Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article
Économie

Relance des économies africaines: Dr Alioune Sall préconise une ‘’démarchandisation’’ des biens publics
Publié le mardi 15 septembre 2020  |  Enquête Plus
Relance
© Autre presse par DR
Relance des économies africainesDr Alioune Sall préconise une ‘’démarchandisation’’ des biens publics
Comment


Pour la relance des économies africaines, notamment après la pandémie de Covid-19, le directeur de l’Institut des Futurs africains, Dr Alioune Sall, préconise un développement qui permet une ‘’démarchandisation’’ des biens publics, dont les finalités soient autres que celles d’une société de marché. Il s’exprimait samedi, lors d’un webinaire, dans le cadre des ‘’Samedis de l’économie’’.



Les peuples africains ont l’obligation de construire ‘’un large front’’ autour du désir de transformer les choses dans le continent. C’est ce qu’affirme le directeur de l’Institut des Futurs africains, Dr Alioune Sall, qui s’exprimait samedi, lors d’un webinaire organisé dans le cadre des ‘’Samedis de l’économie’’.

‘’Cela ne donnera des résultats escomptés que si tout cela est suivi d’actions. Mais pas n’importe quelle action. Ne confondons pas action stratégique avec l’activisme qui consiste à donner des coups dans tous les sens. Nous devons agir avec des stratégies. C’est fondamental. Il ne peut y avoir de victoire de transformation sans stratégie. Nous sommes, pour le cas africain, dans la nécessité de penser et de gérer une transition, une transformation qui va être difficile’’, dit-il.

Le Dr Sall, qui était, par ailleurs, le coordonnateur régional du Projet d’études nationales de perspectives à long terme du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) estime que l’important, c’est de construire des stratégies qui vont permettre de ‘’rompre’’ avec ce qui se passe. Et de ‘’tirer parti’’ des germes du changement qui se donnent à lire dans les environnements actuels et qui sont, selon lui, des ‘’germes positives’’ qui peuvent, à terme, infléchir les tendances lourdes.

‘’Nous avons donc cette obligation de marcher sur deux jambes, gérer l’actuel, de faire en sorte que dans cette gestion de l’actuel, nous jetions les bases d’un futur qu’il nous faut construire. Une fois qu’on est clair sur les stratégies, il nous faudra mobiliser les ressources. Il est clair que les stratégies qui ont eu cours jusqu’ici, qui pour l’essentiel reposent sur le binôme aide publique au développement et endettement, ont donné la preuve de leur inefficacité ou de leur caractère dangereux et induisent une indépendance. Il faut donc innover en matière de financement du développement’’, poursuit-il.

Ceci, en sachant que le développement dont ils parlent, d’après le sociologue, ‘’n’est pas celui’’ de la société de marchandise. ‘’Nous voulons un développement qui permet une ‘démarchandisation’ des biens publics, dont les finalités soient autres que celles d’une société de marché. Nous voulons un développement dans lequel il y aura des acteurs démocratiques égaux. L’afro-responsabilité commence avec la claire conscience de la souveraineté et la meilleure de toutes les souverainetés. Et en intellectuels, c’est ce que nous pouvons apporter comme contribution. Le reste sera un plus’’, suggère le Dr Sall.

Nommer les réalités que vivent les Africains

Aujourd’hui, face à l’épidémie de la Covid-19 qui place les peuples dans ‘’l’angoisse’’, le directeur de l’Institut des Futurs africains pense que le défi est d’ordre de la ‘’connaissance’’, d’ordre ‘’conceptuel’’. ‘’Il nous faut clarifier le contexte économique dans lequel est née cette crise. Lorsque nous parlons de l’économie de nos pays comme étant des économies de rente, de perversion, de quoi parlons-nous ? La loi de la valeur sur laquelle Samir a tant travaillé, quand se pose-t-elle et en quoi est-elle pertinente dans le contexte actuel ? Nous parlons de sociétés comme si les sociétés africaines sont homogènes. Or, même celles de l’Afrique subsaharienne ne le sont pas. On les a appelées des sociétés tributaires, précapitalistes, et aujourd’hui, on ne trouve même pas de terme pour les caractériser’’, soutient-il.

Donc, le Dr Sall signale qu’il existe un défi d’ordre intellectuel qui est de ‘’nommer les réalités’’ qu’ils vivent. Idem pour ce qui est des problèmes politiques. ‘’Ce sont des problèmes de gouvernance dont je connais la pertinence, l’importance, lorsque nous parlons d’une crise de Covid, qui a été l’occasion, pour les pouvoirs, d’accroître leur emprise sur la société. Une loi d’habilitation permet de se passer de faire des appels d’offres transparents. Parce que nous sommes dans une situation de crise sanitaire, nous pouvons outrepasser un certain nombre de règles et nous arroger les pleins pouvoirs. Nous pouvons restreindre les libertés des autres au nom de l’urgence sanitaire. Il y a donc une dimension politique. Nous sommes face à une angoisse culturelle, face à cette crise. Pour ne pas laisser perdurer l’obscurantisme, il faut s’armer de lumière de la raison et continuer à réfléchir. Cela me paraît être la première étape’’, fait-il savoir.

Pour le docteur Alioune Sall, il urge aussi de ‘’réfléchir’’ sur les instruments dont ils disposent, les canaux de dissémination de l’information dont ils ont et l’obligation qu’ils ont de voir comment transformer les connaissances dont ils disposent en information. Qui sera accessible par le plus grand nombre, de façon à ce que ces informations les dotent de capacités à pouvoir analyser par elles-mêmes et à transformer le monde.

‘’Il y a donc, une obligation qui nous ait faite de trouver les voies et moyens de démocratiser l’accès à ce que nous savons. Les institutions dans lesquelles nous nous trouvons, comment faire pour les tourner au service de la collecte de l’information, de l’analyse. De ce point de vue, ceux qui plaident pour la transformation des curricula ont raison’’, renchérit-il.

De son côté, l’économiste Ndongo Samba Sylla admet que s’ils doivent repenser le développement, c’est dans ce sens qu’ils devront s’orienter. ‘’Si on comprend bien ce que nous a enseigné Samir, il nous dit que la déconnexion n’est pas un luxe, mais une nécessité. Parce que du moment qu’on sait que dans le système capitaliste, il n’y a pas de rattrapage possible. Nous ne serons jamais des Japonais, ni des Américains. Donc, il faut trouver notre trajectoire. Un autre modèle de développement pourrait partir du fait d’assurer un accès basique, universel à tous les éléments constructifs d’une vie digne’’, ajoute-t-il.

D’après lui, toutes les bonnes actions qu’ils veulent prendre ou les options qu’ils veulent éviter, ils les connaissent. ‘’Mais le problème, c’est que nous n’avons pas un leadership qu’il faut de manière générale. Et par rapport au coronavirus, même si les Africains ont montré une certaine résilience, on a eu beaucoup de fractures, de failles, sur le plan démocratique. D’une certaine manière, le leadership n’a pas toujours été à la hauteur. Le constat est que le leadership ne bouge que si on a des projets qui ont l’agrément de certaines puissances impérialistes’’, relève-t-il.

La presse invitée à anticiper sur les questions économiques

Il convient de noter que le directeur du Forum du Tiers-monde, Dr Chérif Salif Sy, qui modérait cette session, a saisi cette occasion pour faire un plaidoyer à l’endroit de la presse. ‘’L’autre difficulté que nous avons, c’est que nous avons une presse, à travers le continent, qui généralement réagit par à-coup, lorsque les institutions financières internationales se prononcent. C’est seulement à ce moment qu’on nous interpelle pour commenter ce qu’elles ont dit. Mais il n’y a pas une culture de la presse d’anticiper, de nous interpeller à travers des interviews, afin d’aborder les formulations alternatives à notre portée. Parce que nous ne sommes pas aux affaires. Et c’est cela aussi une autre difficulté’’, souligne l’économiste.

Pour le Dr Sy, c’est donc à la presse de les interpeller sur ces notions, concepts, pour qu’ils soient portés à travers la société. ‘’C’est un gros handicap. Très souvent, nous avons des amis qui arrivent même au Parlement. Aujourd’hui, ils sont nombreux. Comme 90 % des organisations de la société civile ne portent que les concepts de la Banque mondiale, du Fonds monétaire, etc., nous sommes interpellés sur cela.

Mais ceux qui doivent nous aider à mieux porter ce que nous disons aussi, doivent aller vers des reconversions. Ce n’est pas possible de continuer comme cela. Nous, en tant que décidants intellectuels, que ce nous proposons en termes d’éducation, de veille, de critique, d’intervention, c’est là où nous pouvons intervenir’’, conclut-il.
Commentaires