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«La circulation du virus dans la communauté n’est pas une mauvaise chose»
Publié le vendredi 1 mai 2020  |  L'Observateur
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© Autre presse par DR
Test négatifs au coronavirus
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Dans le débat sur l’évolution du Covid-19, lui refuse de suivre la mouvance. Docteur Pape Moussa Thior, expert en Santé publique et ancien directeur du programme de lutte contre le paludisme, avance un argumentaire aux antipodes de la bienséance scientifique et de tout ce qui a été dit et se dit sur le coronavirus. Et il l’assume. Entretien.

Docteur Moussa Thior, vous théorisez qu’un cas communautaire est loin d’être négatif. Pouvez-vous développez votre pensée ?

Tout à fait. On désigne par cas communautaire un cas dont on ne connaît pas l’origine de la contamination. Il semble à ce sujet, qu’on ait développé une communication génératrice de beaucoup de malentendus pour la population. Aujourd’hui, la seule évocation d’un cas communautaire sème la panique dans la population, avec son lot de stigmatisation et de réactions de méfiance et d’hostilité contre-productifs dans la gestion d’une épidémie de cette nature. En réalité, un cas communautaire cesse d’être dangereux à partir du moment où il est diagnostiqué. Il a eu tout le temps de disséminer le virus pendant plusieurs jours avant qu’on ne le mette en évidence. Donc, je ne vois pas de raison de s’alarmer face au cas communautaire. Ensuite, du fait de l’immunité vitale de groupe générée par un virus en circulation dans une population, avoir un cas communautaire n’est pas forcément une mauvaise chose.

Il semble que cette approche ait été retenue dans des pays comme la Suède, les Pays-Bas, la Corée du Sud, entre autres. Ces pays n’ont pas fait de confinement ni pris de mesure de restrictions de mouvements entre les régions. Ils ont utilisé les méthodes barrières, la sensibilisation, la protection des groupes vulnérables (personnes âgées et souffrant de maladies chroniques), le testing de masse et le renforcement de la surveillance épidémiologique. Et ils ont moins de cas et de décès que les pays qui ont adopté le confinement comme stratégie de rupture de la transmission.

Donc, limiter la circulation entre régions n’est pas, selon vous, une bonne solution, car pouvant impacter sur l’effet de protection de masse. Est-ce à dire qu’on doit laisser le virus circuler pour accroître les systèmes d’immunité chez l’Homme ?

Tout à fait. Nous savons, depuis des décennies de science médicale que l’infection elle-même permet aux gens de générer une réponse immunitaire (anticorps) afin qu’elle soit contrôlée dans toute la population par l’immunité collective. En effet, c’est le principal objectif de la vaccination généralisée dans d’autres maladies virales pour aider à l’immunité de la population. Cette immunité collective est très intéressante dans un contexte comme le nôtre, avec une population très jeune. En transmettant le virus à d’autres membres du groupe à faible risque qui génèrent ensuite des anticorps, ils bloquent le réseau de voies vers le groupe le plus vulnérable, mettant ainsi fin à la menace. Donc, que le virus circule dans la communauté n’est pas forcément une mauvaise chose, du fait de l’immunité de groupe que cela génère.

Or, les mesures de restriction de mouvements ou de confinement peuvent remettre en question cette immunité vitale de groupe. En plus, cette restriction de mouvement inter-régional a des conséquences très néfastes sur l’économie du pays. Sans compter que son impact sur l’arrêt de la transmission de la maladie reste à démontrer.

«On a cherché à nous faire peur afin de nous empêcher de tirer profit d’une situation qui pourtant était à notre avantage»

Suivant votre argumentaire, il semble que les mesures prises jusqu’ici par l’Etat dans la lutte contre le Covid-19, ne sont pas totalement efficaces…

Je ne dis pas que les mesures sont inefficaces, mais dans une stratégie de résolution de problème de santé publique, il faut penser global et agir local. Il faut certes garder à l’esprit les dégâts causés par le Covid-19 dans les pays occidentaux et en Chine, mais il faut toujours tenir compte de la situation locale pour le choix des interventions. On ne peut pas élaborer un scénario du pire et choisir des interventions en conséquence. Il faut se baser sur le profil épidémiologique de la maladie, de la caractérisation de l’épidémie dans le pays (gravité, mortalité, fulgurance, étendue etc.) et choisir des interventions pertinentes pour une réponse appropriée. Quand on instaurait le couvre-feu, la fermeture des écoles et des lieux de culte, on avait très peu de cas et aucun décès. La crainte que ce qui s’est passé en Europe et en Chine se produise chez nous et que nous n’ayons pas les moyens de faire face, ne peut pas justifier de telles mesures. Ce sont des principes implacables de gestion des épidémies.

Comment expliquez-vous cette psychose venue de l’Occident ?

Je pense qu’on a cherché à nous faire peur pour nous pousser à adopter une attitude passive sans réaction afin de nous empêcher de tirer profit d’une situation qui pourtant était à notre avantage. On a tous entendu le secrétaire général des Nations Unies prédire des millions de morts pour l’Afrique ; prédiction qui ne repose sur rien de sérieux.

Dans cette crise du covid-19, l’Occident avait le genou à terre. L’Afrique devait profiter de cette situation pour faire business et inverser la tendance de l’aide. Malheureusement, comme lors de l’épidémie de Zika en 2016, les partenaires nous ont fait peur, nous poussant à adopter des plans de contingence à la hâte pour ensuite venir nous prêter de l’argent que nous rembourserons toujours au prix fort.

Il faut voir la célérité avec laquelle la Banque mondiale et le Fmi ont soi-disant volé à notre secours pour nous prêter de l’argent. S’ils réalisent la même opération dans tous les pays africains, vous voyez que toutes les pertes occasionnées par le coronavirus en Occident pourront être rattrapées avec le service de la dette. Et c’est ça qui nous maintient davantage et toujours dans la pauvreté.

Comment analysez-vous la gestion et la stratégie de communication utilisées par l’Etat autour des cas communautaires ?

A mon avis, cette classification de cas contacts, cas communautaires devrait être réservée aux techniciens en charge du suivi-évaluation. Je ne vois pas l’intérêt de porter à la connaissance du grand public des notions aussi techniques. On devrait plutôt concentrer nos efforts à sensibiliser les populations sur la connaissance des moyens de prévention, de la correcte utilisation des méthodes barrières et l’itinéraire thérapeutique en cas de besoin. Cela me semble plus utile. Aujourd’hui, il y a une telle panique autour de cette notion de cas communautaires qu’il urge de revoir la stratégie de communication concernant ce volet. Si rien n’est fait de ce côté-là, il ne faut s’étonner de voir des actes de violence à l’endroit de personnes diagnostiquées cas communautaires et ce serait vraiment regrettable.

Comment entrevoyez-vous la vie post-pandémie ?

Ma conviction est qu’après cette crise du Covid-19, plus rien ne sera comme avant. Cette pandémie nous a donné beaucoup de leçons sur notre rapport avec l’environnement, notre rapport avec l’autre et notre vulnérabilité en tant qu’humain.

Enfin cette pandémie nous aura rappelé, au cas où nous serions tentés de l’oublier, qu’il y a quelque part un Maître absolu des mondes Qui veille et Qui ne laisse pas faire n’importe quoi dans sa maison…

NDEYE FATOU SECK
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