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Le Quotidien N° du 30/11/2013

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Assane Diop, ministre-conseiller, sur la Cmu : «Ne nous précipitons pas»
Publié le dimanche 1 decembre 2013   |  Le Quotidien


Assane
© Autre presse par DR
Assane Diop ministre-conseiller


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Gravir les marches du Quotidien a été aussi une occasion pour le nouveau ministre-conseiller du Président Macky Sall d’affirmer sa maîtrise sur des questions et des activités dans lesquelles ses compétences sont avérées. Aussi, dans la seconde partie de cet entretien, le ministre Assane Diop s’est-il exercé à délivrer tout son savoir et ses connaissances en ce qui concerne la protection sociale de manière générale, mais également à un des projets-phares du chef de l’Etat – la Couverture maladie universelle –, ainsi que des questions relatives à l’emploi, au milieu sanitaire dont il a eu à assurer la tutelle sous le régime du Président Abdou Diouf, ou à l’émiettement du mouvement syndical dont il a été un des grands acteurs.

Au moment où le Sénégal est en train d’enclencher son processus de Couverture maladie universelle, vous qui avez une expertise sur la question, pensez-vous que la démarche entreprise par le Sénégal a une certaine cohérence et peut tenir la route à plus ou moins long terme ?

Je pense que le Sénégal est aujourd’hui en mesure d’avoir sa Couverture maladie universelle parce qu’il est à mi-chemin de deux expériences importantes. On a beaucoup parlé de l’expérience du Ghana. Ce pays a commencé la mise en place de la Couverture maladie universelle depuis 1989, si je ne me trompe pas. Les Ghanéens ont fait du chemin, avec différentes étapes, des districts jusqu’au niveau national. Ils n’ont pas encore totalement bouclé leur Couverture maladie universelle.

La deuxième expérience assez intéressante en Afrique, est celle du Rwanda. C’est une expérience à part, dans la mesure où nous avons un régime assez dirigeant, si le terme est exact, direct. Le Président de ce pays a donc pris d’importantes décisions, dans un processus assez accéléré, pour mettre en place la Couverture maladie universelle. Toutefois, vous verrez que le Sénégal n’est ni le Ghana, ni le Rwanda. Nous sommes le Sénégal avec tout ce que cela veut dire comme réalités sociologiques.

Et handicaps, non ?

Peut-être. Mais c’est vous qui le dites. (Rires). Quelque part, c’est vrai, il faut le reconnaître. Pourquoi dis-je que le Sénégal a la possibilité d’avoir sa Couverture maladie universelle en me basant sur deux expériences ? C’est que nous ne partons pas de rien. Nous avons un processus assez intéressant dans la mesure où, quand j’étais ministre de la Santé et de l’Action sociale, on a eu l’Initiative de Bamako. C’était la première étape qui a permis l’implication des communautés à la prise en charge de la santé. Elles ont commencé à s’investir sur le plan financier. Et cela était accompagné par différentes mesures, comme les médicaments génériques, l’implication des différentes associations de femmes, de la société civile etc.
Quand j’ai senti qu’un pas important a été franchi et les populations elles-mêmes ont compris le sens de participer à l’effort de santé, nous avons créé les comités de santé. Ils ont permis une implication plus directe des populations dans la gestion. Mais c’était limité. Les populations étaient représentées par des présidents, des membres de bureau qui travaillaient en étroite collaboration avec les médecins.
Après cela, si on regardait un peu les archives à l’Assemblée nationale, on se souviendra que quand j’ai défendu mon dernier budget, j’insistais que le Sénégal était assez mature pour aller vers un élargissement de la sécurité sociale, après avoir lancé l’initiative sur les Mutuelles de santé. J’avais commencé à monter un dossier dans ce sens. Après, on a perdu les élections et je suis parti. Ce dossier a quand même continué à mûrir.
Avec le Président Wade, on a connu le Plan sésame qui est la prise en charge médicale des personnes du troisième âge. On a vu que cela a abouti à un surendettement des hôpitaux, qui ne s’en sortent plus depuis lors. Et maintenant, vous voulez qu’on prenne toute la population en charge…
C’est un processus assez long et assez lent, et c’est nécessaire. Si on veut éviter l’échec, il est important d’avoir tout ce processus-là. En 2001, alors que j’étais au Bureau international du travail (Bit), nous avions lancé, au niveau international, au niveau de nos 185 Etats membres, la réflexion sur l’extension de la sécurité sociale. C’était ce qu’on a appelé après le nouveau consensus, qui appelait à une campagne mondiale pour l’extension de la sécurité sociale. Ce qui rejoint ce que je faisais au Sénégal pour que les gens aient leur sécurité sociale élargie. J’ai lancé ici, en 2004, avec justement le Président Wade, l’esprit de l’extension de la sécurité sociale au Sénégal.
Nous avons donc fait la campagne africaine à Dakar. L’idée était de faire en sorte que les acteurs qui sont dans l’économie informelle et rurale puissent avoir accès aux soins. C’est ainsi que nous avons essayé avec les transporteurs routiers. Nous l’avons fait avec le Cnds (Ndlr : Comité national du dialogue social) que dirige Youssoupha Wade. Nous les avons aidés à monter leur mutuelle. Et ça fonctionne encore d’ailleurs.
Nous avons fait le Plan sésame. Il est généreux en matière de vision politique. Mais, comme toute action qui va dans le domaine de la santé et ailleurs, il faut faire des études très poussées. L’idée était généreuse mais il est important que nous puissions savoir l’impact de cette mesure politique de haute portée sur les finances publiques et sur le fonctionnement des structures de santé.
Nous aurions dû savoir par exemple qu’au Sénégal, nous avions tant de personnes qui sont concernées - la fourchette - et faire des prévisions qui nous permettraient de savoir chaque année combien vont s’ajouter à ce nombre au départ, et avoir dans le budget national, la couverture nécessaire pour payer aux structures sanitaires les soins qui ont été prodigués à ces personnes-là. Voilà ce qu’il fallait faire.
Donc ce n’est pas parce que les hôpitaux sont surendettés sur cette question-là que le Plan sésame lui-même n’est pas bon. Le Plan sésame est généreux.
Il y a autre chose, il y a les soins de la prise en charge gratuite des enfants de zéro à cinq ans, la prise en charge pour les césariennes etc. Ce sont des programmes du ministère de la Santé, mais il faut les évaluer et voir quel est leur impact financier et comment les prendre en charge. Heureusement que le professeur Eva Marie Coll Seck a fait les études nécessaires sur ces questions-là.
Maintenant, qu’est-ce que le fonctionnement de la Couverture maladie universelle ? C’est ça qu’il faut comprendre. La Couverture maladie universelle, c’est organiser les populations selon leur capacité contributive à participer à la prise en charge de leurs soins. Cela veut dire quoi ? Il faut avoir des données précises au niveau de l’ensemble des acteurs qui ne sont pas couverts. Ils sont où ? Dans l’économie informelle et rurale. Et cela constitue 95% de la population active du Sénégal et c’est ça qui m’amène à dire que dans le meilleur des cas, il n’y a que 10% des travailleurs qui sont couverts par la sécurité sociale. Donc, nous allons avoir 90% à couvrir.
Parmi cette population, qui peut cotiser et qui ne peut pas ? Il faut donc faire un diagnostic assez précis et savoir qui doit être assisté. Si on a un diagnostic précis, nous pouvons savoir à combien nous pouvons proposer la contribution des gens, parce qu’il y a des gens qui peuvent contribuer 3 500, ou 2 000 francs Cfa. Je ne présage pas du taux mais j’amène l’esprit et la démarche. C’est ça qui va nous permettre et, le ministère de la Santé travaille à ça, d’arriver à dire au Sénégal, dans la population non couverte, les 90% peut-être 65, ou 70% ont une capacité contributive allant de tant à tant. Avoir une bonne moyenne et faire le travail au niveau de ces populations-là. Cela veut dire que si ces populations contribuent de manière régulière, il va falloir maintenant les organiser dans une structure. Quelle sera cette structure ? Je ne sais pas. Mais la conviction forte que j’ai, c’est que cette structure devra être indépendante dans son fonctionnement et indépendante dans sa gestion. C’est ça qui va crédibiliser fortement la structure et qui va amener les populations à la contrôler et aller ensuite en négociation avec les structures de santé, pour des paquets de soins bien précis. Cela va être un flux financier important dans le système sanitaire. D’où la nécessité d’avoir toute la transparence requise pour le suivi nécessaire et une bonne négociation pour une entente claire là-dessus. Si nous avons ça, les structures de santé auront la capacité financière pour mieux s’épanouir.
Nous avons une très bonne carte sanitaire au Sénégal. Meilleure en tout cas que celle de beaucoup de pays africains. Ce qu’il faut, c’est améliorer l’offre de soins et arriver à ce que cette masse d’argent qui va arriver dans les structures sanitaires, avec une traçabilité claire, puisse permettre aux structures de santé de répondre aux besoins des populations.
Donc, le Sénégal est bien capable de le faire. Mais, ne nous précipitons pas. Prenons le temps de parler aux populations, de faire une large campagne. Prenons six mois s’il le faut, que dans tout le pays, dans toutes les strates, partout, les corporations, les associations, la société civile, que tout le monde s’y mette. Que la radio, les télévisions, les journaux, pendant le temps qu’il faudra, parlent aux populations, clarifient les questions, répondent aux interrogations pour que les gens en fassent leur affaire. Que les gens disent : «C’est notre problème maintenant et c’est comme ça que ça va marcher».

N’avez-vous pas peur quand on voit que le Obamacare pour une puissance comme les Etats-Unis, a des difficultés pour se mettre en œuvre. Ne pensez-vous pas que le Sénégal, un petit poucet avec une ambition aussi grande, ne risque d’avoir des problèmes pour la mise en œuvre ?

Justement, c’est parce que le Sénégal est un petit poucet qu’il a plus de chances d’y arriver. Il a une population plus contrôlable sur le plan du nombre et de l’information. Mais aussi un petit poucet qui a eu le temps d’apprendre à marcher.
Je disais tout à l’heure que depuis 1990 jusqu’à maintenant nous faisons de petits pas ; ce que les Etats-Unis n’ont jamais eu à faire. Ils n’ont jamais fait de petits pas. Ils se sont levés pour faire le grand saut. Et la population dans sa sociologie n’était pas préparée.
Là-bas, c’est du chacun pour soi. Donc, une fois qu’on amène une approche collective pour un problème social, ça pose problème chez le citoyen américain moyen. Je ne sais pas s’ils ont eu le temps de faire la préparation psychologique nécessaire ou pas, mais en tout cas politiquement, ça pose problème déjà là-bas. Parce qu’il y a deux camps, le total capitaliste et l’approche démocrate.
Donc la chance du Sénégal, c’est peut-être sa petite taille mais aussi, les petits pas qui ont été faits jusqu’à présent. Je le crois, la population est aujourd’hui assez mature pour y arriver. Mais ce qui est sûr c’est qu’il faut arriver à convaincre la population que c’est nécessaire et que c’est important pour elle-même, pour avoir accès à des soins de qualité partout dans ce pays et pour tout le monde. Et je disais tout à l’heure qu’il y aura une partie qui n’aura pas la capacité contributive nécessaire. Cela va être pris en charge par l’assistance. Et c’est pourquoi aujourd’hui, il faut voir quelle est la part du budget qui va aller vers l’assistance et ça, c’est l’Etat.
Maintenant, les contributions c’est autre chose. A terme, il faudra qu’on arrive un jour ou un autre à faire de sorte que nous puissions mettre ensemble la structure de la sécurité sociale qui est assez huilée pour ça. Et, peut-être quand nous aurions une Couverture maladie universelle assez mature dans son fonctionnement. Peut-être un jour, nous aurons à opérer à un regroupement, mais ce n’est pas encore le cas. J’insiste là-dessus, ce n’est pas encore le cas.

A vous entendre parler, vous plaidez pour une autonomisation de la structure qui va gérer la Cmu alors qu’on sait qu’il y a une bataille entre le ministère de la Santé et la Solidarité nationale pour le contrôle de cette structure. Comment vous situez-vous par rapport à ce débat ?

Je crois que la tutelle a réglé le problème. Parce que le président de la République a déjà pris une décision là-dessus. La tutelle est assurée par le ministère de la Santé. Mais la tutelle est une chose. C’est comme la Caisse de sécurité sociale et l’Ipres, la tutelle, c’est le ministère du Travail.
Mais cela n’empêche pas que les structures soient tout à fait autonomes dans leur gestion et leur fonctionnement. Donc la tutelle, elle est là. Mais il faut qu’on arrive à avoir l’indépendance dans le fonctionnement et la gestion. Et ça, c’est important pour crédibiliser au maximum la future structure qui va gérer ça. Cela n’a rien à voir avec la tutelle.
Mais après la tutelle, il va falloir que la structure soit mise en place et encore une fois j’ai deux exemples concrets pour démontrer que c’est possible. C’est la Caisse de sécurité sociale et l’Ipres, qui sont sous la tutelle du ministère du Travail. Ce qui ne les empêche pas d’avoir une autonomie de fonctionnement et de gestion. Ça peut-être la même chose au niveau de cette structure qui va gérer la Cmu.

On voit que c’est un processus assez complexe. Combien de temps allez-vous donner à cette structure pour qu’elle puisse fonctionner normalement ?

Il y a déjà des études qui ont été faites. Quand j’étais au Bureau international du travail (Bit), je ne savais pas qu’un jour ou l’autre j’aurais à réfléchir sur la question au niveau national. Mais j’avais demandé qu’on regarde de près au Sénégal, la capacité contributive en milieu rural. Et nous avions vu qu’en milieu rural, la capacité contributive était dans l’ordre de 30%. Voyez-vous c’est peu, mais il va sans dire qu’il est possible aujourd’hui d’améliorer cette capacité contributive.
C’est là où il est important de comprendre que les questions sociales sont liées aux questions économiques. Si nous améliorons les conditions de vie et de rémunération de travail en milieu rural, nous augmentons la capacité du milieu rural à contribuer à l’effort de santé.
Mais c’est important de voir en quoi la vision du Président est importante : l’emploi et la protection sociale. Parce que c’est quand on a des revenus importants qu’on a la capacité de contribuer. Donc tout ce qui va se faire en milieu rural en termes d’amélioration de l’agriculture, de l’amélioration des chaînes de valeurs pour créer beaucoup plus de revenus en milieu rural aura un impact sur la capacité du milieu rural à contribuer à l’effort de santé. Donc au total, nous avons vu qu’il y avait 30% de capacité contributive et qu’il fallait déjà prendre cet acquis de 30% et ensuite continuer à faire de sorte que le reste de la population en milieu rural puisse avoir aussi de quoi le faire. Et c’est lié à tout ce qui va se passer en matière de politique en milieu rural : Amélioration de l’agriculture et de ses retombées sur les populations.
Au-delà de ça, vous qui avez été ministre de la Santé, vous connaissez ce problème. S’agissant de l’offre de soins, il y a les incitations qu’il faut mettre en place pour convaincre nos médecins à aller servir en milieu rural. C’est aussi un autre cheval de bataille qui est très important. Quelle stratégie mettre en place pour ça ?

Ce problème n’est pas nouveau. Nous savons qu’il y a une très forte concentration de personnel à Dakar et dans les milieux urbains, surtout en ce qui concerne le ministère de la Santé mais aussi de l’Education. Maintenant comment arriver à les fixer en milieu rural ?

La première démarche quand moi, j’étais aux affaires, c’était de m’appuyer sur les médecins militaires. Mais, ils ne peuvent pas être assez nombreux pour couvrir tous les besoins en milieu rural. C’est pourquoi je pense qu’aujourd’hui il faut repenser, revoir et réfléchir à nouveau sur cette question de motivation. Parce qu’aujourd’hui, il y a des motivations dans le système de santé. Pourquoi cette motivation n’irait pas pour sédentariser encore beaucoup plus le personnel en milieu rural ? Il faut réfléchir, ce n’est peut-être pas la réponse totale, mais c’est une piste à explorer. Mais aussi, faire de sorte que l’autorité puisse s’exercer.
On ne peut pas construire autant de structures au niveau rural et dire qu’on n’a pas de personnel. Le personnel existe, mais il faut l’affecter en milieu rural et que le système de rotation et d’affectation puisse permettre à quelqu’un qui fait cinq ans en milieu rural, de bouger et que les nouveaux, qui sont recrutés, puissent les remplacer. Donc, il faut que la chaîne tourne, chacun passe par le milieu rural et trouve des incitations.
Je ne sais pas, je réfléchis à haute voix sur les questions d’avancement, les questions d’organisation et sur beaucoup de questions, pour dire que pour être ceci, il faut avoir fait cinq ans en brousse par exemple. Donc, si moi j’ai de l’ambition pour être médecin de région ou plus haut après, je devrais faire la brousse d’abord.
Il y a plusieurs pistes qu’il faut explorer, je n’ai pas dit que j’apporte la réponse à toutes ces questions. Je crois que la réflexion s’impose à nous pour le bénéfice de ces populations qui ont droit à la couverture santé. Et ces populations vont être plus exigeantes encore quand elles auront commencé à contribuer avec leurs maigres sous pour avoir des soins de qualité comme tout le monde. On y arrivera, on y est obligé de toute façon.
Vous avez mis en œuvre le Cto (actuel Hôpital général de Grand-Yoff), vous l’avez installé et c’était le plateau médical le plus relevé de la sous-région. Aujourd’hui, il est ce qu’il est. Qu’est-ce qui l’explique et comment vous voyez cela ?
Le Cto comme vous l’avez dit, c’est un bijou, c’était un bijou. Je crois que l’idée était d’en faire le plateau technique le plus attractif de la sous-région et ça l’a été aussi. Il y a eu ce que nous avons observé, je ne dirai pas un déclin, mais enfin en tout cas, le fait que l’hôpital n’a pas pu, n’a pas su rester au niveau d’excellence où il était. Je crois que tout ceci relève simplement du fait que nous n’avons pas pu aller jusqu’au bout dans la réforme hospitalière, parce que l’esprit de la réforme hospitalière était justement de permettre aux hôpitaux, à tous les hôpitaux de pouvoir fonctionner de manière plus autonome et pouvoir relever le plateau technique et amener le personnel de santé à de meilleures conditions de travail possibles.
Nous avons tous observé ce qui s’est passé, mais je crois durement et fermement que la mise en place plus profonde de la réforme hospitalière et la Couverture maladie universelle qui se dessine, vont permettre au Cto et aux autres structures de santé du Sénégal, d’avoir les ressources nécessaires pour arriver à répondre aux besoins des populations. Mais encore une fois, il est nécessaire que la réforme hospitalière puisse être appliquée jusqu’au bout pour qu’on arrive à cela.
C’est triste de voir le Cto dans l’état dans lequel il se trouve. Je n’ai pas les derniers chiffres dans la gestion pour comprendre où est-ce que ça a cassé. Il faut analyser cela, je ne veux pas me hasarder à rentrer dans la gestion de la structure sans savoir de quoi cela retourne. Mais en tout cas, ce qui est sûr c’est que la structure aurait pu mieux se porter.
Maintenant quant au fond, je ne le sais pas, je l’avoue. C’est pourquoi je voudrais éviter d’aller au fond. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c’est que ça peut être redressé. Ça va passer par la réforme hospitalière totale et ensuite la Couverture maladie universelle.

Il y a un point qu’on n’arrive pas à m’expliquer dans votre carrière syndicale. Vous avez été secrétaire général du Sypros et censeur. Brusquement, vous vous êtes retrouvé sans emploi. Qu’est-ce qui s’est passé, et quelles sont aujourd’hui vos relations avec Iba Der Thiam qui vous avait licencié de la Fonction publique à l’époque ?

Pour dire les choses de la manière la plus apaisée, mon grand-frère et ami Iba Der Thiam était ministre de l’Education nationale à l’époque. Il avait estimé que la fonction de censeur des études dans un lycée aussi important que le Lycée Van Vollenhoven était incompatible avec le statut d’un dirigeant d’une organisation syndicale, et j’ai fait le choix de quitter le censorat en perdant le logement, les indemnités. Et puis, je suis allé à la Cnts, pour avoir plus de temps pour la centrale que j’ai servie.
Le bon Dieu trace les chemins. Peut-être que si j’étais resté censeur des études, je n’aurai pas eu le temps de me faire distinguer sur le plan international en tant que chef du département international de la Cnts, c’est évident. Mais comme j’avais plus de temps, j’ai pu avoir les mains plus libres pour me faire remarquer sur le plan international et être élu secrétaire général adjoint de l’Organisation de l’unité syndicale africaine (Ousa). Mais ça, ce sont les relations au sein de l’administration. Je l’ai respecté. Je ne lui en ai pas voulu. Il est demeuré la référence intellectuelle que je reconnais et on a d’excellentes relations ensemble.

Vous êtes du même patelin…

Oui, on est ensemble de la région de Kaffrine.
Est-ce que votre vision du syndicalisme, pour vous qui avez été syndicaliste, correspond à ce qui se passe maintenant où il y a une pléthore de syndicats qui n’ont presque tous que des revendications financières ?
Je pense qu’il faut toujours revenir au statut des syndicats pour savoir d’abord que c’est la défense des intérêts matériels et moraux des masses, c’est la base de toute organisation syndicale. Arrivent ensuite les stratégies et les orientations.
Je regrette aujourd’hui que nous ayons beaucoup de centrales syndicales, ça affaiblit la capacité d’action en matière de revendications et même en matière de réflexion du mouvement syndical au niveau national. Cela amoindrit également la capacité d’influence au niveau international. Parce qu’au niveau international, c’est la représentativité aussi qui joue beaucoup, ainsi qu’au niveau africain.
Mais les choses étant ce qu’elles sont, nous avons aujourd’hui au Sénégal, assisté aux enquêtes de représentativité et il y a les centrales les plus représentatives, de la Cnts à la 5ème place, qui ont été retenues comme officielles. Malgré le nombre important d’organisations syndicales, il y a quand même la notion de représentativité qui permet de tempérer un peu ce nombre important en termes d’influence.
Une organisation syndicale, c’est surtout sa capacité de négociation, elle est extrêmement importante. Je me souviens, quand nous étions à la Cnts, nous avions 3 secteurs, le secteur privé pur, avec un secrétaire général-adjoint qui était très outillé en matière de connaissances de ce secteur, et qui dirigeait les négociations avec des camarades expérimentés.
Ensuite, il y avait le secteur parapublic où, il y avait également un secrétaire général-adjoint outillé et expérimenté. Donc, ça faisait que la centrale à l’époque était une force extraordinaire. Et les négociations, ça se prépare suivant le contexte, la justification, les possibilités d’avoir gain de cause en matière de négociations. Ça se préparait et c’est la raison pour laquelle il y avait autant de résultats positifs pour les travailleurs.
Maintenant, avec ce nombre trop élargi d’organisations, l’impact, la capacité de négociation se font ressentir. Parce que c’est toujours difficile d’avoir le maximum d’alliances possibles autour d’un objectif commun en termes de revendication.
Deuxièmement, même si on a ça, les stratégies diffèrent très souvent. Troisièmement, même si on a les stratégies, les orientations et les pesanteurs, font que l’action sur deux jours s’effrite ici et là et on se retrouve à des négociations de dernière minute.

Regrettez-vous la grande Cnts laissée par Madia Diop ?

C’est vrai que je regrette beaucoup la grande Cnts de Madia Diop, mais je reconnais aujourd’hui aussi que l’héritage a été assumé. Mon camarade Mody Guiro a réussi à tenir la barque, à redresser et à permettre de rester l’organisation syndicale la plus représentative, dans un contexte extrêmement difficile.

FIN

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