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CCovid19 – Le FIDA crée un mécanisme de relance en faveur des populations rurales pauvres
Publié le mardi 12 mai 2020  |  Le Quotidien
Benoît
© Autre presse par DR
Benoît Thierry, représentant du Fida en Afrique de l`Ouest
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La fièvre à coronavirus a fini par mettre une bonne partie de l’humanité en confinement. Il n’en reste pas moins la nécessité de garantir à ceux qui ont la capacité de produire de pouvoir le faire dans toutes les conditions de sécurité. En Afrique de l’Ouest, et au Sénégal en particulier, le Fonds international pour le développement agricole travaille avec les gouvernements pour assurer que les paysans et les ruraux, non seulement puissent bénéficier de revenus dignes en cette période de pandémie, mais aussi continuer à produire et à commercialiser. Les mesures prises fondent l’optimisme mesuré de Benoît Thierry, directeur-pays pour le Sénégal et représentant régional de cet organisme des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest.

Voulez-vous bien faire l’état des projets et programmes du Fida au Sénégal, ainsi que vos zones d’intervention ?
Nous sommes ici au Bureau sous régional pour l’Afrique de l’Ouest. Nous couvrons 7 pays, dans une division plus large, Afrique centrale, Afrique de l’Ouest. Il y a également des bureaux à Abidjan et à Yaoundé. Mais spécifiquement, nous couvrons ici 7 pays, pour une quinzaine de projets, qui font à peu près de 500 millions de dollars. Mais au Sénégal, nous avons deux projets en cours pour une centaine de millions de dollars, ainsi qu’un nouveau projet de 50 millions qui va commencer sous peu. Le premier projet qui couvre l’Ouest du Sénégal s’appelle le Pafa extension qui va de Louga, Diourbel, Kaolack, Kaffrine, … et le projet de l’Est s’appelle le Padaer, Phase 2k qui couvre Matam, Tambacounda, Kédou gou et Kolda. Et bientôt nous commencerons ce nouveau projet de 50 millions qui s’appelle Agri-jeunes, en appui aux jeunes agriculteurs du Sénégal et pour motiver les jeunes à investir dans l’agriculture.

Le monde entier semble paralysé du fait du coronavirus. Quel impact cette pandémie peut-elle avoir sur vos projets ?
La pandémie Covid-19 est un phénomène incroyable qui a gagné le monde de manière très rapide. Et on se retrouve tous dans un état pire que de guerre. On sait qu’il y a un impact sanitaire, il y a l’impact de la crise économique. Mais selon les pays, les impacts sont différents parce que l’on craint, en Afrique, une crise alimentaire, une crise de la production agricole. Nous, étant une agence spécialisée dans ce domaine, essayons d’agir au maximum pour éviter cela et pour voir comment relancer la production agricole.
Le Fida a, pour cela, établi il y a quelques jours un fonds, le Rural poor stearing facility en anglais, et en français, le Mécanisme de relance en faveur des populations rurales pauvres. C’est un fonds initial de 40 millions de dollars qui a été lancé à Rome, et qui devrait monter à 200 millions de dollars pour que, via les projets actifs du Fida, on arrive à injecter d’autres fonds spécifiques pour le Covid-19.

Néanmoins, à l’heure actuelle, on a remarqué une certaine réduction de la mobilité et des restrictions aux déplacements. Cela a conduit à une certaine paralysie dans l’appareil de production dans certains secteurs. Même s’il est vrai que vous mettez plus l’accent sur les jeunes et les femmes en zone rurale, avez-vous senti ou craignez-vous un impact sur la manière dont vous travaillez avec ces secteurs ?
En effet, mais ce n’est peutêtre pas vraiment entièrement nouveau dans la région. Quelques pays ont déjà vécu une situation similaire il y a quelques années, avec la crise Ebola. En Guinée Conakry, en Sierra Leone, etc., on avait aussi trouvé des moyens d’agir à l’époque. Et ici, il y a deux aspects. Il y a tout ce qui touche au monde réel, et ce qui concerne le monde virtuel. Et pour tout ce qui est du monde réel, il faut, comme le Sénégal a fait avec le plan Force-Covid-19, que la nourriture soit en place dans tout le pays, même s’il doit y avoir distribution de l’aide alimentaire. Cela est nécessaire et c’est bien. Il faut aussi que la production reprenne, donc qu’il y ait des stocks de semences.
Quand on parle de crise, qu’estce que cela implique ? Que la famille agricole ne peut plus vendre. Donc, elle mange un peu de ce qu’elle a produit, et quand elle ne peut pas tous les jours manger la même chose, elle doit aller acheter. Donc, elle mange en quelque sorte son fonds de roulement. Et quand le fonds de roulement est fini, elle n’a même plus de semences pour la saison à venir. Donc au niveau agricole, il faut avoir un approvisionnement en intrants, semences, produits phytosanitaires à suffisance dans toutes les filières. Et pour le côté virtuel, je dirai par exemple ce qui avait à l’époque sauvé la Sierra Leone et les autres, c’est aussi cette optimisation de monnaie électronique ou de cash transfer, etc. Je sais que les systèmes sont là. Tout le monde connaît Orange money, Free money, Wari et les autres systèmes. Par contre, à quel niveau ils vont être utilisés dans le pays. Je pense que c’est aussi une opportunité à saisir par le gouvernement pour développer ces outilslà et atteindre les plus vulnérables. Parce que les plus vulnérables, ceux qui sont en-dessous du seuil de pauvreté, les veuves, les femmes chefs de famille, les handicapés,…sont recensés. Main tenant, tout le monde est équipé de téléphone et peut recevoir de l’argent par ce biais. On espère que le mécanisme de bourses familiales, et même au-delà, de couverture universelle, pourra être étendu au monde paysan.

Nous nous approchons de la période de soudure. Et si la crise persiste et que le gouvernement maintient les mesures de restriction des mouvements, la chaîne de production pourrait en pâtir… Ne craignez-vous pas que l’on en arrive à un point où l’on pourra avoir de l’argent sans pouvoir trouver de quoi acheter ?
Tout à fait, et c’est pour cela que j’insiste toujours qu’il faut utiliser les outils du monde réel et du monde virtuel. Et je vois que c’est ce que le gouvernement du Sénégal est en train de faire. Parce que sur l’aide alimentaire, si j’ai bien compris, les premiers stocks qui sont arrivés, il y a 15 jours (l’entretien a été réalisé à la fin du mois d’avril, Ndlr), n’étaient pas destinés à Dakar. Ils ont été positionnés directement dans les régions, ce qui est excellent. C’est 15 jours après que les distributions des kits alimentaires ont pu commencer sur Dakar, Thiaroye, Yenne, etc. Nous, dans les deux projets, avons orienté des fonds disponibles, d’un total de 6 millions de dollars, un peu plus de 3 milliards de francs Cfa. Le Padaer pour 1,5 milliard et le Pafa également. Il s’agira dans le court terme d’appuyer les communautés et les autorités locales pour tout ce qui est message d’hygiène, santé et autres. Il est prévu aussi des équipements et activités agricoles. Donc, c’est d’aider à mettre en route la machine agricole, la production, la commercialisation. Sur cela, on s’aligne sur le plan du gouvernement et on a la valeur ajoutée que les projets Fida sont présents dans les régions et les villages. Donc, il y a un lien direct avec l’autorité locale et avec les organisations paysannes, qui permet une très bonne qualité d’activités et de distribution.
Par exemple, pour les kits alimentaires, il est prévu bien sûr d’utiliser ceux du gouvernement, mais enrichis avec des produits locaux. Ainsi, le commerce qui est un peu bloqué actuellement peut être facilité de ce point de vue.

Revenons au Mécanisme de relance Covid-19. Quels sont son mode de fonctionnement et les conditions de son enclenchement ?
Ce mécanisme vient s’ajouter aux projets en cours. Sur les projets en cours, on peut orienter une partie des fonds, mais pas vraiment importante. Les demandes des gouvernements sont énormes. Vous avez entendu que pour le Sénégal, c’est des centaines de milliards (1 000 milliards exactement Ndlr). Avec la facilité, on espère pouvoir ajouter des fonds où c’est nécessaire, petit à petit, au fil des besoins. Ainsi, il se peut que dans la zone Sénégal oriental il y ait des besoins qui ne peuvent être couverts par le Padaer, parce qu’ils sont spécifiques. En y pensant, on a entendu que les transferts des fonds des migrants ont beaucoup diminué, parce que souvent, occupant des emplois précaires en France, Italie ou en Espagne, ils ont perdu leur travail, et leurs familles ne reçoivent plus grandchose. Nous avons un système mondial pour les remittances, les transferts de fonds, qui a permis de réduire les coûts des transferts de manière nette. Par exemple, ce mécanisme pourrait être utilisé avec des systèmes de microfinance pour des prêtsrelais aux familles. Quand je travaillais en Afrique de l’Est, on avait beaucoup fait dans des périodes de crise pour que des familles aient accès à des lignes de crédit… C’est dire qu’il y a tout un ensemble de services qui doivent pouvoir être financés par cette facilité. On essaie de voir ce qui est le plus adapté selon les pays. La priorité reste de maintenir un niveau de revenus suffisants dans les familles agricoles.

Au vu de l’évolution de la maladie et des réponses que les Etats de l’Afrique de l’Ouest y apportent, pensezvous que les pays de la région pourraient s’en sortir sans trop de dégâts sur le plan social et économique ?

Je suis bien sûr, très optimiste en ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest. Les mesures ont été prises très tôt, de manière assez forte et sont bien appliquées par les gouvernements. Maintenant, le contrôle doit rester sur plusieurs mois, car on a vu que les cas contacts et communautaires continuent d’émerger. Il faut maintenir la pandémie au plus bas niveau. L’expérience d’Ebola était très intéressante aussi, parce que cela était ultra-contagieux, et on mourrait tout de suite. Alors que là, en Europe c’est moins de 10% des gens qui en meurent.
Sur la crise sanitaire ellemême, je pense que l’on est en bonne voie, mais il faut garder ce sérieux et ce courage pour tous les jours à venir.
Par contre, les choses sont plus alarmantes au niveau économique. Beaucoup de gens vivant d’activités informelles au jour le jour perdent leurs revenus. Donc, on a été très content de voir ces filets de sécurité mis en place par les gouvernements. Le Sénégal est très avancé sur ce point, et on s’en réjouit. Maintenant, on reste quand même sur ces pays qui ne sont pas, entre guillemets, «extrêmement peuplés». A part les villes qui connaissent des grandes densités de populations, on est dans des pays ruraux. Il y a de la distance entre les gens et on espère que la contamination sera moindre aussi. J’espère que cela va permettre à la vie rurale de continuer. Les amis avec lesquels je parle dans les villages m’assurent qu’ils sont tranquilles, eux.
Ils doivent faire attention aux voyageurs, c’est vrai. Mais normalement, les activités agricoles devraient pouvoir se faire. Et après, il faut faire attention que l’on ouvre aussi les corridors de commercialisation. C’est des corridors internes au Sénégal, comme les gens des Niayes qui doivent vendre leurs légumes en ville, mais c’est aussi des corridors inter-régionaux. Et là, les organisations du système des Nations unies en ont discuté avec le gouvernement. Par exemple, le gouvernement est en train de réfléchir sur les moyens de rouvrir le marché de Diaobé. Et je crois qu’au niveau de la Cedeao aussi, il y a un bon dialogue pour voir comment maintenir les échanges économiques dans la région.
La crise économique sera plus longue que la crise sanitaire, et il faut prendre des mesures dès maintenant. J’espère donc qu’avec l’engagement du Fida, de tous les efforts du gouvernement, on la surmontera.
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