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Refus de paternité: Une tragédie sans loi
Publié le jeudi 10 decembre 2020  |  Le Quotidien
Rentrée
© Présidence par DR
Rentrée solennelle des cours et tribunaux
Dakar, le 8 janvier 2019 - La cérémonie officielle de rentrée solennelle des cours et tribunaux s`est déroulée, ce mardi, à la Cour suprême, en présence du chef de l`État et du garde des Sceaux.
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Une atteinte aux droits de l’enfant et à la dignité des femmes… Pour les femmes, l’interdiction de la recherche de paternité doit être modifiée à défaut d’être abrogée. L’Etat du Sénégal, qui a initié des réformes dont la modification de l’article 196 du Code de la famille, traîne les pieds quant à la mise en application des modifications préconisées. Dans le cadre de l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, Le Quotidien fait un focus sur le combat des femmes pour la fin de l’interdiction de la recherche de paternité.

La discrimination date de 1972 et l’adoption du Code de la famille. Aujourd’hui que le monde célèbre le 72ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, les femmes veulent en finir avec la promotion du refus volontaire de paternité qui, selon elles, «consacre la supériorité de l’homme sur la femme». Au Sénégal, la loi encourage les hommes à ne pas reconnaître les enfants issus d’un couple non légal. Dans son article 196, le Code de la famille interdit la recherche de paternité : «L’éta­blissement de la filiation paternelle est interdit à tout enfant qui n’est pas présumé issu du mariage de sa mère ou n’a pas été volontairement reconnu par son père, exception faite des cas prévus à l’article 211…».
Pour l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), cette disposition doit être modifiée à défaut d’être abrogée. Car estime Awa Tounkara, responsable adjointe de la Commission chargée des droits de l’enfance, cette loi enfreint les droits des femmes et de l’enfant. «Le Sénégal a ratifié les conventions qui protègent les droits des femmes. La Charte africaine pour le droit et le bien-être de l’enfant. Mais jusqu’à présent, si l’enfant est né hors mariage, il n’a pas le droit de chercher son père. Cette loi porte aussi atteinte à la dignité de la femme. N’étant pas mariée et étant enceinte, on se dit qu’elle avait affaire avec beaucoup d’hommes. Donc, elle ne peut pas désigner l’auteur de la grossesse», explique Mme Tounkara. En cas de grossesse refusée par le présumé auteur, la femme ne peut pas porter plainte. «D’ailleurs, elle n’a même pas le droit de porter plainte. Ça plaît à l’homme de reconnaitre l’enfant ou pas. Aucun juge ou aucune législation ne peut contraindre un homme à reconnaître un enfant dont la mère n’est pas son épouse», enchaîne la juriste.
Sur la question du refus de paternité, l’Ajs est presque seule aux avant-postes dans le combat pour l’abrogation ou la modification de l’article 196 du Code de la famille. Depuis 2005, elle a répertorié toutes les lois portant atteinte aux droits des enfants et des femmes pour modification dans le Code du travail, le Code la famille, le Code pénal… Jusqu’à présent, le rapport a été validé, présenté aux parlementaires. Sous pression à cause des con­ventions internationales ratifiées sur les femmes et l’enfant, l’Etat du Sénégal a mis sur pied un Comité chargé de réformer lesdites dispositions. Le rapport dort depuis 2016 dans les tiroirs du ministère de la Justice. «La filiation paternelle peut se prouver par tout moyen», a recommandé le rapport partagé avec l’Assemblée nationale et les acteurs de la justice.

15 cas de grossesse non désirée recensés
A la Chancellerie, l’on dénombre 15 cas de grossesse non désirée en décembre 2020 et qui ont fait l’objet d’accompagnement. «Ces femmes sont prises en charge soit au niveau des maisons roses ou bien au niveau du Centre polyvalent de Thiaroye. Nous prenons en charge tout ce qui est visite médical lié de la naissance aux premiers soins de l’enfant», note Oumar Ndiaye, coordonnateur dans la région de Dakar de l’Action éducative en milieu ouvert (Aémo), un organe du ministère de la Justice.
Au-delà du plaidoyer sur la réforme de la législation, l’Ajs porte aussi le combat par le biais de la sensibilisation. En effet, les pesanteurs sociales sont trop lourdes sur les épaules de ces femmes victimes du refus de paternité. Regard indiscret, commérages et exclusion sociale sont autant de conséquences dont ces femmes et leurs enfants sont confrontés. «On est en partenariat avec des psychologues. Les personnes qui viennent nous voir auront droit à un appui sanitaire et pour ce qui concerne le volet juridique, s’il faut faire des pv d’huissier. On a des fonds d’assistance avec nos partenaires techniques et financiers pour la santé et pour l’appui juridique», décline Awa Toukara de l’Ajs notant que cette thématique «intéresse beaucoup les écoles».

«Traumatisme pour l’enfant»
Elle ajoute : «Psycholo­gi­quement, c’est un traumatisme pour l’enfant. Un père est très important pour l’enfant. Il a ce droit et ce droit lui a été refusé. C’est une frustration et donc, il sera atteint.» Pour recoller les morceaux avec le présumé père, la médiation est aussi entreprise. «Nous cherchons à avoir l’approbation du présumé père pour éventuellement une reconnaissance de l’enfant. Ce qui est dramatique est l’enfant né dans ces conditions risque d’avoir la mention «père non déclaré» sur son bulletin de naissance. Donc, on travaille à convaincre de façon informelle à ce que le papa reconnaisse l’enfant», ajoute le coordonnateur de l’Aémo à Dakar.
La médiation est également une méthode utilisée par les femmes juristes. «Nous avons des gens formés pour la médiation», fait savoir Mme Toun­kara. Maria Diop est journaliste-féministe, défenseure des droits des femmes sur les ré­seaux sociaux. Taille svelte, son crâne rasé est digne d’un look de «femme libre». Elle interpelle l’Assemblée nationale. «Il faut que les femmes députées portent ce combat au niveau de l’Assem­blée nationale, et que cette loi puisse être abrogée définitivement, et que l’on puisse chercher des alternatives. Le Code de la famille a été vraiment sexiste», juge Mme Diop qui se définit également comme «influenceuse». Un appel jusqu’ici ignoré par le gouvernement…
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