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Contrefaçon de monnaie: Haro sur le banditisme en col blanc !
Publié le vendredi 22 mai 2020  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DR
Faux monnayage : 1900 billets noirs de 100 dollars saisis
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En plus de chasser des investisseurs potentiels, la contrefaçon de monnaie est un fléau qui pourrait être préjudiciable à toute l’économie, en créant un déséquilibre entre la masse monétaire et la production de biens et services.

Des immeubles qui poussent comme des champignons. De rutilantes voitures qui roulent sur les routes de la capitale. Les nouveaux riches qui sortent ex nihilo… Les signaux sont assez nombreux pour alimenter les soupçons de blanchiment et faux monnayage de billets de banque. Un mal si profond qui peut gangréner toute l’économie nationale. Pour les spécialistes de la matière économique, c’est surtout la dernière affaire qui porte sur une valeur estimée à plus de 1 200 milliards F CFA qui donne le vertige. Docteur Souleymane Astou Diagne témoigne : ‘’J’ai eu le tournis quand j’ai entendu cette information. Je me demande comment des gens peuvent prendre le risque de mettre autant de liquidités en circulation dans notre économie nationale. C’est plus qu’un crime ça. On doit les sanctionner de la manière la plus sévère possible. Ils mettent en danger tout le tissu économique national : nos emplois, notre santé, l’éducation… Tout est mis en péril, si leur forfait avait été accompli. Cela décrédibilise tout le système économique.’’

Abondant dans le même sens, docteur Malick Sané, Directeur du Laboratoire de politiques commerciales, estime que cela dépasse l’entendement et devrait augmenter la vigilance des plus hautes autorités.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce phénomène qui prend de plus en plus de l’ampleur, avec un laxisme parfois complice de certaines autorités, peut avoir des effets néfastes sur le tissu économique. Parmi ces impacts, relève le Dr Sané, il y a le risque d’inflation, de discrédit de la monnaie elle-même… ‘’Le faux monnayage est source de déséquilibre de l’économie. Vous savez, la création monétaire voudrait que toute monnaie créée ait une contrepartie.

C’est la valeur de la production qui représente à peu près la monnaie créée, ce qui donne la masse monétaire. Si la quantité de monnaie excède la valeur des biens et services existant dans l’économie, cela peut déboucher sur ce qu’on appelle l’inflation monétaire. De telle sorte que les gens auront de l’argent, mais la marchandise fait défaut’’, peste-t-il. Et de renchérir : ‘’L’autre risque, c’est le discrédit porté sur la monnaie. La valeur de celle-ci est basée sur la confiance. Si une monnaie est reproduite à certaines proportions de manière frauduleuse, cela peut saper le moral des agents économiques qui ne veulent plus détenir cette monnaie.’’

Dans la même veine, Souleymane Astou Diagne souligne qu’en fait, cette baisse de la confiance des acteurs instaure une incertitude sur le marché. ‘’Il faut savoir, dit-il, pour que l’économie puisse fonctionner, il faut que les transactions économiques soient très élevées. Or, les faux billets ralentissent ces transactions, à cause de ce déficit de confiance. Cela peut se traduire par une réduction de la production ou des activités commerciales. Ce qui est fort préjudiciable à l’économie nationale’’. Les faux billets, renseigne-t-il, augmentent de manière artificielle la masse monétaire en circulation. ‘’Comme vous le savez, il revient à la Banque centrale de mesurer le niveau de la masse monétaire en circulation ; et c’est en fonction de la production de biens et services. Toute augmentation de monnaie non émise par la Banque centrale peut impacter sur la politique monétaire et économique, et peut avoir des impacts sur les prix’’.

Toutefois, tiennent à préciser nos interlocuteurs, le fléau n’a pas encore atteint des proportions de nature à avoir de telles influences sur le marché sénégalais. ‘’Nous pouvons craindre l’inflation si, par exemple, cette contrefaçon de monnaie atteint certains niveaux. Mais force est de constater que ce n’est pas encore le cas. Tout dépend donc de la quantité de fausse monnaie en circulation. Pour l’heure, le phénomène est marginal et il est heureux de constater que les forces de défense et de sécurité veillent au grain’’, reconnait le Dr Diagne.

A en croire l’économiste Bassirou Bèye, ancien formateur à l’Ecole supérieure d’économie appliquée (ESEA/ex-ENEA), l’Etat devrait, en tout cas, tout mettre en œuvre pour juguler le mal qui devient endémique. ‘’Je pense qu’il faudrait même penser, à l’instar de certains pays, mettre en place une brigade spéciale chargée de traquer ces criminels dont l’activité s’avère désastreuse pour notre faible économie. Certains signes devraient pousser à s’interroger sur la fortune de certains citoyens. On ne devient pas riche comme Crésus en un claquement de doigts, alors que, dans la pratique, on ne mène aucune activité pour justifier une telle richesse. Et une telle brigade aurait pu mener ce genre d’enquête, car le phénomène prend de l’ampleur’’.

A en croire l’économiste, ‘’lutter contre les faux billets, c’est préserver la croissance économique. Ne pas gérer cette problématique, c’est mener le pays vers la faillite’’.

Il y va, fait-il remarquer, de la pérennité même des régimes. ‘’Certes, on n’a pas encore atteint certains niveaux et des efforts sont déployés pour mettre les délinquants hors d’état de nuire. Mais, il urge de renforcer la lutte pour enrayer toute dérive. Il faut savoir que la production de fausse monnaie peut même être utilisée comme une arme politique ou géopolitique. Cela a été fait dans certains pays comme en Guinée, quand celle-ci a pris la décision d’avoir sa propre monnaie. Le débat se pose aussi avec l’Eco qui est encore en gestation. C’est un véritable problème qui nécessite la prise de décisions fortes’’. Très inquiet, le spécialiste prévient que même à l’intérieur d’un pays, ce procédé tout comme le trafic de drogue peut jouer à la déstabilisation d’un pouvoir.

Il faudrait donc, selon lui, user de tous les moyens possibles dont le renseignement, l’espionnage… pour endiguer le mal. La monnaie, explique M. Bèye, est au centre de l’activité économique. ‘’Quand le secteur monétaire est déréglé, tous les autres secteurs suivent. Et c’est un désastre pour un pays. En attendant de trouver des moyens efficaces pour démanteler ces réseaux, il faut surtout essayer de protéger les populations, en leur rendant accessibles les outils de détection de fausse monnaie. Mais dans le moyen, long terme, il faut penser à de véritables politiques pour les éradiquer une bonne fois pour toutes’’.

Revenant sur la lutte contre le fléau, Souleymane Astou Diagne estime qu’il faudrait une répression plus sévère. ‘’Cela s’apparente à un vol, parce que c’est l’argent d’honnêtes citoyens qui est parfois subtilisé de manière frauduleuse. Tu fais une transaction en donnant de la bonne monnaie. En retour, on te donne de l’argent que tu ne pourras utiliser nulle part. C’est du vol. C’est de l’arnaque. Il faut donc des solutions judiciaires sévères’’, souligne le Dr Diagne, non sans préciser que de pareilles informations pourraient chasser d’éventuels investisseurs. ‘’Imaginez des étrangers qui veulent venir investir chez nous. S’ils voient de telles informations, ils peuvent se retourner, parce qu’ils n’auront plus confiance au système’’.
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