera Karim, les rapports vont changer. Des gens du PDS qui avaient rejoint Macky Sall et qui ne se retrouvent pas dans la majorité élargie, ne vont plus hésiter alors à rejoindre Karim Wade. Ce dernier pourra aussi compter sur l’aura de Me Wade pour s’imposer sur la scène politique sénégalaise’’, indique-t-il.

L’analyste politique n’exclut pas de possibles retrouvailles de la grande famille libérale qui viendrait accomplir la prophétie du ‘’Pape du Sopi’’ qui voulait 50 ans de pouvoir libéral au Sénégal. ‘’Peut-être que ça n'a jamais été un projet pour Macky Sall. Mais il a dû faire contre mauvaise fortune bon cœur face, au risque d’une plus grande dualité entre lui et Ousmane Sonko. Et, par ailleurs, la tentative de liquidation du PDS a échoué, car la charge affective autour de la personne de Me Wade rend très difficile ce dessein. Donc, il peut être tenté par un rapprochement avec le chantre du libéralisme sénégalais Abdoulaye Wade’’, indique l’ancien directeur de publication de ‘’Sud Quotidien’’.

Quid d’Idrissa Seck dans la perspective d’une recomposition de la classe politique sénégalaise avec le ‘’come-back’’ de Khalifa Sall et de Karim Wade ? ‘’Idrissa Seck est déjà marginalisé. Il a fait le deuil de son ambition présidentielle. Il s’est rendu compte qu’il ne peut plus réunir autour de sa personne, comme il l’avait fait en 2019, lors de la Présidentielle. Lors de ce scrutin, il avait réussi à réunir des personnalités comme Pape Diop, Malick Gakou et un Khalifa Sall, et il s’est rendu compte qu’il ne pourra jamais réunir une coalition comme celle de 2019. Il a préféré rejoindre la majorité’’, répond-il.
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