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Le Sénégal ou l’État pris en otage politique (par Mamadou Diop)
Publié le lundi 1 mars 2021  |  senenews.com
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© Présidence par L?
Le président Macky Sall a pris part à un Sommet extraordinaire de la CEDEAO
Dakar, le 2 février 2021 - Le président de la République Macky Sall a participé, ce mardi 2 février 2021, à un Sommet extraordinaire de la CEDEAO par visio-conférence.
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Lorsque, dans la république, le peuple en corps a la souveraine puissance, c’est la Démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d’une partie du peuple, cela s’appelle Aristocratie. Montesquieu

Dans le domaine de l’éducation et de la formation, il y eut d’abord, pour trouver des solutions aux premières crises que l’École sénégalaise a connues, les États généraux de l’éducation de 1981. Plus récemment, en 2014, fut mise en place la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur, la fameuse CNAES. Mais, depuis lors et jusqu’à la rentrée 2015-2016, une seule des soixante-dix-huit recommandations serait unanimement appliquée, à savoir l’augmentation des droits d’inscription. Sur le plan politique, se sont tenues, en 2009, les fameuses Assises nationales. La gouvernance sobre et vertueuse qu’on essaie de vendre aux populations se limite pour le moment à la parole.

Mais ce qu’il faudrait aussi, et surtout, à mon avis, ce serait une grande remise en question du modèle de gestion politique, sociale et économique du Sénégal, pour déceler les causes qui empêcheraient son décollage, afin de les résoudre par le biais de profondes réformes politiques et sociétales. Mais inutile de chercher loin pour se rendre compte d’un vrai manque de volonté ou, du moins, d’une incompétence politique de ceux qui dirigent ce pays. Car je crois en effet que, fondamentalement, ce pays est pris en otage par un système politique dans lequel seule la classe dirigeante semble trouver son compte. Le mot n’est pas fort. Ils ont longtemps pris l’État en otage, pillé ses ressources et se sont enrichis sur le dos des citoyens depuis plus de soixante ans. C’est même étonnant d’entendre encore des hommes comme Moustapha Niasse prétendre travailler pour l’émergence du Sénégal ; lui qui fut le directeur de cabinet de Senghor, ministre sous Diouf, le « premier » Premier ministre de Wade et, actuellement, le président de l’Assemblée, sous Macky Sall. Je ne lui connais pourtant ni loi ni mesure phare allant dans le sens de doter le Sénégal d’un système éducatif digne de son histoire. On peut aussi citer quelques ténors du parti démocratique ; ils ont toujours été là et seront encore là tant qu’une place leur sera offerte pour profiter des privilèges de la République. À coups de tours de passe-passe du pouvoir, de coalitions et d’accords politiques, ils se protègent les uns les autres, s’embrouillent de temps en temps, faute d’accord sur le partage du « gâteau républicain », mais finissent toujours par se retrouver au gré d’une élection ou en érigeant la transhumance politique comme vertu pour encore et encore continuer à profiter des délices du pouvoir.

Très souvent, pour parvenir à ces arrangements politiques, une certaine jeunesse qui ne jure que par le nom de ses leaders est sacrifiée, portée en bouclier pour rendre les coups donnés aux chefs, mentir en leur nom et acheter la voix et la conscience de citoyens complaisants. Senghor, en son temps, avait créé le concept de la participation responsable, chargeant les jeunes Diouf, Niasse ou Ka de sa vulgarisation. Abdou Diouf a vu se créer, entre autres, le Comité de soutien à l’action du président Abdou Diouf (COSAPAD) et le Groupe de rencontre et d’échange pour un Sénégal nouveau (GRESEN), qui ont joué un rôle important dans la construction de l’hégémonie du successeur de Senghor. Le président Wade s’en est inspiré pour donner les moyens nécessaires au maintien de la Convergence des actions autour du président de la République pour le XXIe siècle (CAP21), avant de renforcer, financer et équiper l’Union de la jeunesse travailliste et libérale (UJTL) chargée de porter la voix du chef du Sopi et séduire une jeunesse en colère. Actuellement, à défaut de convaincre les Sénégalais – plus exigeants – sur la sincérité de la coalition Benno bokk yakaar, le président Sall mise de plus en plus sur les fameuses Convergences des jeunesses républicaines (COJER) de l’Alliance pour la République pour expliquer son projet PSE aux populations.

Le drame du Sénégal est aussi lié au fait que c’est un État conscient des limites de ses ressources, mais qui vit au-dessus de ses moyens. Ce qui le conduit à s’endetter pour rembourser des dettes. Les raisons de cet état de fait peuvent se lire à travers la carence d’une gestion aux antipodes de la sobriété et de la vertu en politique.

À titre d’exemple, le président Macky Sall avait promis aux Sénégalais vingt-cinq ministres pour son gouvernement, sous l’égide d’une gouvernance sobre. Mais il ne s’y est tenu qu’à peine six mois. Depuis Wade, on habitue les citoyens à des gouvernements pléthoriques (trente-cinq départements, actuellement, pour à peine quatorze millions de Sénégalais), avec des portefeuilles inventés de toute pièce, certains pouvant être regroupés avec les autres. Ils sont pourtant une dizaine à peine aux USA (un État continent) et une quinzaine en France, qui dénombre une population de soixante-six millions de personnes.

Sans compter les innombrables ministres sans portefeuille, les nombreux ministres conseillers et les conseillers spéciaux du président de République, du président de l’Assemblée nationale, des ministres. Imaginez ce que coûtent leurs traitements salariaux et indemnitaires, au Sénégal. Posons-nous ensuite la question de la pertinence du Conseil économique social et environnemental, qui a été jadis décrié par la même personne qui le dirige, Idrissa Seck en l’occurrence ; de la présidence de la République, qui passe de 27,1 milliards de budget en 2014, à 32,8 milliards votés en 2015 ; et d’une Assemblée nationale plus budgétivore que représentative des citoyens. Le Haut conseil des collectivités territoriales est venu allonger la liste des institutions du pays et, il est tout aussi budgétivore, avec ses cent-cinquante membres, cantonnés pourtant à une fonction consultative. On ne se préoccupe guère de ce que ces milliards – gaspillés, à mon avis – auraient pu changer à l’intérieur du pays en matière d’écoles, de salles de classe, d’établissements sanitaires, etc. Mais, le plus important, pour ces dirigeants, semble être de trouver un poste et un statut à des « amis » ou à des alliés, même de circonstance.

Aux Sénégalais, donc, d’inventer très vite un « nouveau destin sénégalais ». Pour cause, la fonction publique continue à être – au niveau de la jeunesse – le principal moyen de réussite sociale et d’épanouissement professionnel. C’est sans doute ce qu’avait compris le candidat Macky Sall lorsqu’il avait promis de créer cinq cent mille emplois sur sept ans. Mais (hélas !) il en a à peine créé cinq mille en 2013. Déception d’une jeunesse indignée ! N’est-il pas alors venu le temps de ré-enchanter notre propre rêve ? De transformer notre colère collective en énergies positives ?

Notre pays regorge en effet de talents capables d’inventer des initiatives politiques, sociales et solidaires pourvoyeuses de toutes sortes de richesses dans le respect des valeurs de partage et de solidarité. Cela commence par refuser que notre famille, notre groupe ethnique, imagine pour nous notre destinée, ou qu’un quelconque guide décide exclusivement pour nous quelle est la voix à suivre. Nous avons chacun le talent et, sans aucun doute, le courage pour y parvenir. Nous sommes et devons rester les auteurs des prochaines pages de l’histoire du Sénégal. Ni les politiques actuels ni ceux qu’on appelle des partenaires techniques et financiers dans le jargon géopolitique ne peuvent mieux que nous imaginer ce que nous voulons faire de notre pays. Car en cinquante-six ans de gestion, ces politicards ont échoué.

Toutefois, tant que c’est possible, nous avons le devoir de rêver, pour nous, dans un Sénégal dont le tracé du destin nous incombe directement ou indirectement. Ainsi les États-Unis, ont connu un des rêves de Martin Luther King ; ainsi Mandela, qui a légué aux Sud-Africains une nation arc-en-ciel, l’une des plus fortes économies de l’Afrique ; ainsi Mohandas Gandhi, le timide avocat indien, qui a sauvé un pays de l’abîme, sur la base d’un idéal, voire d’une utopie, qui inspire encore aujourd’hui l’humanité.
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