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Sud Quotidien N° du 3/12/2013

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Enfants de la rue, dans la rue, talibes ou mendiants : Noyade dans un vaste champ indéfini
Publié le mardi 3 decembre 2013   |  Sud Quotidien


Mme
© Autre presse par DR
Mme Isabelle de Guillebon, Directrice du Samusocial Sénégal


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L'éradication des enfants de la rue n'est pas pour bientôt au Sénégal, notamment à Dakar., Non seulement il faudrait mettre en œuvre une politique plus volontariste, mais aussi et surtout aucune politique de prévention viable n'est menée en amont dans les régions et pays limitrophes pourvoyeuses pour l'essentiel de ces mineurs en rupture familiale.

Le phénomène des enfants de la rue est parti pour connaître de «beaux» jours devant lui. De l’avis de Mme Isabelle de Guillebon, Directrice du Samusocial Sénégal, qui a célébré ses dix ans de présence à Dakar, au chevet des enfants de la rue, en rupture familiale, scolaire, sociale et communautaire, le problème aujourd’hui c’est qu’il n’y a pas de réelle prévention dans les régions et des pays limitrophes. Or, l’écrasante majorité de tous ces enfants qui vivent et dorment dans les rues de Dakar viennent de partout, de toute la sous région. «Il n’y a pas de prévention en amont et il y a très peu de traitement d’urgence comme le fait Samusocial et d’autres associations avec lesquelles il travaille en réseau».

Mme Isabelle de Guillebon souligne que les enfants qu’on voit dans la rue à Dakar et les grandes villes sont des «enfants mendiants, exploités par des pseudos marabouts, des enfants en rupture familiale, scolaire, sociale, communautaire et qui se retrouvent en rue et vivent en groupe de plus en plus important. C’est un phénomène urbain qui n’existe que dans les grandes villes et principalement à Dakar, parce dans les villages il y a encore cet esprit communautaire, de solidarité».
Une véritable mafia

Abordant la problématique des «faux daaras», implantés un peu partout dans les quartiers dans des maisons abandonnées, en construction, elle relève que l’on est dans un système mafieux. Et partout dans les pays où il y a eu des systèmes mafieux, la résolution de la question a été compliquée. C’est le cas de Sicile (Italie), New York (Etats Unis). «On sait comment ça se passe parce qu’il y a des enjeux économiques, mais qui se chiffrent en milliards de F Cfa. Quant on fait le calcul, les chiffres sont monstrueux pour les enfants de Dakar à 500 F Cfa par jour plus ou quelque fois 1000 F Cfa les vendredis.Et il y a une redistribution économique, y compris dans les familles qui ferment les yeux et qui trouvent un avantage parce qu’elles reçoivent de l’argent en contre partie de leur silence et de fermer les yeux».

Pour la Directrice du Samusocial Sénégal ces enfants sont réellement des esclaves et pire que ça, celui d’entre eux qui ne rapporte pas la somme forfaitaire demandée est ligoté, battu. C’est pourquoi, en plus de la sensibilisation, prévention, éducation, budget, bref tout ce qu’on veut, elle préconise l’application stricte de la loi. Car ces gens-là n’entendront rien d’autre que le bâton, la prison et l’amende.«Je pense qu’il faut la carotte, l’accompagnement, pour le côté positif des choses, mais encore une fois il ne faut pas oublier qu’on est dans un système mafieux, de traite qui draine des milliards de F Cfa de façon annuelle.Il faut le bâton, il faut frapper là où ça fait mal, c’est-à-dire mettre en prison. Faire mendier des enfants, c’est passible d’une peines d’emprisonnement ferme assorti d’une amende allant jusqu’à deux millions».
Tous coupables de complicité…

Suffisant pour qu’elle invite à les autorités à discuter avec les chefs d’Etat des pays limitrophes pour avoir un véritable contrôle aux frontières en ce sens qu’il y a un système de traite aussi dans le phénomène. Il y a également tout un travail à faire avec les communautés religieuses. «Quand nous allons voir les Khalifes généraux, moi je suis allée les voir, ils disent tous que le Coran ne permet pas l’exploitation des enfants par la mendicité. Eux, ils ne font pas ça. Mais il n’y a aucun contrôle des échelons intermédiaires, des petits daaras anarchiques, sauvages».

Les parents ne sont pas exempts de reproches, ils ont une grande responsabilité. «Je te donne mon enfant débrouilles-toi». Finalement, tout le monde semble coupable ou complice y compris ceux qui donnent la charité. Les Sénégalais ayant la «réputation d’être très généreux» dans la charité, la zakat, tout le monde vient, des gens quittent des pays rien que pour venir mendier à Sénégal avec des groupes d’enfants. Conséquence, «n’importe qui peut se lever un beau jour et dire «je suis marabout» et ramasser littéralement 30, 40, 50 enfants en Guinée Bissau ou en Casamance, etc. et les amener à Dakar», se désole-t-elle, tout en reconnaissant que les parents ont aussi une responsabilité.
Utiliser la carotte et le bâton

Pourtant, aux yeux de la loi, l’école est obligatoire et gratuite pour tous jusqu’à l’âge de 16 ans. Mais de fait ce n’est pas le cas, car non seulement le matériel scolaire, les fournitures et les inscriptions, etc. coûtent toujours très chers pour les parents, mais certains d’entre eux ne se retrouvent pas dans le système et les programmes de l’éducation nationale. Et avec l’interdiction de la mendicité en Gambie, ce dernier pays a externalisé le problème (de la mendicité) au Sénégal. «Les lois existent, il y a des textes qui répriment le trafic d’êtres humains. Si on appliquait uniquement les lois qui existent, 80% du problème serait réglé», explique Mme Isabelle de Guillebon.

Cependant, prévient la directrice du Samusocial Sénégal, s’attarder sur la problématique des «faux daaras» et l’enseignement coranique et des dérives de certains maîtres coraniques, ne veut pas dire «stigmatiser sur la problématique talibé. Il ne s’agit pas d’une stigmatisation de l’enseignement coranique et des daaras, mais d’encourager des modèles de réussite. Finalement les enfants qu’on a vu hier, c’était des enfants des rues, qui vivent et dorment dans la rue. Ceux qu’on voit dans la rue quand on maraude ne sont pas des enfants mendiants». A part quelques petits qui ont fugué d’un daara, les autres sont vraiment des enfants de la rue. «Or les enfants de la rue, c’est un champ très vaste, il n’y a pas de définition précise de ce que c’est un enfant de la rue, un enfant des rues, un enfant mendiant, un talibé mendiant, un enfant en rupture familiale», note-elle.

Selon une enquête BIT, Banque mondiale, UNICEF, menée de Dakar à Diamniadio en 2007, environ 8000 enfants mendiants sont répertoriés dans les rues à Dakar. Ils viennent en grande majorité des régions de l’intérieur et de pays de la sous région. En 2010, l'Ong Human Rights Watch avait évalué, dans un rapport sur les «pseudos talibés, les enfants mendiants, l’exploitation des enfants cachée derrière le fait de l’enseignement coranique», à environ 50.000, le nombre d’enfants de la rue. Cela avait fait énormément de bruit à l’époque du côté des autorités.

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