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Accord du G7 sur une imposition mondiale minimum pour les multinationales: Une manne financière à l’épreuve des priorités
Publié le mardi 8 juin 2021  |  Enquête Plus
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© Présidence par PMD
Le chef de l`État au Sommet du G20 à Osaka
Osaka, le 28 juin 2019 - Le président de la République prend part à Osaka, au Japon, au Sommet du G20. Ce vendredi, le chef de l`État a participé à la cérémonie d`ouverture de la rencontre.
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Pour le président de la République, l’éventualité de taxer de la même manière les multinationales, surtout celles évoluant dans le secteur du numérique, offre de belles perspectives de lutte contre l’évasion fiscale. Mais pour y parvenir, d’autres estiment qu’il pourrait commencer par agir sur des leviers déjà à sa disposition.

Un « Bravo » peut en cacher un autre. Entre le président de la République Macky Sall et le coordonnateur du Forum Civil, Birahime Seck, la satisfaction du travail accompli ne se fonde pas sur les mêmes critères. Une information a permis de le symboliser. Réunis ce weekend à Londres, les ministres des Finances du G7 ont annoncé avoir conclu un accord, ce samedi, sur une réforme fiscale visant les multinationales et l’instauration d’un impôt minimum mondial sur les sociétés. Les membres du G7 se sont notamment mis d'accord sur le principe d'un «impôt minimum mondial sur les sociétés» pour les grandes entreprises, au taux fixé à «au moins 15%». Cet accord doit permettre d'établir des «règles du jeu plus équitables » pour les entreprises, en luttant contre les paradis fiscaux. Il devrait, notamment, aboutir à une juste taxation des géants du digital et une taxation minimale à l'impôt sur les sociétés (sic), pour éviter l'évasion et l'optimisation fiscale.

La décision, historique, le chef de l’Etat l’a saluée, en évoquant, sur les réseaux sociaux, « un geste d’équité et de solidarité mondiale », avant de terminer par un « Bravo ». Seulement, cet enthousiasme de Macky Sall n’est pas du goût du Codonateur de la section sénégalaise de Transparency International pour qui, l’évolution actuelle sur la fiscalité des multinationales est le fruit d’un long plaidoyer porté par la société civile dont le Forum Civil, à travers des réseaux (FACTI, TJNA, Oxfam). D’ailleurs, certaines associations ont réagi après l’annonce de cet accord, déplorant que le G7 ne soit pas allé plus loin, en instaurant un taux minimum d'impôt sur les sociétés plus élevé. C'est notamment le cas d'Oxfam qui a qualifié l'accord de «compromis au rabais». «Le taux retenu de 15% est tout simplement trop bas», considère l'organisation, qui a dénoncé le «manque d'ambition» des Européens dans ce combat. Et pour les Africains ?

Le débat sur la taxation des géants du numérique, à savoir Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft (Gafam) fait miroiter beaucoup d’Etats. Le pays ne dispose pas encore d’une politique claire de taxation les visant. Mais des ambitions allant dans ce sens sont déjà évoquées, à travers la stratégie « Sénégal numérique 2025 ». Un nouveau cadre juridique pourrait permettre de configurer un cadre approprié pour un meilleur encadrement des intérêts autour des entreprises de télécommunication, avec l’émergence des Gafam et des OTT (WhatsApp,Viber, Skype) etc.

Le Sénégal est déjà̀ membre du Cadre inclusif sur l’érosion de la Base d’imposition et le transfert de bénéfices (Beps), une initiative de l’Ocde (Organisation de coopération et de développement économiques). Il fait également partie du Groupe de pilotage 2019-2020 du cadre inclusif sur la Beps. Et selon, Mame Cheikh Ibra Ngom, économiste spécialisé sur la fiscalité numérique, le pays, en prenant part au débat fiscal international, à travers son implication directe au Comité des affaires fiscales de l’Ocde, aux réunions régionales en collaboration avec les organisations fiscales régionales, ainsi qu’aux forums mondiaux, s’assure ainsi de bénéficier d’un soutien adapté à ses besoins spécifiques.

Un autre expert dans le domaine soutenait, dans un entretien publié sur Sikafinance, il y a un mois, que la taxation des Gafam, qui relève de la fiscalité internationale, ne peut prospérer dans nos économies. Mamadou Ngom, économiste et fiscaliste, insistait sur le fait qu’il s’agit du domaine de la fiscalité le plus complexe et le plus hybride. Il invite ainsi les pays africains de la zone Uemoa à harmoniser leur régime d’imposition pour faire face à ces géants du commerce numérique et digital.

Il ne faut pas oublier que les règles actuelles des impôts sur les sociétés ont été conçues pour les entreprises traditionnelles, dotées d’un établissement stable là où elles sont imposées, fait remarquer Amah Vinyo Capo, du secteur de la Poste et des télécommunications du Togo. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’avoir une présence physique dans un pays, pour y fournir des services numériques, si bien que les bénéfices ne sont pas taxés là où la valeur a été créée.

Mais avant de s’intéresser à cette manne financière bien complexe à saisir, il faudrait peut-être agir sur d’autres leviers plus accessibles. C’est bien sur ce point que le Forum Civil reproche au président de la République de ne pas jouer sa partition à fond, avant de féliciter ce qui se fait ailleurs. Dans cette optique, il propose à Macky Sall de « faire mieux et plus » que l’accord sur l’imposition minimum de 15 %, en revoyant « les traités bilatéraux d’investissement (TBI), les conventions de non double imposition, et d’éliminer les clauses de stabilisation dans les conventions minières ».

Le membre de l’organisation de la société civile incite également le président de la République à faire preuve de plus de transparence. Cela pourrait se faire en généralisant « la publication des bénéficiaires effectifs des entreprises, faire publier les rapports sur les dépenses fiscales, publier les conventions de financement, transposer effectivement la convention de Palerme sur la criminalité transfrontalière ».

D’autres points sur lesquels le Forum Civil attend le président de la République sont la prise de décisions fortes sur les mesures contre les professionnels nationaux et internationaux (comptables, financiers, avocats) qui facilitent l’installation des multinationales dans les paradis fiscaux. Ou encore d’inviter le G7 et le G20 à prendre des mesures contre les paradis fiscaux. Et enfin de donner plus de moyens au Centif (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières) dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux, mais aussi, à l’Ofnac (Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption) pour la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Seulement, « à ce moment-là, assure Birahime Seck, nous vous dirons bravo ».

TROIS QUESTIONS A GUY SILVA THIAM, SPECIALISTE EN FINANCE BANCAIRE

« Les multinationales établies au Sénégal paieront plus d'impôt »

L’économiste, promoteur de l’école de formation IATB SANTÉ, revient sur la taxation complexe des géants internationaux du numérique.



Qu’est-ce que l’accord sur une imposition mondiale minimale de 15 %, une fois adopté par tous les pays, va changer sur leurs économies, surtout pour les pays africains ?

Actuellement, le principe de l'impôt est que l'entreprise paie son impôt à son lieu de résidence (notamment la multinationale). Cela signifie qu'une société peut mener toute son activité au Sénégal, mais étant enregistrée en France, elle paiera quasiment tout son impôt en France. Le Sénégal perd donc des recettes fiscales. Cette situation, nous la vivons avec les multinationales dans le secteur minier, industriel, des BTP, des Télécoms, etc. Une fois cette proposition adoptée par les pays, ce qui est loin d’être gagné, les multinationales établies au Sénégal paieront plus d'impôt (15%) au Sénégal, le lieu d'activité. Cette réforme vise essentiellement à lutter contre le principe de l'optimisation fiscale des entreprises, par le biais de l'évasion fiscale avec les paradis fiscaux. Elle vise aussi et surtout à taxer au plus fort, en Europe et aux États-Unis, le groupe GAFA et les entreprises du numérique qui exercent dans la finance, la vente en ligne, les Télécom, etc.

Où en est le Sénégal dans la taxation de l’économie numérique ?

Il n'y a pas à proprement parler, à la date d'aujourd'hui, un régime fiscal de l'économie numérique qui en est, malgré ses performances, à ses balbutiements. Le principe, c'est la taxation des sociétés par le biais de l'impôt sur les sociétés. Nous sommes encore à l'ère de l'économie du réel. Le virtuel est encore un peu abstrait chez nous.Nos législations suivent nos progressions et réalités économiques. On ne fait pas de lois pour anticiper sur une éventuelle évolution et orientation de l'économie.

Pensez-vous que ces organisations représentent une menace, avec l’évocation de l’économie numérique dans le monde, pour les Etats les plus pauvres ?

Le terme "menace" ne me semble pas approprié, dans ce cas de figure. L'évolution mondiale tend à faire une place de choix à la "vie numérique" et son corollaire. Par contre, cette réforme risque de faire perdre des recettes fiscales énormes aux pays qui avaient opté pour "des impôts bas", afin d'inciter à la domiciliation d'entreprises multinationales. Ces derniers ne sont pas forcément les pays les plus pauvres. La réforme au contraire peut être avantageuse pour des pays comme le Sénégal qui récupérera au moins 15% des bénéfices sur les industries et les multinationales implantées sur son territoire. Par contre, certains pays qui avaient des taux d'imposition au-delà de 15% risquent d'être fortement défavorisés, comme c'est le cas de la France, entre autres. C'est justement à cause de ces pertes éventuelles pour les pays riches que je pense que le projet sera revu, afin qu'il ne concerne que les entreprises du numérique et aucun autre secteur. Ce qui fera qu'il sera sans intérêt pour les pays pauvres comme le Sénégal.
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