Dr Abdoulaye Bousso, Directeur du Cous: « Le Sénégal va déployer une équipe pluridisciplinaire en Gambie »

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Publié le jeudi 27 aout 2020 | Le Soleil

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Covid-19: Situation de la maladie 2 mois après le premier cas
Dakar, le 2 mai 2020 - Le ministère de la Santé et de l`Action sociale a tenu un point de presse sur la situation de la maladie de Covid-19 deux mois après la détection du premier cas au Sénégal. Photo: Dr Abdoulaye Bousso, Directeur du COUS/ Coordonnateur

Suite aux échanges entre les Présidents sénégalais et gambien, des spécialistes de la santé du Sénégal ont effectué, la semaine dernière, une mission en Gambie. Dr Abdoulaye Bousso, directeur du Centre des opérations d’urgences sanitaires (Cous), dégage, dans cet entretien, les pistes de collaboration dans le domaine médical entre les deux pays. Il annonce l’envoi, dans les prochains jours, de spécialistes en maladies infectieuses, d’anesthésistes, d’ingénieurs en génie civil, entre autres, pour renforcer la riposte en Gambie où 30 % des agents de santé sont infectés par le nouveau coronavirus.

Vous étiez en Gambie, sur la demande des deux Présidents, pour soutenir le système sanitaire gambien dépassé par la pandémie de la Covid-19. Qu’est-ce qui ressort de votre mission ?

Nous sommes partis en Gambie après les échanges entre les deux Chefs d’État sur la situation de la pandémie de la Covid-19 dans nos deux pays. Lors de ces échanges, le Président gambien a formulé le souhait de bénéficier de l’expérience sénégalaise en matière de gestion de l’épidémie. Nous sommes partis dans ce pays avec Dr Amadou Alpha Sall, directeur de l’Institut Pasteur de Dakar, le Pr Moussa Seydi, chef du Service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann de Dakar, et Dr Papa Samba Bâ, chef du Service des maladies infectieuses de l’hôpital Principal de Dakar. Nous avons eu des échanges avec nos collègues de la Gambie. Nous leur avons présenté la stratégie de gestion des épidémies au Sénégal. Ils nous ont fait part de leur stratégie, mais surtout des difficultés auxquelles ils sont confrontés. Après ces échanges, nous avons eu à visiter quelques sites de prise en charge et de mise en quarantaine. Nous avons échangé avec des partenaires qui sont également des parties prenantes dans la gestion de l’épidémie. Nous avons tenu une réunion avec le ministre de la Santé et son équipe ; ce qui nous a permis de faire le tour de la stratégie mise par la Gambie pour stopper le nouveau coronavirus.

Dans quel domaine de la lutte contre la Covid-19 le Sénégal peut-il apporter son soutien à la Gambie ?

Déjà, il y a une expression des besoins de la partie gambienne. Nous avons constaté, lors de cette visite, quelques difficultés. Nous pouvons appuyer nos collègues gambiens dans la stratégie de coordination. Nous leur avons expliqué comment nous nous sommes organisés. Cet aspect de coordination est important puisque permettant aux deux pays de mutualiser leurs efforts. Il est également ressorti des échanges que la Gambie a besoin d’un appui en ressources humaines parce que ne disposant pas de spécialistes. Les praticiens gambiens ont exprimé le besoin d’avoir des spécialistes. Et nous allons leur apporter un appui en termes de médecins anesthésistes et de spécialistes en maladies infectieuses. Nous allons leur envoyer aussi du personnel technique, comme des ingénieurs en génie civil, des spécialistes en circuit d’oxygène, parce qu’ils sont en train de mettre en place un certain nombre de sites de prise en charge et auront besoin de ressources humaines. Des équipes pluridisciplinaires seront en Gambie pour apporter leur contribution à la lutte contre la Covid-19. Il y a également une nécessité de les soutenir pour tout ce qui concerne le volet laboratoire. Je précise que la Gambie a une bonne capacité avec deux laboratoires, notamment le Laboratoire national de santé publique. Donc, l’aide va sera orientée vers le renforcement des compétences en matière de réalisation des tests. Avec l’Institut Pasteur de Dakar, les discussions sont en cours pour voir comment les soutenir. Cela aidera à augmenter leur capacité de dépistage. En outre, les experts sénégalais seront en Gambie pour améliorer les sites de traitement afin de prévenir les infections, car nous avons noté, et eux-mêmes l’ont souligné, qu’il y a un nombre important d’agents de santé infectés. Il est donc important de revoir le circuit dans les centres de prise en charge.

Est-ce que la situation épidémiologique gambienne est identique à celle du Sénégal ?

La Gambie est à plus 1700 cas positifs. Il y a des jours où elle avait plus de cas positifs que le Sénégal. Si nous comparons la population, c’est quand même important ! En plus, 30 % de personnes infectées sont des agents de santé. C’est une situation assez préoccupante pour eux. C’est pour cela que, malgré nos difficultés, les instructions ont été données par le Chef de l’État et le ministre de la Santé pour que nous appuyions la Gambie. Nous allons le faire. Le Sénégal a l’obligation d’appuyer la Gambie dans la lutte contre la Covid-19. Ce sont deux États, mais avec un seul peuple. C’est important de soutenir ce pays afin qu’elle puisse maîtriser l’épidémie. Si cette pandémie est réglée au Sénégal et qu’il y ait des contaminations en Gambie ou dans les autres pays voisins, nous serons toujours dans des difficultés. C’est pourquoi nous allons travailler et partager les expériences avec nos voisins. Nous allons réfléchir pour voir comment mettre en place des équipes d’intervention rapide transfrontalières et à amener nos régions médicales qui sont proches de la Gambie pour qu’elles collaborent directement avec les structures sanitaires de ce pays.

Est-ce qu’avec cette collaboration sanitaire on peut s’attendre à l’ouverture des frontières entre le Sénégal et la Gambie ?

Tout à fait. Aujourd’hui, la frontière est fermée. Les deux pays ont intérêt à mettre en place une stratégie efficace pour éviter que les personnes positives aussi bien au Sénégal et qu’en Gambie puissent traverser les frontières. Il faut admettre que le nombre de cas positifs est important dans certaines régions du Sénégal frontalières avec la Gambie. Je peux citer Ziguinchor où il a été noté, ces derniers jours, un nombre important de cas du coronavirus. Donc, nous devons protéger la Gambie comme elle aussi doit le faire avec le Sénégal. Cette collaboration médicale doit aller au-delà de cette épidémie. Dès la semaine prochaine, les équipes devront se déployer en Gambie pour essayer d’appuyer nos collègues.

Le Sénégal est sollicité par la Gambie et la Mauritanie. Est-ce que cela veut dire que la stratégie de gestion des épidémies mise en place est bonne ?

Nous ne pouvons pas dire que nous sommes les meilleurs. Nous leur avons fait savoir que nous sommes venus leur apporter un soutien. Le Sénégal a expérimenté beaucoup de stratégies. Même si la situation est un peu compliquée, nous sommes parvenus à freiner l’évolution de cette épidémie. Notre intervention en Gambie est une obligation de solidarité. Il est important de travailler avec les pays qui nous entourent pour partager nos expériences. Le Sénégal a la chance d’avoir une expertise et des ressources humaines de qualité. Nous n’avons pas certes beaucoup de moyens financiers, mais c’est reconnu sur le plan international que le Sénégal dispose de ressources humaines qui peuvent appuyer des pays et aider à stopper la propagation de la pandémie de la Covid-19.

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