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Me Ousmane Ngom, ancien ministre de l’Intérieur: “Aucune liberté n’est absolue“
Publié le vendredi 21 fevrier 2020  |  Sud Quotidien
Macky
© Présidence par DR
Macky Sall donne le coup d`envoi du dialogue national
Dakar, le 28 mai 2016 - Le président de la République Macky Sall a donné le coup d`envoi du dialogue national. Il a lieu au palais de la République. Photo: Ousmane Ngom, ancien ministre de l`intérieur
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L’ancien ministre l’intérieur, Ousmane Ngom brise le silence. Dans une interview accordée au groupe Sud Communication (Sud FM et Sud Quotidien), l’auteur de l’arrêté à controverse, interdisant toute manifestation au centre-ville, revient sur les motifs. L’ancien numéro 2 du PDS évoque aussi l’article 80, sans occulter les débats sur la désignation du maire de Dakar par décret et le rapatriement des 13 sénégalais de Wuhan en Chine.

ARRETE INTERDISANT DES MANIFESTATIONS AU CENTRE VILLE

«Au-delà de l’arrêté Ousmane Ngom qui se justifiait et qui se justifie toujours par rapport au contexte et par rapport aux enjeux dans notre pays, le problème aujourd’hui, c’est que nous avons une nécessité d’un débat national sur la sécurité et les libertés publiques. La problématique aujourd’hui, c’est comment gérer l’exercice des libertés publiques ? Souvent, l’on agite en disant : «oui, il faut respecter les libertés de manifester» en oubliant qu’aucune liberté n’est absolue. La liberté de marcher, est inscrite dans la constitution mais elle est encadrée juridiquement par cette constitution puisqu’elle doit s’exercer dans le cadre des lois et règlements. Elle doit s’exercer en tenant compte également de la liberté des autres. C’est-à-dire de ceux qui ne participent pas à la marche, qui ne sentent pas concernés. Qu’en est-il de leurs droits et de leurs libertés d’aller et de venir, de commercer ou bien de travailler ou bien d’aller se soigner. On dit souvent que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. L’Etat doit être le garant de l’ordre public ; veiller à ce qu’il n’y ait pas de troubles à l’ordre public, à la sécurité publique. Ce sont des prérogatives de l’Etat qui sont incontournables. Comment préserver l’intérêt général face aux droits de la minorité, aux droits des autres ? Voilà toutes ces questions qui se posent aujourd’hui et qu’il faut donc mettre sur la table. Ce débat doit s’élargir au niveau national pour que nous puissions aborder toutes ces questions de l’exercice des libertés tout en préservant la sécurité publique, tout en préservant les droits et les libertés des uns et des autres. Il s’agit certes d’encadrer juridiquement les marches et les manifestations publiques dans le respect de l’ordre public mais aussi il s’agit de sauvegarder l’intérêt général qui prime sur tout.

C’est ça le fond et l’assistance de l’arrêté Ousmane Ngom. Il faut rappeler l’environnement et le contexte d’alors qui était un contexte d’effervescence et de troubles où il était important de préserver le centre-ville contre tous ces dérapages qui étaient en vue car le centre-ville n’est pas seulement le centre de la ville. C’est le cœur du pays puisqu’il y’a toutes les institutions de la République, les grands hôpitaux, la zone militaire mais aussi c’est le cœur économique et financier du pays parce que il n’y a plus de 12 établissements financiers qui en dépendent. Je rappelle souvent l’exemple de la Cote d’Ivoire où tout est partie d’un dérapage d’une manifestation à Korogo et à Bouaké où des rebelles ont attaqué les banques centrales, ont dérobé des dizaines voire des centaines de milliards. Ils ont acheté des armes ; ont pu donc installer la guerre civile en Côte d’Ivoire et déstabiliser le pays. Et la Côte d’Ivoire a reculé de plus de 10 ans avec des milliers de morts, son économie s’est effondrée et voilà ce qu’on appelle le manque d’anticipation. La France d’ailleurs l’a vécu récemment. Vous vous rappelez, le ministre de l’Intérieur de France qui avait dit il faut exercer les libertés, finalement les gilets jaunes ont occupé les Champs Elysées et ont paralysé l’économie de Paris et les ministres de l’Intérieur sont appelés de prendre un arrêté Ousmane Ngom à la parisienne ou à la française qui a interdit les manifestations au niveau des champs Élysées. C’est comme ça qu’il a pu endiguer le problème des gilets jaunes. Donc, il a eu à rattraper les choses alors que nous, nous avons anticipé pour éviter d’en arriver à ce genre de situation».

SUPPRESSION DE L’ARTICLE 80

«L’article 80 pose le problème de la sécurité publique et de la sureté de l’Etat. A partir de ce moment, il est important qu’on mette sur la table cette problématique ; cette question et qu’on puisse en débattre. Quelles sont les prérogatives et les égards qu’on doit au Chef de l’Etat, aux institutions de la République ? Comment ensemble, on doit les respecter et les gérer ? Donc, au-delà de la suppression ou non de l’article 80, le problème véritable, c’est la gestion de l’ordre public, de la sécurité publique. Parce qu’aujourd’hui, nous sommes dans un monde globalisé où il y’a une interdépendance des phénomènes. Il peut y avoir des subversions imprévisibles venant de l’intérieur du pays comme de l’extérieur du pays qui peuvent être la porte d’entrée de toutes sortes de catastrophes, le terrorisme, les criminalités nationales ou transnationales, les réseaux de traite de vies humaines et bien d’autres fléaux. Il faut donc tenir compte de tout cela sans compter que notre pays a aujourd’hui d’autres enjeux. Nous sommes un pays qui vient de découvrir des ressources importantes en gaz et pétrole et donc qui va devenir un émirat noir prochainement. Donc, un pays qui est très convoité.

Raison de plus pour avoir une autre vision de la sécurité, de la gestion de la paix mais aussi de la sécurité et une autre vision de la menace qui peut venir de l’intérieur du pays comme de l’extérieur du pays. Et souvent, il y’a une liaison intime entre les deux. Souvent les groupes extérieurs utilisent des groupuscules intérieurs pour déstabiliser un pays. Il faut tenir compte de tout cela lorsqu’on gère un Etat».

NOMMEE LE MAIRE DE DAKAR PAR DECRET

«Je ne vais pas m’appesantir sur cette question-là parce que pour moi, c’est un débat qui n’est pas encore clair dans mon esprit parce qu’il ne faut pas confondre statut spécial et délégation spéciale. Délégation spéciale, veut dire que lorsqu’il y’a un dysfonctionnement au niveau de la collectivité territoriale ou bien au niveau de l’institution municipale, l’Etat central prend une mesure d’exception en nommant un haut fonctionnaire par décret pour diriger l’institution à la place du conseil qui a été élu. Statut spécial, ça veut dire tout simplement, il y’a des personnalités spéciales qui ont été élues aux suffrages universelles directes ou indirectes avec à leur tête un maire qui dirige l’institution. Mais quand on parle de statut spécial, ça veut dire qu’il faut voir la répartition des compétences, des attributions et comment on peut justement bien les répartir entre l’Etat central et l’institution municipale pour que chacun puisse jouer pleinement son rôle ; pour qu’on sache qui doit rendre propre la ville, qui doit éclairer la ville, qui doit bien faire les routes, fleurir les carrefours, rendre agréable le cadre de vie. Aujourd’hui, on ne sait pas qui fait quoi et ça pose beaucoup de problèmes. Donc, on peut parler de statut spécial lorsqu’on envisage de parler des compétences, des attributions, du renforcement de l’attribution des autorités municipales ou du renforcement de leurs compétences, de l’implication dans la gestion quotidienne de la vie des populations comme cela existe dans beaucoup de capitales du monde. Que ce soit à Paris, à Londres, à New York, à Marseille, à Lyon ou ailleurs, on parle de statut spécial mais ça ne veut pas dire qu’il faut dégager l’équipe municipale pour nommer de hauts fonctionnaires qui vont venir gérer à leur place la ville. Toutefois, comme le débat est en cours, ce sont ces réflexions-là que je peux donner mais je ne peux pas aller plus loin».

CORONAVIRUS ET RAPATRIEMENT DE NOS COMPATRIOTES

L’Etat du Sénégal a pris les devants et a pris les mesures qu’il faut pour faire face à cette situation très tôt et il faut s’en féliciter. Ce n’est pas étonnant d’ailleurs parce que le Sénégal a quand même une certaine expérience de la gestion de la prévention d’épidémies. Rappelez-vous notre pays a connu ces dernières années des flambées d’épidémies, la fièvre jaune des années 96 mais aussi la méningite en 95 et le choléra aussi dans les années 95 et 96. Nous avons même eu un risque d’épidémie avec ce qui s’est passé chez notre voisin la Guinée. Il y’a eu d’ailleurs un cas qui a été importé et traité avec succès lors de cette épidémie d’Ebola qui sévissait en Guinée entre 2013 et 2016. C’est vous dire donc, nous avons un système sanitaire qui a une expérience et qui a des capacités, qui a aussi des compétences et des notoriétés qui sont au plan international. Donc, il est heureux que l’Etat ait pris des mesures très tôt pour anticiper par rapport à cette situation même si nous sommes très loin de la Chine. Quid du débat sur rapatriement ou non nos compatriotes qui sont en Chine ? La Chine est un pays qui a toujours été solidaire par rapport aux autres pays. Rappelez-vous au Sénégal depuis 1960, la Chine envoie des missions médicales ici pour aider nos populations, des missions agricoles ; participe à bien d’autres projets très importants pour le développement de notre pays. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui, elle subit l’épreuve qu’il faut la stigmatiser. Moi, je considère que nous devons tous dire que nous sommes tous des chinois et que nous sommes solidaires avec le peuple chinois par rapport à cette épreuve. Maintenant, est-ce qu’il faut forcément rapatrier nos compatriotes ?

Bien sûr, nous sommes compatissants par rapport à eux, nous sommes aussi solidaires par rapport à eux et par rapport à leurs parents et l’angoisse qu’ils ont, c’est tout à fait normal et humain. Mais la question que je pose est de savoir est-ce qu’il faut tout de suite les rapatrier et transférer cette angoisse qui concerne 13 personnes et leurs parents au 15 millions de sénégalais pour se dire est-ce qu’on ne va pas attraper le coronavirus ou pas ? Ça va créer une psychose, une angoisse beaucoup plus grande. Rappelez-vous, le seul cas Ebola qui avait été importé de la Guinée, lorsque ça a eu lieu, tout ce que ça a créé comme psychose ici dans le pays. Alors si vous imaginez les 13 ou plus, ensuite il faut trouver les structures qu’il faut, avoir les capacités qu’il faut pour les héberger, les mettre en quarantaine etc. Je ne crois pas que le Sénégal soit en mesure de régler toutes ces questions dans les délais. La Chine a les capacités. C’est quand même la deuxième ou la première puissance économique mondiale qui a quand même un système sanitaire qui a les capacités. En 10 jours, ils ont construit 3 hôpitaux. Ils ont créé des robots qui vont servir à manger aux malades. Ils ont aussi eu la possibilité de prendre même le placement des malades qui ont été guéris pour soigner ceux qui sont malades et tout. Ils ont bien d’autres capacités. On parle déjà d’un vaccin. Je pense qu’ils sont plus en sécurité et mieux là-bas en Chine pour être pris en charge et soignés éventuellement s’il y’en avait un qui est donc atteint que de les amener coute que coute au Sénégal.­­

recueillis par El Hadj Malick Ndiaye (SudFm), Transcrits par Mariame Djigo
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