Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Senegal    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article



 Titrologie



Enquête Plus N° 869 du 7/5/2014

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Économie

Les industries chimiques du Sénégal: Fantôme d’un géant en décadence
Publié le jeudi 8 mai 2014   |  Enquête Plus


Les
© Autre presse
Les industries chimiques du Sénégal, était l`un de fleuron de l`économie nationale


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Mboro, zone industrielle située à une centaine de km de Dakar, est dans la tourmente. Le géant qui faisait jadis sa fierté, ses fins de mois alléchantes à travers des rues animées, bref… sa joie de vivre, est plongée dans une nuit sans fin. Une longue agonie des Industries chimiques du Sénégal démarrée au tout début des années 2000, coïncidant avec l’avènement de la première alternance et culminant en 2008 avec la recapitalisation de l’entreprise. Les fruits d’une arrivée indienne qui n’ont pas tenue la promesse des fleurs. Et l’espoir vire au cauchemar… EnQuête vous plonge au cœur de la mort programmée d’un géant de l’industrie sénégalaise.



LES TRAVAILLEURS DES ICS NARRENT LEURS DOULEURS

Dans le bus des lamentations

Après 8 heures de travail, une partie des employés des Industries chimiques du Sénégal quitte l’entreprise à bord de gros cars de transport. Moment choisi pour faire un bout de route avec les travailleurs, dans ce qui se trouve être un véritable bus des lamentations

ICS Mboro, le bruit de sirène déchire l’air. Il est 16h, fin d'une journée bien remplie pour une partie du personnel. Des travailleurs s’engouffrent très vite dans le gros car et s’installent paresseusement sur les sièges. Ils ont l'air fatigués, assommés qu’ils ont été par 8 heures de corvée.

Le car s’élance et s’éloigne de cet endroit. La fumée blanche qui s’échappe d'une cheminée de l'usine des ICS contraste avec la colère noire s'échappant de la bouche des employés qui n’ont de cesse de vociférer leur souffrance tout le long du trajet. Les uns somnolent sur leurs sièges tandis que les autres fixent le toit de ce car qui porte difficilement le poids de ses âges.

Un troisième groupe d’individus alimente un débat houleux sur les supplices vécus au quotidien. Souvent, un calme plat règne dans cette masse de métal qui ballotte sa charge humaine et qui hoquette sur une route pas toujours paisible. ‘’Ce sont de vieux véhicules qui tombent souvent en panne et en pleine brousse’’, lance A.D.

Puis, hochant la tête, il partage sa souvenance : ‘’Jadis, lorsque le chauffeur traînait sur la route on allait directement se plaindre à la direction de l’entreprise, mais aujourd’hui, on n’ose pas, car nos voix ne comptent plus’’. Rien n’est plus comme avant dans la localité de Mboro, qui a pourtant connu son essor grâce à l’implantation des Industries chimiques du Sénégal. A.N se souvient : ‘’Mboro n’est plus que l’ombre d'elle-même. Avant, on percevait les salaires aux ICS vers le 28 du mois, la ville était très animée, c’était vraiment la belle époque’’.

‘’Même pour aller aux toilettes, il faut chercher une permission écrite’’

L’arrivée des Indiens dans cette entreprise en 2008 coïncide, selon ces travailleurs, avec le début de leur souffrance. Actuellement, personne n’ose broncher dans l’entreprise. ‘’Même pour aller aux toilettes, il faut chercher une permission écrite’’, lance A.N sur un ton chargé d’humour.

Pourtant, il dit vrai, à en croire les témoignages d’autres employés qui ajoutent que les toilettes ne sont ouvertes que de 8h à 13 heures. Assis sur un siège situé au fond du car, M.N a suivi le débat pendant longtemps et semble soudain intéressée par ce qui se dit. Ce qui le dépite le plus, c’est le volume de travail qui enfle face à un personnel qui baisse.

Il confie : ‘’l’entreprise prenait jusqu'à 1500 manœuvres par jour, mais actuellement, c’est difficilement qu’elle recrute 11 manœuvres par jour’’. Les travailleurs reprochent aux Indiens de recruter 1 personne pour faire le travail de 3 à 4 individus. Du coup, l’entreprise fonctionne ‘’par on ne sait quel miracle’’, s’interroge un cadre sous l’anonymat.

Les autorités administratives, les forces de sécurité et la presse accusés de rouler pour les ICS

Ce qui ronge le plus ces travailleurs, c’est le manque de soutien et d’espoir. ‘’Les Indiens et leurs complices sénégalais nous ont partout dominés, ils se sont payé la tête des autorités administratives de la région, des forces de sécurité et de la presse’’. Ainsi, disent-ils souffrir en silence dans un gouffre où personne ne vient à leur aide. Le bus roule, les langues se délient et les cœurs s’échauffent.

Dans le groupe, certains sont silencieux comme une tombe. ‘’C’est par peur des autorités qu’ils n’osent pas parler’’, lance M.D. Ici, tout le monde sait tout, mais personne n’ose s’exprimer à visage découvert. Pourrait-il en être autrement ? Chat échaudé craint l’eau froide, dit-on. Ceux qui ont osé s’attaquer ouvertement à la gestion de l’entreprise se sont vu engloutis dans un feu de colère des dirigeants indiens et de ''leurs complices sénégalais''.

On limoge et personne ne bronche

Les fois qu’ils ont tenté de braver l’autorité, ils en ont fait les frais et en portent toujours les stigmates. En 2012, un mouvement est né des suites d’une situation jugée injuste et consécutive à l’octroi de véhicule 4x4 aux cadres de l’entreprise. Dans un souci d’équité, les autres employés ont réclamé l’octroi de 2 millions pour chaque travailleur.

La répression de la direction générale des ICS ne se fera pas attendre. 41 personnes du secteur des mines se verront limoger, traduits devant la justice et défaits. Pire encore, ils seront contraints de payer de l’argent aux ICS en plus de s’être retrouvés sans salaires pendant des mois. ‘’Nous ne parvenons toujours pas à comprendre cette décision de justice’’, soufflent en cœur ces passagers dépités.

Ce bus rempli d’histoires, les unes plus ‘’chimiques’’ que les autres, est presque arrivé à destination. Les passagers descendent les marches et s’en remettent à Dieu, l’unique, l’ultime recours qui semble leur rester. Demain il fera jour et nos damnés reviendront sur leur lieu de travail, leur souffre-douleur.

 Commentaires