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Le Soleil N° 13056 du 2/12/2013

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Mary Teuw Niane, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche: « Les ressources tirées des droits d’inscriptions seront réinvesties dans les universités »
Publié le lundi 2 decembre 2013   |  Le Soleil


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© Autre presse par dr
Mary Teuw NIANE, ministre le l`enseignement supérieur


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Le ministre de l’Enseignement supérieur et de Recherche, le Pr. Mary Teuw Niane, était l’invité de la Rédaction du « Soleil », mardi dernier. M. Niane a été accueilli par le directeur général, Cheikh Thiam, le coordonnateur général des rédactions, Modou Mamoune Faye et le rédacteur en chef central, Daouda Mané. Il a largement abordé les grands chantiers entamés et ceux à venir pour mettre l’enseignement supérieur aux normes internationales. Le ministre a également évoqué la hausse des droits d’inscription dans les universités publiques.

Qu’est ce qui explique ce regain de tension dans nos universités malgré la tenue la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur (Cnaes) ?
«Il est important de préciser un peu la dynamique dans laquelle se trouve le ministère. Nous avons mis en œuvre l’une des promesses du président de la République, la Cnaes au Sénégal. Celle-ci a été participative et inclusive. Elle s’appuie sur la vision du chef de l’Etat qui veut faire de l’enseignement supérieur et la recherche un levier de développement économique et social. Ladite concertation a défini les voies et moyens de réaliser cette vision dans la décennie à venir. Cela a abouti aux 78 recommandations mais aussi et surtout au premier Conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur et la recherche depuis les indépendances. Conseil au cours duquel le chef de l’Etat a pris 11 décisions. Le ministère s’évertue, naturellement, à mettre en œuvre ces décisions. Pourquoi avons-nous ces remous ? Je précise qu’il y a d’abord des remous saisonniers dont certains ont disparu. A pareil moment, le problème le plus bruyant concernait les bacheliers non orientés. Aujourd’hui, on en entend plus parler parce que des solutions ont été trouvées (orientation et inscription en ligne) et sont en train d’être mises en œuvre. La réforme a ses contraintes et ses obligations. Elle vise à faire du Sénégal une destination privilégiée, non seulement pour nos propres bacheliers mais aussi pour ceux de la sous-région et d’autres endroits du monde. Car l’enseignement supérieur est, par essence, internationale. C’est pourquoi nous visons les standards internationaux. Cela demande des moyens. L’Etat est le premier à s’y investir. Lors du Conseil présidentiel, chef de l’Etat a pris des engagements forts sur 4 ans : 18 milliards de FCfa dans le Budget consolidé d’investissement (Bci) en 2014, 21 milliards en 2015, 27 milliards en 2016, 25 milliards en 2017. Ces montants cumulés représentent 3 fois l’investissement de l’Etat par rapport aux 4 années qui précèdent. L’effort est très important. A cela, il faut ajouter l’effort des partenaires au développement, celui que nous sommes en train de demander aux entreprises et aux collectivités locales. Bien évidemment, il faut que l’étudiant fasse un effort, comme dans les autres ordres d’enseignement. Au préscolaire, au primaire, au collège et au lycée, même dans le public, les parents paient plus. Demander à un étudiant de première année de payer 25.000 FCfa pour toute l’année, c’est raisonnable. C’est ce qu’on paye par mois dans certaines écoles du préscolaire».

Comment les ressources générées par les droits d’inscription seront-elles utilisées ?
«Les études supérieures, de manière évidente, coûtent plus chères. La contribution des étudiants ne représente même pas 1/20ème du coût de formation de l’un d’eux. En étalant ces 25.000 FCfa sur 10 mois, nous avons 2.500 FCfa par mois et 500 FCfa par semaine. Je pense que les coûts proposés sont raisonnables. Certes, il y a une tradition qui date de plus de 40 ans. L’on comprend qu’il y ait des soubresauts si on l’interrompt.

Ces ressources nouvelles ne vont pas seulement dans le fonctionnement de l’université. L’essentiel de cet argent servira à améliorer les conditions d’études des étudiants. On demande, pour la première année (L1), 25.000 FCfa ; 30.000 FCfa pour la deuxième année (L 2) et 35.000 FCfa pour la troisième année (L 3). Ces frais sont de 50.000 FCfa en Master 1 ; 60.000 FCfa en Master 2 et 75.000 FCfa pour le Doctorat. Je rappelle que les étudiants payaient 150.000 FCfa à l’Ucad. On l’a divisé par 2. A Thiès, les doctorants payaient 300.000 FCfa, on l’a divisé par 4.

Ces ressources sont réparties en 2 parties : l’inscription administrative (10.000 FCfa de la première année au Master et 20.000 FCfa au Doctorat) et le reste à celles pédagogiques, c’est-à-dire qu’elles reviennent directement aux Facultés, aux Ufr et aux instituts. Ces derniers les gèrent pour les étudiants. Cela veut dire les montants alloués à ces structures sont de 15.000 FCfa pour la première année, 20.000 FCfa en deuxième année ; 25.000 FCfa en troisième année ; 40.000 FCfa au Master 1 ; 50.000 FCfa au Master 2 et 55.000 FCfa au Doctorat. Ces ressources seront gérées conjointement par les responsables des institutions et les étudiants. L’argent est déjà réparti : 60 % destinés à la professionnalisation (renforcement des filières professionnelles), 20 % à l’amélioration des conditions pédagogiques et de travail, 10 % affectés à la formation doctorale, 5 % prévus pour la mobilité des étudiants et les 5 % restants à la vie estudiantine. C’est-à-dire, pour encourager la création de clubs pour que la vie culturelle et scientifique puisse revivre au sein de l’espace universitaire. Autrement dit, dans cette augmentation des droits d’inscription, l’essentiel reviendra aux étudiants pour leur permettre d’avoir des diplômes de qualité, compétitifs au niveau international. Car il ne faut pas oublier que leurs camarades qui sont à l’étranger, qui bénéficient de bourses et dont les parents ont des moyens, vont revenir au Sénégal avec des diplômes internationaux. S’ils veulent être en compétition avec ces derniers, à armes égales, il faudrait que leur formation le leur permette. Cette réforme a pour but de restaurer la qualité de la formation».

Y a-t-il eu des concertations préalables sur la hausse des droits d’inscription ?
«Il y a eu plusieurs niveaux de concertation. Les représentants des étudiants de chaque université ont participé à la Cnaes. Celle-ci a recommandé la constitution d’une commission ad hoc. Chaque université y était représentée par ses étudiants. Après la tenue du Conseil présidentiel, j’ai rencontré les journalistes, le top management des universités et réuni plus de 200 représentants d’étudiants à Saly pour en discuter. A rappeler que les droits annoncés au moment de la Concertation nationale étaient de 150.000 FCfa. Le président de la République a jugé cette somme trop élevée. Il a demandé de trouver des montants raisonnables et acceptables. Et la commission ad hoc a travaillé dans ce sens en définissant ces droits d’inscription, qui sont de petits montants comparés à ceux appliqués dans les pays voisins».

Chaque camp semble camper sur ses positions. Que se passerait-il si le statu quo persiste ?
«Il appartient à l’Etat de voir ce qui peut améliorer telle ou telle situation. Nous sommes un pays qui a un leadership politique et international. Ce leadership, en grande partie, vient de la qualité de notre formation. Nous avons formé plusieurs dirigeants. Ils sont nombreux à exprimer leur fierté d’avoir fait leurs humanités au Sénégal. Si nous laissons péricliter notre système d’enseignement supérieur, c’est la destination Sénégal qui va disparaître. Si cela disparaît, notre leadership en prendra un coup. Et cela, il n’en est pas question. Le Sénégal a besoin de structures de qualité. Nous avions rencontré les étudiants, nous continuerons à le faire. Mais, ces droits d’inscription seront maintenus».

Les étudiants ne cessent de déplorer les conditions de logement et de restauration. Avez-vous pris des mesures pour changer cette donne ?
«Les conditions d’études à l’université se sont dégradées. C’est un constat général. Quand l’Etat met tout dans le social et oublie le pédagogique, il y a forcément problème. Or, l’essentiel à l’université, c’est le pédagogique puisque l’étudiant est là pour se former d’abord, avoir les diplômes et les compétences pour trouver un emploi ou créer une entreprise. Si la plateforme de formation n’est pas au niveau, on ne peut pas espérer des résultats. L’Etat, tiraillé qu’il est entre plusieurs priorités, ne peut pas être démagogique en investissant autant dans le social et dire qu’il va faire la même chose dans le pédagogique. Il faut trouver le compromis raisonnable pour chaque secteur afin de le développer, même si l’enseignement supérieur et la recherche sont un levier de développement économique et social».

Mary Teuw Niane Invit redac 2Il y a une floraison de Masters et diplômes professionnels à l’université. Est-ce que la formation payante ne risque pas de prendre le pas sur celle publique ?
«C’est vrai que pendant un temps, les établissements d’enseignement supérieur publics ont fonctionné en îlots indépendants. L’Etat n’a pas suffisamment joué son rôle de pilotage du système. Depuis 2 ans, avec le Programme de gouvernance et de financement de l’enseignement supérieur (Pgf-Sup) axé sur les résultats, il y a eu la création de la Direction générale de l’enseignement supérieur (Dges). A côté, nous avons l’Agence nationale d’assurance qualité (Anaq). Celle-ci a pour mission d’évaluer et d’accréditer les institutions et les filières de formation. L’Anaq est autonome. Elle va agir aussi bien sur le public que sur le privé et pourra préconiser des réorientations des filières, des corrections dans les curricula de ces filières ou même, au besoin, demander la fermeture de telle ou telle filière, parce que ne répondant pas aux objectifs qui lui étaient fixés. C’est dire que nous allons vers une meilleure gouvernance des institutions de l’enseignement supérieur. A cela, il faut ajouter le nouveau décret sur l’orientation et l’inscription des bacheliers. Là aussi, jusqu’à à la création de l’Ugb, l’orientation était centralisée. Mais, petit à petit, chaque université assurait sa propre orientation et faisait ses choix selon des critères qui lui étaient propres. Aujourd’hui que l’Etat a une vision nationale de l’enseignement supérieur, il lui appartenait aussi de reprendre en main cette prérogative qui était la sienne et fixer les quotas pour chaque université. La mise en œuvre de ce décret va également impliquer la création de nouvelles filières qui feront l’objet d’une approbation des pouvoirs publics».

Votre département a-t-il un droit de regard sur les fonds générés par les fonctions de services ?
«Sur la gestion des établissements d’enseignement supérieur, des réformes sont en cours. La directive n°10 du Conseil présidentiel a préconisé un certain nombre de dispositions. Avec mon collègue de l’Economie et des Finances, nous allons prendre les arrêtés qui permettront de mettre tout cela en œuvre. Dans certaines universités, il existe des fonctions de services qui ont des comptes parallèles. Ils seront supprimés. A l’Ucad, il sera mis en place un réseau d’agences comptables secondaires qui seront logées dans les Facultés, les grandes écoles, comme l’Ecole supérieure polytechnique (Esp), pour avoir une gestion de proximité. Mais, toutes les ressources seront centralisées, tout en facilitant leur utilisation, mais à travers des procédures transparentes et respectueuses des objectifs définis et des normes».

L’année dernière, il était question d’installer les modules du Fesman dans les universités pour combler le gap de chambres. Où en êtes-vous avec ce projet ?
«Effectivement, le gouvernement avait pris la décision de les installer dans les campus universitaires. Mais, après évaluation, il nous est apparu que les coûts de leur installation étaient exorbitants et qu’il était plus sage de chercher une autre solution. Le président de la République a pu mettre à la disposition de l’enseignement supérieur 4 milliards de FCfa pour un projet d’urgence de construction de 3 pavillons avec une capacité de 1.044 lits. Après soumission aux procédures normales des marchés, dans une ou deux semaines, ce marché sera conclu et les constructions vont démarrer. De même, la démolition des anciens pavillons qui a été entamée devra se terminer avant la fin du mois de janvier. C’est un signe du souci du président de la République de mettre les étudiants dans les meilleures conditions sociales. Ce projet d’urgence de construction est la première étape. Il y aura d’autres pavillons, aussi bien à l’Ucad que dans les autres universités».

Les locaux de l’Université du futur africain (Ufa) à Sebikhotane restent encore inoccupés. Que vous comptez-vous en faire ?
«Pour ce qui est de l’Ufa, la décision a été prise, depuis longtemps, de construire, sur le même site, la 2è université de Dakar, communément appelée Université Dakar-Banlieue. Celle-ci bénéficie du soutien de la Banque mondiale qui a dégagé 34 millions de dollars (17 milliards de Cfa). Elle sera construite en partenariat public-privé. L’appel d’offres sera bientôt lancé. L’objet est d’avoir une entreprise qui pourra construire, équiper, clé en main, et assurer la maintenance sur 10 ou 20 ans. Notre vœu est que le Sénégal dispose d’une université de standard international. Ce sont nos enseignants et chercheurs les plus qualifiés qui vont y enseigner avec des partenaires venant d’un peu partout. Cette université va créer un deuxième pôle public de formation supérieur dans la région de Dakar».

N’a-ton pas pris du temps pour ouvrir ce chantier ? Des pays comme la Turquie se sont déjà illustrés dans ce domaine. Avez-vous cherché à vous inspirer de leur expérience ?
«C’est vrai que nous avons pris du retard dans ce domaine. C’est pourquoi les ruptures sont essentielles. Nous sommes restés dans les anciens schémas de financement de l’enseignement supérieur où c’est l’Etat qui fait tout. Il nous faut aller vers le partenariat public-privé. Nous l’envisageons également pour l’hébergement et la restauration des étudiants. Cela nous permettra aussi de réaliser facilement le plan de développement, particulièrement l’élargissement de la carte universitaire.
Nous sommes en train de réfléchir aussi sur une des recommandations de la concertation nationale : la création d’un Fonds d’appui à l’enseignement supérieur. Plusieurs pays riches ont pu développer leur enseignement supérieur à travers un système de prêts. Ce fonds devrait permettre à l’étudiant de disposer d’un prêt qui lui permettra de payer ses études et, quand il aura trouvé du travail, de rembourser. S’agissant de l’exemple turc, je puis vous assurer que nous explorons de nombreuses pistes. Nous sommes en train d’étudier tous les partenariats possibles. Car le projet d’extension de l’enseignement supérieur, de redynamisation de la recherche et d’extension de la carte universitaire est très ambitieux et doit mobiliser toutes les ressources possibles, que ce soit du public, du privé local, ou des partenaires au développement. Hier seulement (Ndlr : l’entretien s’est déroulé le mardi 26 novembre), notre ministère et celui de l’Economie et des Finances négociaient avec la Bad pour un prêt permettant de construire le siège de l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs) et des Espaces numériques ouverts (Eno). Nous ferons la même chose, dans les semaines à venir, avec d’autres partenaires».

Votre ministère a signé avec les universités publiques des Contrats de performance axés sur les résultats pour la période 2012-2016. Peut-on avoir une évaluation à mi-chemin ? Qu’est-ce qui est prévu au cas où ces contrats ne seront pas remplis ?
«Ces Contrats de performance (Cdp) ont été signés autour de 5 objectifs : l’amélioration de la qualité de l’enseignement, l’amélioration de l’utilisation des Tic, l’amélioration de l’efficacité interne, l’amélioration des relations avec le monde socio-économique et l’amélioration de la gouvernance. Chaque université, selon sa spécificité, a décliné ses objectifs, ses activités et des indicateurs de performance. Nous avons discuté avec toutes les universités jusqu’à s’être accordés sur des objectifs. Chacune d’elle a reçu des ressources supplémentaires pour lui permettre de réaliser le Cdp. C’est dans ce cadre que toutes les universités ont lancé le projet « Un étudiant, un ordinateur ». La Banque mondiale est en train de finaliser l’interconnexion des universités à Internet, d’avoir une bande passante de 150 méga octets et de mettre le Wifi sur les campus social et pédagogique. Les quotas des nouveaux bacheliers que nous avons fixés pour chaque université découlent desdits Contrats. Si une université ne remplit pas tel ou tel objectif crucial, évidemment, elle sera sanctionnée. Celle-ci sera budgétaire. Par contre, si elle atteint ses objectifs, elle peut demander des ressources supplémentaires».

Mary Teuw Niane Invit redac 3Dans les pays développés, on investit dans la recherche avec des résultats qui ont un impact sur le quotidien des populations. Qu’est-ce qui bloque la recherche au Sénégal ?
«Après la tenue du Conseil présidentiel, nous avons élaboré le projet de décret portant création de la Direction générale de la recherche. C’est un élément nouveau dans la gouvernance. Elle aidera à la mise en œuvre de grandes orientations de la recherche, à la remise en marche du Centre national de recherche scientifique (Cnrs). A partir de ce dispositif, nous allons lancer un programme d’équipement des laboratoires de recherche. Dans le Bci 2014, un milliard de FCfa est prévu pour équiper les laboratoires. Nous mettrons en place des plateformes mutualisées de recherche où l’équipement lourd qui ne peut pas être distribué à chaque laboratoire sera acheté avec ces fonds en partant des besoins de recherche de notre pays. La recherche n’étant pas encore gouvernée et pilotée, chaque enseignant ou chercheur faisait ses recherches, le plus souvent, par rapport à sa promotion personnelle. La nouveauté, c’est que le gouvernement va mettre des ressources autour de thématiques de développement identifiées, précises et identifier les chercheurs les plus qualifiés, les mettre en équipe, contractualiser avec eux pour pouvoir aborder nos questions propres de développement. La plateforme de Diamniadio nous permettra d’y arriver. Le chef de l’Etat nous a attribué 12 ha sur le site qui va abriter la Cité du savoir. Elle accueillera la partie Tic de l’Uvs, le ministère et toutes les grandes directions, l’Office national du baccalauréat, la Direction des bourses, le Cnrs, la Direction générale de la recherche, l’Agence nationale de recherche scientifique appliquée, les plateformes mutualisées, etc».

Au Sénégal, le constat est qu’on forme peu dans les filières scientifiques. Comment comptez-vous inverser cette tendance ?
«Former dans les filières scientifiques est la première orientation des conclusions de la Concertation nationale et la première directive du Conseil présidentiel. Il s’agit de se réorienter vers les sciences, les technologies et les formations professionnelles courtes. Dans les nouvelles créations, nous allons encourager tout cela. Des Instituts supérieurs d’enseignement professionnel (Isep) seront créés dans toutes les régions du Sénégal. Ce sont des formations de Bac+2. Celui de Thiès a démarré sur un financement de la Banque mondiale de 8 milliards de FCfa. L’Isep de Matam commencera en 2014. L’Université du Sine-Saloum de Kaolack est dédiée à l’agriculture, celle du Sénégal oriental de Tambacounda aux métiers des mines. Un milliard de FCfa est prévu pour démarrer les constructions. A Kolda, nous allons ouvrir 2 Ufr : l’une dédiée à l’agro-sylvo-pastoral et l’autre aux métiers de la psychologie. Le drame, au Sénégal, c’est que nous avons laissé de côtés les formations à des métiers».

Avez-vous pris en compte la question de l’insertion surtout que ceux qui sont sur le marché peinent à avoir un emploi ?
«La réflexion est menée, mais il y a de l’expérience. Notre système a des îlots de formation professionnelle ou « professionnalisante » performants. C’est le cas de l’Esp, de l’Ept et de certaines filières à l’Ugb. Ces filières sont en relation avec le milieu de l’entreprise. Dans les Cdp, il s’agit aussi d’accompagner les universités à aller dans ce sens, particulièrement dans l’élaboration du curricula. Faire en sorte que les professionnels de l’entreprise participent à cette élaboration et à l’accompagnement de l’étudiant, aussi bien pour le stage que dans la recherche de l’emploi. Je rappelle que dans certaines universités, il existe des directions de l’insertion. Nous aurons un Observatoire au niveau de la Dges qui permettra de donner des indications aux universités sur les secteurs ayant un fort potentiel d’emplois. Un consultant est sélectionné pour faire une étude, en rapport avec les milieux socio-économiques, afin d’identifier les potentialités et ce qu’il y a le mieux à enseigner pour pouvoir donner aux jeunes des chances d’être employés ou d’aller vers l’auto-emploi.

Dans le même temps, les universités font leurs premiers pas vers la création d’incubateurs. A Dakar, nous avons « Innodev » et l’incubateur agroalimentaire à Saint-Louis. Ziguinchor aura aussi bientôt un incubateur agroalimentaire, de même que l’Université de Bambey. Nous voulons faire en sorte que l’entreprise soit dans l’espace universitaire comme en Chine, aux Etats-Unis, etc. Cela permettra à l’étudiant, à l’enseignant-chercheur et à l’entreprise de travailler ensemble. Le monde étant ouvert, des jeunes aux compétences avérées peuvent les utiliser ailleurs que dans notre pays. Lors de la visite du président de la République au Qatar, ce pays a été demandeur d’infirmiers et d’autres types de métiers. Ceci nous amène à une décision importante du chef de l’Etat : l’enseignement des langues et la place de l’anglais dans notre système d’enseignement supérieur.

La recommandation est de faire en sorte que les étudiants, après la Licence, soient au moins bilingues. Ils pourront ainsi suivre, une fois en Master, les cours en français et en anglais et pouvoir, demain, quand une opportunité d’emploi se présente, postuler avec toutes les chances de réussir. Les entreprises anglophones pourront aussi s’implanter au Sénégal, sachant qu’il n’y aura pas de problème de communication. C’est la même chose pour le Bac arabe qui a débuté cette année».

Par rapport à la nouvelle politique des bourses, il semble que l’Etat va accorder plus de subventions aux scientifiques qu’aux littéraires à partir du Doctorat. Pourquoi ?
«De manière générale, les bourses seront données sur la base de deux critères. Le premier est pédagogique. L’étudiant excellent aura une bourse. Le second est social. Il s’agit de l’étudiant ayant des parents qui n’ont pas suffisamment de moyens et qui étudie correctement ou de l’étudiant handicapé. C’est la bourse sociale. Le renouvellement de ces bourses est conditionné par les résultats. Il ne sera permis à l’étudiant qu’un redoublement par cycle. La bourse est faite pour étudier, pour encourager l’étudiant à réussir et non pour autre chose. Dans le troisième cycle, il y a un changement de paradigme. Jusqu’à présent, les bourses de 3è cycle étaient données automatiquement, indifféremment des capacités d’accueil des Ecoles doctorales ou des formations doctorales. Le ministère va discuter avec les universités, et chaque Ecole doctorale donnera sa capacité d’accueil et un contrat sera signé avec elle. A partir de là, le nombre de bourses de formation doctorale sera défini et l’école en sera responsable. La formation doctorale d’un étudiant nécessite des ressources. Ce n’est pas seulement la bourse allouée à l’étudiant. Il y a tout ce qui encadre les séminaires, les jurys, les nécessités de mobilité, etc. Un appui sera apporté aux Ecoles doctorales pour leur permettre de mener correctement leur mission. Le montant sera défini ensemble.

L’autre aspect des bourses est politique. Aujourd’hui, l’orientation de l’Etat, c’est d’encourager les étudiants à aller vers des études scientifiques. Il sera tout à fait naturel qu’il y ait plus de bourses pour ces disciplines que pour les lettres et les sciences humaines. Mais, cela n’amène pas, au niveau de l’Etat, un jugement de valeur par rapport aux études littéraires. Nous n’avons que 30 % de scientifiques contre 70 % de littéraires. Pour avoir des entreprises, il faut des techniciens. Je rappelle que la maîtrise des langues est indispensable pour être un bon scientifique. Si nous ne formons pas bien en français, langue de support de nos études, il est illusoire de penser que nous aurons de bons scientifiques. L’enseignement des sciences et celui des langues sont intiment liés».

On assiste à une prolifération d’universités privées, et il pose un problème de crédibilité du diplôme délivré. Que fait l’Etat par rapport à cela ?
«L’Etat encourage la libre entreprise puisqu’elle est source de création d’emplois. Cela est valable dans tous les domaines. Pour développer notre pays, résorber le chômage, il faut, à coté de l’Etat, créer beaucoup d’entreprises. Les écoles privées jouent un rôle important dans notre économie, en employant des enseignants, des administratifs et surtout en recevant de nombreux étrangers. Lesquels, en dépensant des ressources, en louant des maisons, participent à faire vivre notre économie.

Il est important d’organiser le pôle privé, et c’est le rôle de l’Anaq. Il y a lieu de préciser que plusieurs établissements du privé ont essayé de faire accréditer leur diplôme par le Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (Cames). L’année dernière, 14 filières du privé ont été accréditées par le Cames. Cette année, plus d’une vingtaine de filières ont été déposées à la commission d’équivalence du Cames pour accréditation. Il y a donc un effort et une volonté d’aller vers plus de qualité. Le problème est que nous avons un système étatique qui a toujours fonctionné avec l’état d’esprit d’université unique. Ce qui est à l’origine des problèmes de reconnaissance et de validation des diplômes du privé qui en a souffert. Aujourd’hui qu’il y a l’Anaq, tout cela peut être dépassé. Il reste cependant un autre pas à franchir. Certes, l’Assemblée nationale a adopté la loi sur le Lmd, les décrets d’application ont été pris pour la Licence, le Master et le Doctorat. Mais, la Commission de classement des diplômes au niveau de la Fonction publique doit s’adapter à la nouvelle réalité marquée par la diversification des structures publiques et privées de formation pour faire en sorte que le diplôme de Master qui sera accrédité par l’Anaq ou le Cames soit reconnu. En effet, il serait absurde qu’un diplôme reconnu par le Cames ou accrédité par l’Anaq ne le soit pas, par exemple, pour faire le concours de l’Ecole nationale d’administration (Ena) ou du Centre de formation judiciaire (Cfj). Avec le ministère de la Fonction publique, nous allons travailler là-dessus».

Mary Teuw Niane Invit redacConcernant les établissements privés, peut-on s’attendre à des formes d’incitation autres que la subvention qui n’est parfois qu’une façon de disperser les moyens de l’Etat ?

«L’an dernier, nous avions choisi de mettre en compétition les établissements privés d’enseignement supérieur lorsque nous nous étions rendu compte que l’ensemble des bacheliers ne pouvaient pas être orientés dans le public. Nous avions cependant mis en avant la qualité. Les filières devraient être accréditées par le Cames. Ceci a permis de les promouvoir et de leur affecter des étudiants. L’Etat n’a pas fait de subvention, mais a payé un service demandé à ces établissements. C’est une manière d’inciter à la qualité.

Lors du Conseil présidentiel, le président de la République a offert, sur le site de Diamniadio, 6 ha aux établissements privés d’enseignement supérieur. J’ai reçu le document du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. La direction des établissements privés d’enseignement supérieur de la Dges a réuni le président de la Conférence de ces établissements et celui de la Conférence des grandes écoles pour discuter de ce qu’il faut faire de ces 6 ha. Nous les avons mis en relation avec la Société financière internationale (Sfi) de la Banque mondiale, pour qu’ils puissent regarder et établir un partenariat public-privé. Dans l’enseignement privé, il existe certes des formations scientifiques et techniques, mais, peu nombreux. D’où cette idée d’avoir une plateforme technique commune».

Dans les médias, l’information scientifique est peu vulgarisée. Qu’est-ce que votre département a prévu dans ce sens ?

«Nous allons voir avec la Rts, le « Soleil » et les médias privés la possibilité de diffuser la culture scientifique. J’ai écris au ministre de la Communication pour lui demander des fréquences radio et télévision pour que, dans le cadre de la mise en place de l’Uvs, nous développons cet outil. Lequel est utilisé ailleurs pour une éducation et une formation de masse. Seulement, il n’y a pas de fréquences disponibles. Un audit des fréquences est en cours. Si elles se libèrent, on pourra en disposer. En Afrique du Sud, vous pouvez suivre des cours de mathématique à travers la télévision».

La fuite des cerveaux est une préoccupation latente. Des jeunes ayant bénéficié d’une bonne formation quittent le Sénégal pour l’étranger…

«Il y a ceux qui sont déjà là, et il faut leur offrir des perspectives, lesquelles sont déjà en place. Cependant, il faudrait les accélérer. Il y a d’abord les conditions salariales, et nos universités, aujourd’hui, sont compétitives. De plus en plus, dans les appels d’offres, des Sénégalais de l’extérieur postulent, et lorsqu’ils sont pris, ils rentrent. Même des Européens postulent. Aussi, nous avons des chercheurs dans des laboratoires de qualité. Pour les faire venir, il faut qu’ils aient chez nous les mêmes conditions de recherche. Les nouvelles réforment prennent en compte cette problématique, c’est-à-dire faire en sorte que notre diaspora puisse intervenir par un retour au pays ou de manière alternée.

A cela, s’ajoutent la promotion et le renforcement du label « étudier au Sénégal ». De nombreux bacheliers brillants qui vont dans les classes préparatoires ne reviennent pas. Il faut leur donner un enracinement avant qu’ils ne partent. Nous sommes en train de travailler pour la création, à Saint-Louis, de classes préparatoires. Nous espérons aboutir, en octobre 2016, à leur au démarrage. C'est dire que les jeunes seront formés ici pendant 2 ans. Les étudiants pourront après postuler aux concours français d’entrée dans les grandes écoles comme l’Ecole polytechnique, les mines et les télécoms. J’encourage la mobilité à la fuite des cerveaux. Car, dans certaines formations, il faut envoyer les jeunes à l’étranger. Seulement, il faudrait qu’ils se sentent redevables à leur pays et apportent leur contribution à son développement. Les textes sont presque finalisés ainsi que la loi d’orientation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Sans doute, la semaine prochaine, ils seront introduits dans le circuit. Il restera à travailler sur le texte portant statut des enseignants-chercheurs».

Chaque année, des jeunes quittent le Sénégal, car les formations qu’ils cherchent n’existent souvent pas dans le pays. Que fait l’Etat pour résoudre ce problème avec notamment la question des bourses ?

«Ce sont des questions sur lesquelles nous avons entamé des ruptures. Les bourses étaient données à tort et à travers, sans priorité particulière. En plus, elles ne couvraient pas le minimum vital d’un étudiant. Il n’y a qu’en France qu’on pouvait donner des bourses. Pour les autres pays, ce sont des aides. Cette année, nous avons décidé d’accorder la priorité aux classes préparatoires et de réduire, au maximum, les bourses dans les autres disciplines. Les années à venir, il n’y en aura pratiquement plus, sauf pour les classes préparatoires. Ce qui permettra de pouvoir augmenter le taux des bourses. Aujourd’hui, les parents du boursier d’excellence sont obligés de lui envoyer un supplément par mois. Ce qui n’est pas normal. Si les parents sont de familles modestes, ils ne peuvent pas le faire.

Cela contribue à l’échec d’élèves très brillants à l’étranger. De nombreux parents envoient leurs enfants au Canada, aux Etats-Unis ou en Suisse, des pays très chers. Souvent, ces enfants sont obligés de travailler et les études deviennent secondaires à leur survie. Or, nous avons ici des écoles de formation qui offrent des qualités équivalentes. Notre objectif est de réduire le nombre de bourses à l’étranger et de les valoriser. Pour ce qui concerne le Doctorat, les bourses permanentes seront substituées à des bourses de mobilité, en vue de permettre à ces étudiants d’avoir des bourses en alternance, en faisant 6 mois dans les laboratoires de leur pays et 6 autres à l’étranger pendant 3 ou 4 ans, pour ensuite soutenir leur thèse chez nous, dans des thèmes qui intéressent notre pays. En outre, en consacrant 5 % des droits d’inscription à la mobilité, nous voulons encourager des étudiants de Master d’avoir un semestre à l’étranger pour qu’ils se bonifient».

Propos recueillis par Elhadji Ibrahima THIAM
et Ibrahima BA (avec la Rédaction)

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